TAMBOV ET KIRSANOV, MEMOIRE ET RECUEILLEMENT (1)

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Du 25 au 27 février 2008, une délé­ga­tion du Conseil Géné­ral du Bas-Rhin, sous la conduite du président Philippe Richert, s’est rendue à Tambov et à Kirsa­nov pour rendre hommage aux incor­po­rés de force qui ont tran­sité en ces lieux et pour remer­cier les auto­ri­tés russes pour leur effi­cace colla­bo­ra­tion.

Tambov est une ville située à 450 kilo­mètres au Sud-Est de Moscou. Son nom serait resté inconnu en France si des milliers de « Malgré-Nous » alsa­ciens et mosel­lans n’y avaient été rete­nus prison­niers, n’y étaient morts d’inap­pé­tence, de froid, de fatigue et de déses­poir.

Le camp de concen­tra­tion (déno­mi­na­tion utilisé par les Russes) n°188 de Tambov-Rada a été construit en 1941. C’était alors un camp de contrôle et de tri pour des soldats russes ayant échappé sur le front à un encer­cle­ment par les Alle­mands et donc suspec­tés d’être des traîtres et des espions. Après Stalin­grad, le comman­de­ment sovié­tique en a fait un camp de prison­niers pour une simple ques­tion de pratique : le camp exis­tait déjà et la gare de Rada se trouve à proxi­mité.

Quant aux terribles condi­tions de déten­tion, il faut se souve­nir que les Russes ne consi­dé­raient pas les Alsa­ciens-Mosel­lans comme des Français, mais comme des enva­his­seurs alle­mands.

Le nombre de morts est consi­dé­rable (entre 5000 et 10000 « Malgré-Nous »). On en ignore le nombre exact, d’au­tant qu’il faudrait ajou­ter les malheu­reux décé­dés pendant le trajet qui les condui­sait dans les camps de prison­niers et dont les corps étaient aban­don­nés le long des voies ferrées ou dans les gares. Rappe­lons qu’entre autres natio­na­li­tés, des milliers d’Ita­liens sont morts à Tambow, ainsi que des Japo­nais en 1946 ; ces derniers eurent plus de « chance » : ce sont les seuls qui ont été inhu­més dans des tombes indi­vi­duelles. Dans les fosses communes, il est impos­sible de préci­ser la natio­na­lité des hommes qui y ont été enter­rés.

C’est en 1996 qu’une délé­ga­tion française a choisi une de ces fosses qui est deve­nue le carré français. Il aura fallu attendre les années 90 pour que cette tragé­die devienne un sujet d’ac­tua­lité, avec l’ac­cord des auto­ri­tés russes sans qui rien n’au­rait été possible.

L’Al­sace, tout comme la Moselle, est enga­gée dans une poli­tique de Mémoire, notam­ment avec la réali­sa­tion du Mémo­rial de Schir­meck et, depuis peu, avec le recen­se­ment de toutes les victimes de la Seconde Guerre mondiale qui a débuté avec celui des « Malgré-Nous ». Le voyage symbo­lique effec­tué sous la houlette de Philippe Richert, président du Conseil Géné­ral du Bas-Rhin, a été un hommage rendu aux incor­po­rés de force : « La poli­tique, c’est aussi s’oc­cu­per de la Mémoire (…), de ce passé qui a laissé des cica­trices », de cette histoire « mal comprise » et parfois « salie », de cette douleur due à l’ab­sence de nouvelles, à l’ab­sence de ceux qui ne sont pas reve­nus. Il s’agit d’œu­vrer pour une meilleure connais­sance du sort de ces conci­toyens et la tâche est immense.

Tambov-Rada

Lors de la céré­mo­nie de commé­mo­ra­tion et du dépôt de gerbes à Tambov-Rada, notam­ment en présence de l’am­bas­sa­deur de France et du gouver­neur de l’Oblast de Tambov, Philippe Richert a donné lecture d’une lettre du président de la Répu­blique française Nico­las Sarkozy repro­duite ci-dessous :

Mesdames, Messieurs,

Vous êtes aujourd’­hui rassem­blés sur le site du Camp n°188 de Tambov-Rada où dix-huit mille de nos compa­triotes ont connu les souf­frances de la capti­vité.

Ici moururent après avoir enduré le froid, la faim et la mala­die, près de cinq mille Alsa­ciens et Lorrains.

Je m’as­so­cie aujourd’­hui à votre recueille­ment et à l’hom­mage que vous rendez à la mémoire de ces sacri­fiés.

Ces fils de France, en effet, sont morts parce qu’ils portaient un uniforme qu’ils n’avaient pas choisi, incor­po­rés contre leur gré dans une armée qui n’était pas la leur.

Victimes de l’His­toire, ils font plei­ne­ment partie de la commu­nauté natio­nale et c’est à ce titre que je m’in­cline aujourd’­hui en leur mémoire.

Ils ne doivent pas être aspi­rés par l’ou­bli. Grâce à vous, leurs noms figu­re­ront bien­tôt sur un monu­ment érigé en Alsace-Moselle, sur cette terre de France à laquelle ils ont été arra­chés pour être jetés dans ces combats achar­nés.

Par votre inter­mé­diaire, je leur adresse aujourd’­hui le salut frater­nel de la Nation à laquelle ils n’ont jamais cessé d’ap­par­te­nir.

Nico­las Sarkozy

jpg_Kirsanov.jpgSigne de la recon­nais­sance de la spéci­fi­cité alsa­cienne-mosel­lane, ce mot devrait être suivi d’une visite prési­den­tielle en Alsace d’ici la fin de l’an­née 2008.

Ce dépla­ce­ment a aussi été l’oc­ca­sion de remer­cier vive­ment les auto­ri­tés russes et, plus parti­cu­liè­re­ment celles de Tambov et de Kirsa­nov, pour leur parti­ci­pa­tion à l’en­tre­tien de ces lieux de Mémoire et pour l’ou­ver­ture, en octobre 2007, des archives de l’Oblast de Tambov.

De nouvelles pistes de colla­bo­ra­tion ont été ouvertes, notam­ment pour rendre acces­sible les archives de Moscou et de Saint-Péters­bourg afin de retrou­ver la trace des Alsa­ciens et Mosel­lans qui ont tran­sité par d’autres camps de prison­niers situés alors en URSS. Le 27 février, à l’am­bas­sade de France à Moscou, Philippe Richert a rappelé toute l’im­por­tance du recen­se­ment des « Malgré-Nous ». Dans son discours, le direc­teur au Minis­tère des Affaires Inté­rieures de Russie (MID) Orlov a notam­ment souli­gné qu’il n’y avait pas de senti­ment de haine des incor­po­rés de force envers les Russes.

Pour conclure cette récep­tion à l’am­bas­sade, un proto­cole d’ac­cord a été signé pour rendre plus facile l’ac­cès aux archives du MID dans le cadre des recherches menées sur les « Malgré-Nous ». Grâce aux auto­ri­tés russes, les Alsa­ciens et les Mosel­lans pour­ront mieux connaître l’his­toire du camp de concen­tra­tion n°188 et celles des autres camps sovié­tiques par lesquels des incor­po­rés de force ont tran­sité.

Ambassade Nico­las Mengus

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