Evoca­tion du vécu de Georges LORENTZ

Commentaire (0) Portraits de Malgré-Nous

 

lorentz_georges.jpg Photo ci-contre : Georges Lorentz, né le 3.12.1925, enrôlé de force, à l’âge de 17 ans, dans la Wehr­macht.

Ma famille est origi­naire de Séles­tat (Bas-Rhin). Quand mon père, Georges Lorentz, reçut son ordre d’in­cor­po­ra­tion de force dans la Wehr­macht, mon grand-père lui a demandé de partir pour la Suisse ou la France.

Qui sait encore aujourd’­hui, ce qui se passait alors si on ne se pliait pas à l’in­cor­po­ra­tion de force ?

C’était la Sippen­haft: toute la famille partait en camp de concen­tra­tion ou en Silé­sie, privée de ses biens et soumise au travail de force!

Qui se souvient des jeunes de Ballers­dorf (Haut-Rhin) captu­rés près de la fron­tière Suisse et assas­si­nés par les Nazis?

Il y avait encore une autre raison pour laquelle mon père refusa de fuir…

Sa soeur Lucie était la seule et unique sage-femme à Séles­tat et priver toutes ces futures mères de sage-femme, en temps de guerre, où tout était déjà problé­ma­tique, aurait été un cas de conscience non envi­sa­geable pour mon père! Il fut, comme bien d’autres Alsa­ciens-Mosel­lans, envoyé par les Nazis sur le front russe, fait prison­nier et envoyé au camp de Tambov…

Porté disparu, mes grands-parents n’avaient plus aucunes nouvelles de lui. La libé­ra­tion de la France, puis celle de Séles­tat eu lieu en février 1945… mais le cœur et l’es­prit de mes grands-parents, et de ma tante, n’était pas libéré de leur douleur et souf­france.

Au mois de juillet 1945, des convois de prison­niers alsa­ciens reve­naient des camps de Russie. « L’es­poir » renais­sait dans la famille, mais rien, encore de longues semai­nes…

Puis, à nouveau, ma tante arpen­tait, comme elle l’avait tant fait aupa­ra­vant, les quais de la gare de Séles­tat : ce jour-là, c’était le derniers convoi des « valides », car, après et jusqu’en septembre, il n’y avait plus que les grands bles­sés et les mourants. Ces Malgé-Nous, ils sont tous dans le même état, le teint gris, maigres, fanto­ma­tiques… tous pareils. Elle passe à côté d’eux, soudain un bras l’ar­rête. Elle regarde l’homme en face d’elle avec inter­ro­ga­tion. Il lui sourit: là, seule­ment, elle recon­nait son sourire.

Mon père avait 20 ans, 1m88, 38 kilos!

On lui avait volé sa jeunes­se…

Je voudrais encore ajou­ter cette anec­dote que m’on père m’avait racon­tée. C’était un 14 juillet. Mon père et un de ses amis ont décidé de hisser un drapeau français à la place du drapeau nazi au cours de la nuit. C’était à la Gestapo de Séles­tat, située à la villa Wankenne, route de Stras­bourg.

Opéra­tion très périlleuse, certai­ne­ment punie de mort, s’ils avaient échoué…

Le lende­main, la Gestapo a recher­ché les auteurs de ce fait… sans succès…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *