Le troisième numéro de la revue historique « Comprendre l’incorporation de force » est consacré au décryptage du drame d’Oradour-sur-Glane, vu sous l’angle des Alsaciens présents dans ce village du Limousin le 10 juin 1944 et du procès de Bordeaux.
Où que vous soyez en France, le nom de ce bourg résonne douloureusement. Symbole de la France martyrisée par les nazis. Parfois, trop souvent, n’est retenue des bourreaux que la présence d’Alsaciens qualifiés de monstres ou de traîtres. Incorporés de force ? Une expression méconnue au delà de la ligne bleue des Vosges… Comme le prouve hélas le jugement rendu le 13 octobre 2013 par la Cour de Cassation, blanchissant Robert Hébras pour avoir écrit dans un ouvrage vendu dans l’officiel Centre de la mémoire d’Oradoursur- Glane « Je porterais à croire que ces enrôlés de force fussent tout simplement des volontaires. Aucun ne put apporter la moindre preuve de son enrôlement ». Une terrible erreur historique (130 000 incorporés de force alsaciens- mosellans dont 40 000 morts ou disparus) cautionnée par la justice française au nom du droit d’expression… Étrange. Cela méritait bien qu’un historien comme Nicolas Mengus consacre 78 pages de texte et photos à l’implication, dans le drame d’Oradour-sur-Glane, d’Alsaciens. Soit un engagé volontaire et une trentaine d’incorporés de force dont la majorité avaient 18 ans et donc étaient mineurs au moments des faits reprochés.Déportés militaires
D’emblée, la publication fait le choix de parler de « déportés militaires », un terme disparu des documents administratifs dans les années 50. Fait trop peu connu : le gouvernement du général de Gaulle après 1945 avait attribué ce titre aux jeunes Français d’Alsace et de Moselle annexées de fait, jetés de force dans les troupes allemandes. La publication répond ensuite à plusieurs questions qu’on se pose… ou qu’une relation peut vous poser au hasard d’une conversation. Exemples : pourquoi y avaitil des Alsaciens dans la Waffen SS ? Qui étaient les déportés militaires alsaciens de la 3ème compagnie du régiment Der Führer de la Division Das Reich ? Pourquoi le massacre a-t-il eu lieu à Oradour-sur-Glane ? Qu’ont exactement fait les 14 accusés alsaciens entre 12h et 22h lors de cette journée dramatique ? Émile Oster, un des 13 déportés militaires, a-t-il bien sauvé une jeune fille de l’église en flammes ? Y a-t-il eu un Waffen SS alsacien en visite à Oradour-sur-Glane avant juin 1944 comme le prétendent certains ? La 3ème compagnie était-elle seule à agir à Oradour ? Quel a été le rôle de la Milice, composée de Français pronazis, et des membres allemands du Sicherheitsdienst ? La Justice a-t-elle enregistré les dépositions en toute impartialité ? Pourquoi la loi dite Oradour du 18.09.48 fut-elle abrogée? Pour quelles raisons le Parti communiste a-t-il tenté de récupérer l’affaire ? Nicolas Mengus pose de vraies questions, rarement évoquées dans les ouvrages déjà parus. Ses réponses (certes pas forcément définitives ou parfaitement sûres) sont bien étayées et leurs sources, documentées. L’auteur de la publication a en effet abordé scientifiquement le problème, choisissant, comme tout historien devant plusieurs versions d’un fait, d’exposer celles des différents protagonistes. Figure donc aussi la version avancée par les Waffen SS et qui expliquerait le massacre de la population par l’enlèvement du commandant Helmut Kämpfe le 9 juin 1944 (comme l’atteste d’ailleurs le résistant Jean Canou dans sa déposition de 1949), puis la capture de l’officier Karl Gerlach. Des éléments du puzzle menant au pire crime de guerre commis en France et sur lequel la recherche doit progresser sans entrave comme cette revue (qui mériterait d’être au Centre de la Mémoire d’Oradour) en donne l’exemple.
Marie Goerg Lieby
Comment savoir pardonner les horreurs d’un fou….