LES VOLONTAIRES ALSACIENS, par Geof­frey Diebold

Commentaires (3) Actualité

 

Résumé du Mémoire de recherche sur :

« Les enga­gés volon­taires alsa­ciens dans la Wehr­macht et la Waffen SS  »

Sous la direc­tion de Ségo­lène Plyer.

(Faculté des Sciences Histo­riques – Univer­sité de Stras­bourg)

 

Un sujet inédit ou volon­tai­re­ment oublié ? 

Absents des ouvrages retraçant l’his­toire de l’An­nexion nazie en Alsace et oubliés de l’his­to­rio­gra­phie des combat­tants du Second conflit mondial, les enga­gés volon­taires Alsa­ciens dans les unités mili­taires et para­mi­li­taires alle­mandes amènent bien des ques­tions. Combien étaient-ils ? Comment cela a-t-il été possible ? Comment ont-ils été sélec­tion­nés et appro­chés par les auto­ri­tés mili­taires ? Comment se sont-ils illus­trés sur le front et surtout, qui étaient-ils ? Tant de ques­tions auxquelles cette étude apporte des éléments de réponse.

 

Des sources diverses et variées

Ce thème n’ayant que peu attiré les histo­riens, de longues recherches en archives ont été néces­saires. Ce sont à la fois des sources alle­mandes (prove­nant des auto­ri­tés nazies) et des sources françaises d’après-guerre qui ont été utili­sées. Le corpus se compose dans sa partie prin­ci­pale de dossiers rela­tifs aux procès d’épu­ra­tion ayant eu lieu dans le Bas-Rhin et se trou­vant aux Archives Dépar­te­men­tales à Stras­bourg. On y trouve de nombreuses infor­ma­tions concer­nant le compor­te­ment d’in­di­vi­dus jugés suspects durant l’An­nexion. Puis une deuxième partie est issue des archives du « Service pour le soutien des incor­po­rés dans la Wehr­macht », mis en place par les auto­ri­tés nazies à Stras­bourg entre 1941 et 1944 ; qui se trouvent aux Archives de la Ville et de l’Eu­ro­mé­tro­pole de Stras­bourg. On y retrouve notam­ment des listes d’in­cor­po­rés, dont des volon­taires, rele­vant plusieurs centaines indi­vi­dus du Bas-Rhin comme du Haut-Rhin ; mais aussi des corres­pon­dances, des coupures de presse, des listes de soldats tombés au front… Divers autres dossiers tirés de ces deux fonds complètent égale­ment le corpus, tout comme quelques cartons tirés des Archives Dépar­te­men­tales du Haut-Rhin à Colmar.

Trois fonds secon­daires sont encore à mention­ner. Un sondage a été réalisé dans le fonds de la Divi­sion des Archives des Victimes des Conflits Contem­po­rains ou DAVCC, à Caen. Il comprend les dossiers des soldats français ayant et n’ayant pas obtenu la mention « Mort pour la France ». 161 dossiers d’Al­sa­ciens n’ayant pas obtenu cette mention car ils étaient volon­taires ont été iden­ti­fiés. Un autre sondage a été réalisé dans les archives de la Deutsche Diensts­telle ou WASt ; le Bureau alle­mand des états de services (ancien­ne­ment Bureau d’in­for­ma­tion de la Wehr­macht) à Berlin. Des docu­ments person­nels ou tirés des archives de l’an­cienne Wehr­macht, des Waffen SS ou d’autres orga­ni­sa­tions mili­taires ou para­mi­li­taires s’y trouvent. Enfin, il faut encore rele­ver plusieurs affiches et brochures de propa­gande conser­vées notam­ment à la Biblio­thèque Natio­nale Univer­si­taire de Stras­bourg ou dans les fonds de L’Ami Hebdo.

 

Une méthode simple : retrou­ver les 2 100 volon­taires du Gaulei­ter Wagner

En partant du chiffre annoncé par le Gaulei­ter Wagner en juin 1942, qui est resté comme celui de réfé­rence, à savoir 2 100 volon­taires alsa­ciens, et des quelques infor­ma­tions et hypo­thèses que nous livrent les très rares ouvrages mention­nant ces hommes, il a fallu retra­cer les évène­ments qui leur ont permis d’en­dos­ser volon­tai­re­ment l’uni­forme du Reich. Tota­le­ment inédite, une impor­tante partie du mémoire s’ar­rête sur les volon­taires en ques­tion. Sur leur carrière mili­taire d’abord ; de leurs moti­va­tions et leur enga­ge­ment jusqu’à leur retour en France après la fin des hosti­li­tés, en passant par leur présence dans les unités et sur les diffé­rents fronts où combat le Reich. Puis il a fallu montrer combien ils ont été, au vu des décou­vertes faites lors des recherches en archives. Enfin grâce aux données récol­tées, nous avons pu réali­ser une étude socio­lo­gique et dres­ser un portrait des volon­taires alsa­ciens.

