Jacques Lantz (père)

Commentaire (0) Famille Lantz

 

Témoi­gnage rédigé par lui-même le 23 juillet 1945 et trans­mis par son fils, Joseph Lantz.

« Depuis l’an­née 1925, j’étais occupé com­me ouvrier à la Société métal­lur­gique de Knutange. Dès le 7 juin 1940, en consé­quence du dérou­le­ment défa­vo­rable de la guerre, tout travail a cessé dans cette usine comme dans les autres usines de la région.

Le 14 juin, nous rece­vions l’ordre de rejoindre l’in­té­rieur de la France en vue de conti­nuer à travailler ; malheu­reu­se­ment, à 30 km d’Epi­nal, nous étions arrê­tés par l’avance alle­mande : il nous était impos­sible de rejoindre Dijon, lieu de rallie­ment qui nous avait été fixé. Le même convoi qui nous trans­por­tait nous rame­nait en arrière par ordre des auto­ri­tés enne­mies jusqu’à Pont-à-Mous­son. Là, en raison des destruc­tions d’ou­vrages d’art, nous devions conti­nuer notre route à pied jusqu’à Hayange.

En raison des destruc­tions des usines de la région, je restais au chômage depuis mon retour en juin jusqu’au 21 décembre de la même année. Cepen­dant, l’en­nemi avait installé ses offices du travail (Arbeit­samt) où je devais me rendre hebdo­ma­dai­re­ment. Plu­­sieurs [m’ont dit] que je devais aller travailler en Alle­magne, mais, allé­guant ma qualité d’in­va­lide de guerre, je pus éviter ce sort que beau­coup d’ou­vriers dès ce moment-là devaient subir.

A cette date, le 21 décembre 1940, je recom­mençais mon travail à la même usine. Je devais y être occupé jusqu’au 16 janvier 1943.

Mon fils aîné, Eugène, étant, dès [le 25 avril] 1941, parti au titre de volon­taire par convoi régu­lier d’ex­pul­sés en France non-occu­pée[[« Pour se sous­traire aux obli­ga­tions de la Wehr­­macht ».]], je ne dési­rais qu’une chose : me faire inscrire aussi sur les listes des gens partant en France. D’autre part, je n’ai jamais pu me rési­gner à entrer dans une forma­tion, ni même dans la Volks­ge­mein­schaft, même au titre de simple membre. Mes enfants non plus, à aucun moment, n’ont fait partie d’une orga­ni­sa­tion nazie telle que la Hitlerju­gend. Ne voulant pas que mon second fils, Jacques, conti­nue après l’âge scolaire la fréquen­ta­tion de l’école alle­mande, celui-ci dut aller travailler, par ordre de l’Ar­beit­samt, comme garçon de cour­se à la Maison de Wendel à ce moment-là dénom­mée „ Hermann Göring Werke “. Son trai­te­ment était d’en­vi­ron 40 à 50 RM par mois ; plus tard, il devait être occupé comme employé aux écri­tures avec un salaire mensuel d’en­vi­ron 80 RM. Cet emploi, il ne devait l’oc­cu­per que deux mois car, sur rapport du chef SA Métrich dénonçant Jacques comme ne faisant pas partie de la Hitler­ju­gend, il devait être payé au titre d’ap­prenti à raison de 25 RM seule­ment. Jacques devait être déporté le 15 janvier 1943 vers Blan­­ken­­burg et, plus tard, à Linz (Autriche) et, comme ne faisant toujours pas partie de la Hitlerju­gend, il devait travailler ainsi jusqu’à sa libé­ra­tion par les troupes alliées.
Dépor­tés !
Le 16 janvier 1943, je devais moi-même cesser de travailler pour motif de ne pas faire partie de la Volks­ge­mein­schaft. Quelques jours plus tard [[Arrêté à son domi­cile le 22 janvier 1943 par la Ges­­ta­po.]], je devais être déporté avec ma famille se compo­sant de ma femme et de mes deux derniers fils[[Louise, Joseph (11 ans) et Jean-Pierre (7 ans).]]. J’ajoute que, préa­la­ble­ment, j’avais fait par écrit une demande pour pouvoir me rendre en France et ceci à la suite des ordon­nances de Bürckel prévoyant l’éta­blis­se­ment de listes de gens dési­reux de se rendre en France, pays qu’ils recon­nais­saient être leur patrie.

Je fus donc déporté au camp de Strie­gau (Si­lé­sie)[[Egale­ment connu sous le nom de Stre­gom et Strze­­gom. Arri­vée au Lager n° 122 le 24 janvier 1943.]]. Dans ce camp, allé­guant toujours ma qualité de blessé de guerre et souf­frant à ce moment de maux d’es­to­mac, je pus éviter d’être employé dans les usines de guerre alle­mandes. Cepen­dant, à l’in­té­rieur du camp, je dus assu­rer les corvées d’en­tre­tien sans toucher aucun dédom­ma­ge­ment. Même l’argent de poche alloué au déporté d’un camp[[Soit 3 RM par mois et par personne.]] ne m’a jamais été octroyé pour un motif que ­j’i­gnore ; je ne devais toucher cette allo­ca­tion qu’à partir du 1er août 1945, sans rappel pour la période où je n’avais rien perçu.
Au moment de l’avan­cée russe, nous devions évacuer le camp de Strie­gau [[le 12 février 1945]] pour être trans­por­tés en Bavière, à Zent­ling[[Via Harm­sdorf (16 février 1945)]]. Là, nous fûmes libé­rés par l’avance améri­caine le 28 avril 1945.

Le 23 mai 1945, nous étions de retour dans notre foyer lorrain [[à Hayange, Moselle]] ».

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