Marcel Weinum et la Main Noire

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Affiche_Marcel_Weinum.jpgLes éditions Arfuyen docu­mentent le moment héroïque et tragique de la jeune Résis­tance alsa­cienne, autour de l’exem­plaire figure de Marcel Weinum et du groupe de la Main Noire.

Quelques mois après la publi­ca­tion du très beau mémo­rial d’Etty Hille­sum, jeune juive d’Am­ster­dam, morte à 29 ans à Ausch­witz, dans la paix d’une foi vivante gagnée sur la terreur, les éditions Arfuyen arrachent à l’ou­bli et à l’igno­rance Marcel Weinum, un destin dans sa jeunesse lui-aussi sacri­fié, mort pour la France, pour la patrie, pour son pays.
Marcel Weinum avait un âge de presque enfant quand sa tête est tombée sous la guillo­tine nazie, en avril 1942, à Stutt­gart. Marcel Weinum avait 18 ans et payait de sa jeune vie des mois d’ac­tive résis­tance en Alsace, à la tête du réseau clan­des­tin de la Main noire, fédéré à son appel en septembre 1940, qui enga­gea avec une témé­rité folle une tren­taine de garçons de 14 à 16 ans, dans la lutte contre Hitler et le nazisme. « Main active, main mysté­rieuse et inquié­tante, main diri­gée contre les Alle­mands », dit René Klein­mann, qui en fut l’un des premiers membres.
En ces pages du livre d’Ar­fuyen, auxquelles intro­duit notre consoeur Marie Bras­sart-Goerg, Klein­mann et d’autres témoins fouillent la mémoire de ce jeune réseau d’ap­pren­tis et d’étu­diants, qui habillèrent parfois leur combat clan­des­tin dans l’uni­forme détesté des Hitlerju­gend. Ils se souviennent : des opéra­tions d’es­pion­nage et de rensei­gne­ment ; du sabo­tage des lignes élec­triques et du réseau ferré ; des vitrines brisées où trônaient des bustes de Hitler ; des tracts de propa­gande pour la France ; des croix de Lorraine et inscrip­tions patrio­tiques dont ils recou­vraient les murs de Stras­bourg ; de la lutte armée et des atten­tats, dont celui qui visa le plus haut repré­sen­tant d’Hit­ler en Alsace, le Gaulei­ter Wagner, sur la voiture duquel furent jetées deux grenades.
Moment héroïque et tragé­die. Car ces témoins font le récit, aussi, de la chute du réseau de la Main Noire, après l’ar­res­ta­tion, sur le chemin d’un retour de Bâle, de Weinum et de son ami polo­nais Ceslav Sieradzki, de qui un codé­tenu complice du régime nazi extorque par la ruse des rensei­gne­ments. Ils racontent les arres­ta­tions, les inter­ro­ga­toires par la Gestapo, les sévices, la torture mentale. Et la prison, et le camp d’in­ter­ne­ment de Schir­meck, où périt le cama­rade Sieradzki, en décembre 1941. Jean-Jacques Bastian a vu les kapos armés de gour­dins, pour­chas­sant « une loque humaine ensan­glan­tée, la tête rasée, piéti­née sur le gravier. Mais la frêle silhouette se relève, étend les bras et crie « Vive la France ». Quelques heures plus tard, le haut-parleur du camp annonce que le détenu Sieradzki a été fusillé pour cause de résis­tance.
Weinum n’aura pas cette mort sans procès; il meurt jugé, après un procès dont le long acte d’ac­cu­sa­tion résume bien l’ac­ti­visme de la Main Noire. Le procès révèle une âme droite et forte, qui ne renie aucun enga­ge­ment ou convic­tion et accueille sans faillir sa condam­na­tion à mort. « Courage, Papa, garde la tête haute », souffle-t-il à son père, dans les couloirs du tribu­nal de Stras­bourg.
Avec les quelques lettres du jeune homme prison­nier à sa famille, Arfuyen ajoute à la docu­men­ta­tion de l’his­toire de cette jeunesse résis­tante un émou­vant portrait de Weinum, qui part « joyeux à la mort », dans le senti­ment serein du devoir poli­tique accom­pli et la croyance en la rédemp­tion éter­nelle accor­dée par Dieu. « Je meurs avec un coeur pur. »

Natha­lie Chif­flet

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