 

Quelques éléments de réponse

Le Gaulei­ter Wagner se lance dès la fin de l’an­née 1940, suite aux direc­tives données par Hitler, dans une campagne de germa­ni­sa­tion et de nazi­fi­ca­tion de la région. Pour lui un des seuls moyens effi­cace pouvant aider les Alsa­ciens à se sentir plei­ne­ment citoyens du Reich, est la mise en place du service mili­taire obli­ga­toire pour tous les jeunes gens. Ce contexte va permettre au Gaulei­ter, après bien des négo­cia­tions et des échanges avec le Haut-Comman­de­ment de la Wehr­macht (l’OKW), de mettre en place en octobre 1941 une première campagne de recru­te­ment de volon­taires, au profit de la Wehr­macht et de la Waffen SS. Se soldant par un échec, cette campagne est suivit d’un deuxième en février 1942 et d’un troi­sième en juillet de la même année, alors que le nombre d’hommes néces­saires aux armées du Reich combat­tants sur un front de plus en plus étendu, devient impor­tant. Appuyées par de nombreux vecteurs de la propa­gande nazie ces campagnes sont déce­vantes, les résul­tats sont bien en dessous des espé­rances de Wagner.

S’il a annoncé qu’ils furent 2 100, nos recherches ont permis de retrou­ver 2 428 volon­taires pour la Wehr­macht (1 442 indi­vi­dus) et les Waffen SS (871 indi­vi­dus). L’Ar­mée de terre est la première branche avec presque 1 000 volon­taires. En ce qui concerne les moti­va­tions des Alsa­ciens, deux tendances appa­raissent ; celle du volon­ta­riat que l’on peut quali­fier de spon­tané et à l’op­posé, celle du « volon­ta­riat » forcé. En effet nombreux et variés furent les éléments qui ont pu les pous­ser à s’en­ga­ger, dès la fin de l’an­née 1940 pour quelques rares cas et jusqu’au début de l’an­née 1945. Ces enga­ge­ments s’opèrent essen­tiel­le­ment entre fin 1941 et fin 1942 (ils sont plus nombreux en 1942). Un autre point à souli­gner est la pour­suite des enga­ge­ments volon­taires (en nombre moindre cepen­dant), après la mise en place du décret d’in­cor­po­ra­tion de force en Alsace en août 1942.

On les retrouve alors essen­tiel­le­ment dans la Heer où ils sont présents dans de nombreuses unités et plus parti­cu­liè­re­ment dans l’in­fan­te­rie et l’ar­tille­rie, là où les besoins sont les plus grands. Pour la Waffen SS certaines divi­sions sont plus repré­sen­tées comme la divi­sion Leibs­tan­darte SS Adolf Hitler, la Das Reich ou encore la divi­sion Toten­kopf. Envoyés sur les diffé­rents fronts où combat le Reich, c’est le front de l’Est qui revient le plus régu­liè­re­ment et c’est égale­ment sur celui-ci que 79 d’entre eux perdirent la vie sur les 252 morts iden­ti­fiés, le plus souvent lors des combats, mais aussi des suites d’une grave bles­sure ou d’une mala­die.

Enfin, que nous a appris notre étude socio­lo­gique ? Ces hommes sont majo­ri­tai­re­ment issus du Bas-Rhin, avec la région stras­bour­geoise comme foyer prin­ci­pal. Dans le Haut-Rhin, leurs lieux d’ori­gine sont plus variés. Rela­ti­ve­ment jeunes lors de leur enga­ge­ment, une grande majo­rité est née dans la décen­nie 1920 et de ce fait, beau­coup ont fréquenté la Hitlerju­gend. Ce jeune âge va de pair avec le fait qu’ils sont majo­ri­tai­re­ment non-mariés ou céli­ba­taires. Ils exercent des profes­sions où le revenu est assez faible, l’agri­cul­ture en tête, mais les étudiants, lycéens et appren­tis sont aussi bien repré­sen­tés encore en lien avec leur âge. Origi­naires de familles dont on ne sait souvent que de maigres choses, il n’est cepen­dant pas rare d’ap­prendre que d’autres membres de la famille, s’im­pliquent dans des orga­ni­sa­tions ou occupent des postes dans le Parti.

 

Geof­frey DIEBOLD

Mai 2018

3 Responses to LES VOLONTAIRES ALSACIENS, par Geof­frey Diebold

  1. Balagué dit :

    Sujet intéressant. Sera-t-il publié, comme d’autres mémoires, sur internet ? Cela aurait le mérite, entre autres, de clarifier les chiffres sur les Malgré-Nous qui auraient « presque tous » été volontaires.
    Merci en tous les cas d’avoir publié cet article.
    A. Balagué

    • RIEHL dit :

      Bonjour, Non, les Malgré-Nous n’étaient  » presque pas tous  » volontaires. Mon oncle est tombé sur le front russe et maman a été raflée pour faire des obus en Allemagne et elle aussi non volontaire.

  2. welcome dit :

    Peut-on en savoir plus sur le volontariat forcé. Merci

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