ALSACE, LORRAINE ET NORMANDIE

Commentaire (0) Revue de presse

 

Dans le Coutançais, au cours des mois de juin et juillet 1944, alors que la guerre faisait rage dans presque toute la Norman­die: des agri­cul­teurs, des employés, des méde­cins, des reli­gieux, des ouvriers des arti­sans etc….se compor­tèrent héroïque­ment et prirent des risques énormes en accom­plis­sant des actes de résis­tance. En effet, ils aidèrent des Français incor­po­rés de force dans les armées nazies, et plus préci­sé­ment dans la sinistre et redou­table Waffen-SS. Ils les aidèrent à déser­ter ou alors ils les proté­gèrent en les cachant. Dans leur grande majo­rité, ces Français d’Al­sace et de Lorraine, leur déser­tion réus­sie, s’en­ga­gèrent dans les Forces Françaises Libres.

Dans d’autres lieux de Norman­die, des Normands aidèrent, proté­gèrent des Alsa­ciens-Lorrains, victimes de l’an­nexion abso­lu­ment illé­gale de leur région par le 3ème Reich. Cette annexion eut un prolon­ge­ment igno­mi­nieux : L’in­cor­po­ra­tion de force.

Le 8 août 2011, au Centre Cultu­rel d’Agon-Coutain­ville, a eu lieu une confé­rence afin qu’un hommage soit rendu au Docteur GUILLARD et à tous les person­nels de l’hô­pi­tal de Coutances replié à Coutain­ville. Hommage a été rendu égale­ment à tous les « Normands sauveurs « . D’au­cuns ont été présents. La confé­rence sera tenue par des Histo­riens, notam­ment Monsieur Jean-Laurent Vonau, Vice Président du Conseil Géné­ral du Bas-Rhin, Président de la Commis­sion Cultu­relle, Patri­moine et Mémoire, Monsieur Alphonse Troest­ler, Vice Président Hono­raire du Conseil Géné­ral du Bas-Rhin, Maire Hono­raire de Rosheim, chargé de mission auprès du Conseil Régio­nal, Président Hono­raire du Conseil Géné­ral et très impliqué dans la défense des incor­po­rés de force. Ces derniers sont venus à Coutain­ville pour expri­mer leurs remer­cie­ments en racon­tant leurs parcours respec­tifs et ce que firent pour eux des Normands
Ainsi, le voile sur cette triste période de notre histoire a été levé en présence de plus de 200 personnes.

Jean Bézard

* Cour­riel : aubertn@­wa­na­doo.fr

Chers compa­triotes

En juin, juillet, août 1944, ici en Norman­die, lors de la bataille pour la libé­ra­tion de la France, dans les forces anta­go­nistes en présence, et comme sur tous les fronts, des drames eurent lieu. Des drames de toutes sortes, ce fut un carnage. Des morts, des bles­sés par milliers. Il y eut aussi des drames diffi­ciles à imagi­ner car de nature psycho­lo­gique : donc incom­men­su­rables. Ils sont peu connus car peu révé­lés, pas évoqués. De surcroît, ils sont tus à l’école, parce que, absents des programmes d’His­toire.

Le temps n’est-il pas venu de faire la lumière sur ce qui fut et reste un étrange silence? Je veux parler de l’in­cor­po­ra­tion de force. En Norman­die, et hélas sur tous les fronts, une belle jeunesse a été contrainte et de manières les plus cruelles, à porter les armes contre ses alliés: nos alliés. Si mes rensei­gne­ments sont bons, pour ceux enga­gés sur le front de Norman­die, c’est prin­ci­pa­le­ment dans l’ignoble Waffen SS, que ces adoles­cents furent de force incor­po­rés. Ils étaient à peine âgés de 18 ans. Cette Waffen SS exécra­tion du genre humain, était une véri­table prison.

A cause de la supré­ma­tie de l’avia­tion alliée, par temps clair, les dépla­ce­ments des unités alle­mandes n’étaient pas possibles. Les troupes restaient camou­flées. Les dépla­ce­ments ne pouvaient s’ef­fec­tuer que la nuit. Fréquem­ment, les troupes nazies s’ins­tal­laient à proxi­mité des villages. C’est là, que les Alsa­ciens et les Mosel­lans avaient des contacts discrets, secrets même avec les Normands. Des amitiés, des amours naquirent et aussi des compli­ci­tés d’éva­sion, de nombreuses réus­sirent et les déser­teurs parvinrent à rejoindre les Forces Françaises libres.

