Le 8 mai 2010, suite au discours prononcé par Nicolas Sarkozy, président de la République, à Colmar le même jour, Roland Schmitthaeusler, fils d’incorporé de force et pupille de la Nation, lui a adressé ce message :
MERCI! C’est le seul mot qui convienne à la suite de votre discours de Colmar ce 8 mai 2010.
Fils unique d’un incorporé de force disparu sur le front russe le jour-même de mon premier anniversaire en 1944, j’attendais un mot, une parole, un geste de la part des autorités de l’Etat depuis de nombreuses années.
Oh, certes il eut ce dédommagement symbolique versé par la République fédérale d’Allemagne pour cause d’incorporation de force. Mais ce geste était destiné aux survivants ou aux veuves de ce que vous avez appelé « crime de guerre « .
Et c’en était bien le qualificatif, puisque le Gauleiter Wagner instigateur de cette ignominie a bien été condamné à mort pour cette raison.
Je vous remercie également pour avoir rappelé le Serment de Koufra, que j’ai eu l’honneur de réciter devant les élèves du Lycée Fustel à côté de la Cathédrale de Strabourg à l’occasion du 10e anniversaire de fin de la IIe guerre mondiale en 1955.
Ce que nous attendions, nous les orphelins, c’est d’entendre une parole qui nous permettrait de sortir de nos silences et de nos résignations. Car il est une grande souffrance de n’avoir pas de droit à la Mémoire, alors que résonnent autour de nous les discours mémoriels de tous horizons
sauf du nôtre, qui doit être trop sulfureux pour qu’on osât l’évoquer.
A côté d’autres lieux de mémoire, les nôtres sont rares: une stèle devant la gare des marchandises à Strasbourg, une grande croix blanche au-dessus d’Obernai et un monument commémoratif à Mulhouse et un lieu du souvenir peu connu dans le nord de l’Alsace à Hatten.
Bien sûr, il y a le Mémorial d’Alsace-Moselle à Schirmeck, à l’endroit même où se dressait le sinistre camp d’internement et de mise au pas des récalcitrants à l’ordre nazi. Mais les responsables de ce site nous avaient bien fait comprendre que c’était un musée et pas un mausolée…
Il nous apparaît de notre devoir en tant qu’enfants de ces soldats disparus d’honorer leur mémoire, car si nous sommes là aujourd’hui, c’est bien parce que nos pères ont accepté de donner leur vie pour ceux qu’ils ont aimé : leurs parents, leur épouse et leurs enfants.
Encore une fois, Monsieur le Président, veuillez trouver dans ces quelques phrases l’expression de ma très vive gratitude et l’assurance de mon très profond respect,
Roland SCHMITTHAEUSLER
Fils d’Incorporé de Force,
Pupille de la Nation