Incor­po­ra­tion de force, recon­nais­sance et indem­ni­sa­tions

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Ques­tion écrite de Madame la Séna­trice Pascale GRUNY (Aisne – Les Répu­bli­cains) publiée le 30 janvier 2025 – page 248

Madame Pascale GRUNY attire l’at­ten­tion de Mme la ministre délé­guée auprès du ministre des armées, char­gée de la mémoire et des anciens combat­tants sur la recon­nais­sance de la tragé­die vécue par les soldats incor­po­rés de force durant la Seconde Guerre mondiale et leurs familles.
Ces hommes ont été contraints d’af­fron­ter leur patrie, la France, et à se battre contre les Alliés. Au total, ce sont plusieurs dizaines de milliers d’in­cor­po­rés de force qui sont morts ou dispa­rus sous l’uni­forme alle­mand, quand des dizaines de milliers d’autres sont restés prison­niers pendant des années dans les camps russes. Il faudra attendre 1979 pour que l’Al­le­magne accepte de débloquer les fonds néces­saires à l’in­dem­ni­sa­tion des inté­res­sés. Néan­moins, seuls les incor­po­rés de force de la Wehr­macht ont pu béné­fi­cier d’une indem­ni­sa­tion. Ainsi, les personnes incor­po­rées de force dans des orga­ni­sa­tions para­mi­li­taires du régime nazi et les orphe­lins de guerre issus de ce drame n’ont eu aucune indem­ni­sa­tion pour la tragé­die subie. De leur côté, les femmes n’ont pu béné­fi­cier d’une indem­ni­sa­tion qu’en 2011, grâce à une conven­tion d’in­dem­ni­sa­tion signée par l’an­cien ministre Jean-Marie Bockel. Plus de 80 ans après les faits et alors que le nombre de témoins vivants de ce drame ne cesse de dimi­nuer, il est urgent que la France parti­cipe à sa recon­nais­sance symbo­lique dans sa globa­lité, afin d’as­su­rer la trans­mis­sion de la mémoire des incor­po­rés de force.
Compte tenu de ces éléments, elle lui demande ce qu’il entend mettre en oeuvre pour assu­rer l’in­dem­ni­sa­tion dans le temps de tous les incor­po­rés de force sans excep­tion et des orphe­lins de guerre. Elle lui demande égale­ment sa posi­tion quant à une rené­go­cia­tion éven­tuelle avec l’Al­le­magne pour parve­nir à une telle conven­tion d’in­dem­ni­sa­tion.

Réponse du Minis­tère délé­gué auprès du ministre des armées, chargé de la mémoire et des anciens combat­tants publiée le 27 mars 2025 – page 1446