Par modes­tie, ceux qui aidèrent nos compa­triotes alsa­ciens n’en dirent rien. Ce n’était pas facile. Il n’est sans doute pas mauvais de rappe­ler qu’a­près : Carlux, Oradour, Marsou­las, Tulle etc.…et bien évidem­ment après le procès de Bordeaux, comme un manteau, l’op­probre et l’obs­cu­ran­tisme furent éten­dus sur les réali­tés de l’in­cor­po­ra­tion de force : corol­laire de l’an­nexion.

Après les malheurs de l’an­nexion, la paix reve­nue et l’unité natio­nale reconquise, il semble­rait que tout ait été fait pour que les Mosel­lans et les Alsa­ciens soient montrés du doigt.

Pour lutter contre cette forme de malhon­nê­teté intel­lec­tuelle une confé­rence a été orga­ni­sée le 8 août 2011 à Agon-Coutain­ville (Manche). Elle avait pour objet : « Hommage au Docteur GUILLARD « . Par ce chirur­gien et son équipe, à Agon-Coutain­ville, furent sauvés du pelo­ton d’exé­cu­tion, au moins deux déser­teurs alsa­ciens. Cette confé­rence fut un véri­table succès.

En d’autres lieux, en Norman­die, et dans d’autres circons­tances, malgré les risques encou­rus, de nombreux Normandes et Normands aidèrent, faci­li­tèrent la déser­tion de leurs compa­triotes enrô­lés de force. Il sera impos­sible de connaître avec préci­sion tous ces cas de bravoure patrio­tique. Cepen­dant, tout doit être fait pour les porter à la connais­sance du public, et ce, dès aujourd’­hui, à la lumière des ensei­gne­ments reti­rés lors de l’hom­mage rendu au Docteur GUILLARD. L’oc­ca­sion paraît oppor­tune, donc à saisir, pour expliquer le martyre de l’Al­sace et de la Moselle. Au cours du vin d’hon­neur, servi après la confé­rence, deux personnes (dont un Inspec­teur de l’Édu­ca­tion Natio­nale) ont déclaré, je cite :  » Ce n’est pas une confé­rence qu’il fallait orga­ni­ser mais un colloque. »

Une telle demande, une telle propo­si­tion, découle c’est une certi­tude des grandes quali­tés des orateurs. De la tribune, avec des exemples et des mots simples, ils ont su, à nous audi­teurs faire prendre conscience de notre igno­rance en la matière. Cette prise de conscience a été expri­mée par l’émo­tion. Furti­ve­ment des larmes furent essuyées…..

La tenue d’un tel colloque sur l’an­nexion de l’Al­sace et de la Moselle marty­ri­sées doit avoir lieu en Norman­die. Ce colloque permet­trait d’ho­no­rer : ceux qui furent aveu­glé­ment tués par leurs alliés. Ceux qui, en déser­tant coura­geu­se­ment purent rejoindre les Forces Françaises Libres. Et bien évidem­ment, tous les Normandes et Normands, qui, patrio­tique­ment, aidèrent des enfants de France à accom­plir leur idéal. En réalité tous sont des héros. Leur courage permit de repous­ser la soumis­sion, et de là, nous rendre la liberté.

Les décen­nies s’ac­cu­mulent et le temps nous échappe. Voilà pourquoi, si, pour le 70ème anni­ver­saire de l’in­cor­po­ra­tion de force, un colloque avait lieu en Norman­die, nous, popu­la­tion normande ; nous deman­de­rions aux élus du peuple français une marque de recon­nais­sance natio­nale. Il pour­rait s’agir d’une surface maté­ria­li­sant géogra­phique­ment et à jamais la Moselle, le Bas-Rhin et le Haut-Rhin. Ce symbole serait aux couleurs de la France avec en applique: l’écus­son de la France Libre. Pour le 8 mai 2012, les sépul­tures (quelque soit l’en­droit où elles se trouvent seraient ornées de cette distinc­tion). Pour le incor­po­rés de force dont les corps n’ont jamais été retrou­vés, mais dont les lieux de décès en France sont connus, le symbole serait fixé sur le monu­ment aux morts de la commune. Les personnes, ayant agi dans l’in­té­rêt des incor­po­rés de force donc de la France et encore de ce monde, céré­mo­nieu­se­ment,en seraient déco­rées. Nous aurions là, une réelle possi­bi­lité d’ho­no­rer celles et ceux qui œuvrèrent pour que l’Eu­rope naisse du lit du Rhin.

Un Normand,

Jean BÉZARD

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