« Mur des Noms » de Schir­meck – Article paru dans « L’Ami hebdo » du 11.3.18

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La « guerre des Noms », un nouvel espoir

 

 

Après des années de recherches, d’enquêtes et de réunions, un consen­sus s’était fait sur la liste des victimes de la Seconde Guerre mondiale qui figu­re­raient sur le « Mur des Noms » de Schir­meck. Des voix se sont élevées – bien tardi­ve­ment – pour remettre en cause les travaux menés par le comité scien­ti­fique d’alors, mettant un coup de frein à l’en­semble du projet. Le Grand Est relance aujourd’­hui la réflexion.

 

Si l’on remon­tait dans le temps, on se souvien­drait que le « Mur des Noms » de Schir­meck était, à l’ori­gine, un projet de l’as­so­cia­tion des Orphe­lins de pères « Malgré-Nous » d’Al­sace et de Moselle (OPMNAM) alors prési­dée par feu Bernard Erne­wein. C’était en 2007. Depuis, le projet a évolué, pris de l’am­pleur. Aux incor­po­rés de force morts ou dispa­rus initia­le­ment prévus se sont ajou­tés l’en­semble des victimes alsa­ciennes et mosel­lanes de la Seconde Guerre mondiale. De cette liste de victimes ont toute­fois été exclus les enga­gés volon­taires (quels qu’aient été les motifs et les condi­tions de leur enga­ge­ment), c’est-à-dire ceux qui n’ont pas obtenu la fameuse mention « mort pour la France » (MPLF).

Le projet était bien avancé quand, en 2017, quelques voix se sont fait entendre, très émues de « décou­vrir » que des soldats, des dépor­tés ou des résis­tants pouvaient côtoyer des incor­po­rés de force dans la Wehr­macht mais, surtout, dans la Waffen-SS (même recon­nus « MPLF »). Une ques­tion stérile montée en épingle qui n’a fina­le­ment pas provoqué l’aban­don pur et simple du projet. Aujourd’­hui, c’est dans un contexte apaisé qu’est né un nouveau comité scien­ti­fique chargé de reprendre le dossier et de propo­ser un monu­ment qui n’aura peut-être plus l’as­pect d’un mur. Malgré un profond renou­vel­le­ment des membres du comité, ceux-ci repren­dront les travaux de leurs prédé­ces­seurs. Notons toute­fois que certaines objec­tions ont été émises. Ainsi, par exemple, la légi­ti­mité de l’at­tri­bu­tion du statut « MPLF » a été remise en ques­tion par certains (attri­bu­tion trop facile, erreurs). Or, même si des erreurs sont possibles, une remise en cause est très déli­cate et relève de l’Etat. De plus, l’at­tri­bu­tion « MPLF » figure en marge de l’Etat-Civil, ce qui relève du Tribu­nal de Grande Instance. Et qui peut dire si un collabo, un membre du parti ou un Kapo ne se trouve pas parmi les victimes rete­nues pour le Mur ? Au total, même si il a été souli­gné que les survi­vants de la guerre en ont tous été les victimes, seuls figu­re­ront les morts et les dispa­rus comme cela avait été précé­dem­ment décidé.

 

Si les orphe­lins de « Malgré-Nous » se réjouissent que la construc­tion d’un monu­ment commé­mo­ra­tif soit toujours d’ac­tua­lité, ils apportent toute­fois un bémol à leur satis­fac­tion. Leur président, Gérard Michel, constate : « Le précé­dent conseil scien­ti­fique était gardé secret, nous n’avions pas été infor­més de sa compo­si­tion… Le nouveau conseil scien­ti­fique exclu d’en­trée les familles des incor­po­rés de force concer­nées et les asso­cia­tions  ». Il sera parti­cu­liè­re­ment atten­tif à la bonne mise en avant de la Sippen­haft­ge­setz (loi de respon­sa­bi­lité collec­tive) dans le nouveau projet et, si cela n’était pas fait, il pour­rait même s’op­po­ser à ce que les noms de son père et de son oncle figurent sur le futur monu­ment.

Que sera ce monu­ment mémo­riel des 54000 Alsa­ciens-Mosel­lans morts ou dispa­rus pendant la dernière guerre (chiffre approxi­ma­tif car les dépouille­ments ne sont pas tota­le­ment ache­vés concer­nant les victimes civiles mosel­lanes), dont 30400 à 31 000 incor­po­rés de force ? La prési­dente du nouveau conseil scien­ti­fique Frédé­rique Neau-Dufour, histo­rienne et direc­trice du centre euro­péen du résis­tant déporté du Stru­thof, précise que « ce monu­ment évolu­tif, en prise étroite avec les travaux des histo­riens, donnera sa place parti­cu­lière à chacune des caté­go­ries de morts et dispa­rus alsa­ciens-mosel­lans. Il ne s’agit pas de hiérar­chi­ser les souf­frances, mais de rendre percep­tible la complexité d’une histoire marquée par l’an­nexion, et de la trans­mettre dans une optique péda­go­gique reven­diquée  ». La solu­tion d’un monu­ment numé­rique, plus souple et plus évolu­tif qu’un monu­ment clas­sique, n’est donc pas à exclure. Mais ce n’est qu’une possi­bi­lité envi­sa­gée parmi d’autres. Par contre, aucune échéance n’a été fixée. Se pose alors la ques­tion suivante : un tel monu­ment aura-t-il encore du sens si celui-ci est érigé après la dispa­ri­tion de tous les témoins de cette époque ?

 

Nico­las Mengus

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