L’an­nexion de l’Al­sace et de la Moselle par le IIIème Reich a comporté notam­ment l’in­cor­po­ra­tion forcée de jeunes Français dans l’ar­mée alle­mande. Le minis­tère des armées mesure plei­ne­ment l’éten­due du drame vécu par ces mili­taires et leurs familles au cours de la Seconde Guerre mondiale. C’est la raison pour laquelle la France a reconnu leur situa­tion. En effet, le 1° de l’ar­ticle L. 111–2 du code des pensions mili­taires d’in­va­li­dité et des victimes de guerre (CPMIVG) dispose que les anciens mili­taires alsa­ciens et lorrains de la guerre 1939–1945, Français, soit par filia­tion, soit par réin­té­gra­tion, soit en exécu­tion du traité de Versailles, incor­po­rés de force par voie d’ap­pel, béné­fi­cient de la légis­la­tion sur les pensions mili­taires d’in­va­li­dité pour les services accom­plis dans les armées de l’Al­le­magne ou de ses alliés. L’ar­ticle L. 123–16 du même code précise que ces anciens mili­taires ont droit à une pension dans les condi­tions fixées par le livre Ier du CPMIVG et, éven­tuel­le­ment, à toutes allo­ca­tions, indem­ni­tés, majo­ra­tions et supplé­ments de majo­ra­tions pour infir­mité résul­tant de bles­sures reçues, d’ac­ci­dents surve­nus, de mala­dies contrac­tées ou aggra­vées par le fait ou à l’oc­ca­sion du service. A ce titre, les incor­po­rés de force sont plei­ne­ment inté­grés aux dispo­si­tifs de droit commun. En outre, dans le cadre parti­cu­lier de la recon­nais­sance de la respon­sa­bi­lité de l’Etat alle­mand, l’ap­pli­ca­tion de l’ac­cord inter­gou­ver­ne­men­tal entre la France et la Répu­blique fédé­rale d’Al­le­magne du 31 mars 1981 a entraîné un verse­ment de 250 millions d’eu­ros à la Fonda­tion Entente Franco-Alle­mande (FEFA) créée en 1981 pour gérer ces fonds. Dès l’ori­gine, la Fonda­tion a réservé le droit à cette indem­ni­sa­tion aux personnes enrô­lées de force, dans des forma­tions mili­taires comme para­mi­li­taires de l’ar­mée alle­mande, enga­gées dans des combats sous comman­de­ment mili­taire. A ce titre, l’en­semble des incor­po­rés de force ayant connu des situa­tions de combat ont été recon­nus au titre de la respon­sa­bi­lité de l’Al­le­magne et indem­ni­sés. Malgré ce cadre, les personnes astreintes au “service aide de guerre” (RAD- KHD) et appe­lées à effec­tuer des travaux d’uti­lité publique avaient été exclues du béné­fice de cette mesure de répa­ra­tion, car affec­tées dans des forma­tions non enga­gées dans des combats sous comman­de­ment mili­taire. La ques­tion de l’in­dem­ni­sa­tion des anciens incor­po­rés de force dans les forma­tions para­mi­li­taires alle­mandes du Reich­sar­beits­dienst (RAD) et du Krieg­shilf­sdienst (KHD) n’ayant pas parti­cipé à des combats, long­temps restée en suspens, a trouvé son abou­tis­se­ment le 17 juillet 2008. Pour satis­faire aux reven­di­ca­tions des personnes incor­po­rées dans ces forma­tions non combat­tantes qui se consi­dé­raient injus­te­ment exclues de cette indem­ni­sa­tion et à l’is­sue d’un long proces­sus de consul­ta­tion, ces personnes ont obtenu le verse­ment d’une allo­ca­tion de recon­nais­sance de 800 euros versée par la FEFA et finan­cée à parts égales par la Fonda­tion et l’Etat. Cette conven­tion entre l’Etat et la FEFA a mis un terme à une recherche de solu­tion enga­gée depuis de nombreuses années. Ainsi, les personnes incor­po­rées de force dans des orga­ni­sa­tions para­mi­li­taires du régime nazi et les orphe­lins de guerre issus de ce drame ont pu béné­fi­cier d’une indem­ni­sa­tion pour la tragé­die subie. S’agis­sant des orphe­lins, ces derniers ont pu prétendre à un droit à répa­ra­tion confor­mé­ment aux dispo­si­tions de l’ar­ticle L. 142–1 du CPMIVG, tout comme ceux des Alsa­ciens et Mosel­lans réfrac­taires à l’in­cor­po­ra­tion forcée dans l’ar­mée alle­mande en appli­ca­tion de l’ar­ticle L. 143–1 du CPMIVG. Il convient d’ajou­ter que tous les orphe­lins de guerre, quel que soit leur âge, sont ressor­tis­sants de l’Of­fice natio­nal des combat­tants et des victimes de guerre et peuvent béné­fi­cier, à ce titre, de l’as­sis­tance de cet établis­se­ment public, dispen­sée notam­ment sous la forme d’aides ou de secours en cas de mala­die, absence de ressources ou diffi­cul­tés momen­ta­nées. Il n’est pas envi­sagé de mesures complé­men­taires d’in­dem­ni­sa­tion de ces orphe­lins ; mesures qui auraient pour consé­quence de les indem­ni­ser plus forte­ment que les orphe­lins de guerre de droit commun.

 

Docu­ment trans­mis par Serge AMORICH, délé­gué natio­nal de l’As­so­cia­tion des anciens incor­po­rés de force dans le RAD–KHD d’Al­sace et de Moselle.

2 Responses to Incor­po­ra­tion de force, recon­nais­sance et indem­ni­sa­tions

  1. Wetzel dit :

    Bonjour
    Je suis la fille d’un Malgré-Nous né à Altkirch le 2.12.1924 et décédé le 26 mars 2023 à Nice. Monsieur JP Wetzel.
    Ma question est la suivante: est-ce que mon père a reçu une indemnisation de la guerre des Malgré-Nous?
    Ma mère aimerait le savoir. J’écris pour elle.
    J’attends votre réponse et orientez-moi si besoin est.
    Respectueusement
    Laëtitia Wetzel

    • Nicolas Mengus dit :

      Bonjour,
      Voyez aux Archives d’Alsace – Site de Strasbourg (6, rue Philippe Dollinger 67100 Strasbourg – 03 69 06 73 06) s’ils ont un dossier d’indemnisation et s’il est possible de le consulter.
      Nicolas Mengus

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