Les « Malgré-Nous », des nazis « morts pour la France » ? Une opinion qui ne passe pas inaperçue

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Source : https://blogs.media­part.fr/michel-tresal­let/blog/101025/morts-pour-la-france?fbclid=IwY2xjawNW5dl­leHRuA2FlbQIxMABicmlkETBrOFFvd2tXT3JhMXNRMG9RAR4HirKrVSHPmE_r-EJRMXjPjWIi2Z24dpqHiQDtpb01U9knF9Z-wuRwd7j9aA_aem_b5y2FttUiDUCTH3BNS4sjA

Version pdf sans le commen­taire : MORTS POUR LA FRANCE | Le Club

 


Article paru dans les DNA et L’Al­sace du 15.10.2025

 


Réac­tion de M. André Mehr, publiée ici avec son accord

André MEHR

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Tel : xxxxx  Mail : xxxxxxx

Le 17 Octobre 2025

 

Cher Monsieur Trésal­let,

 

J’ai appris dans un article du jour­nal « L’Al­sace » votre posi­tion à propos des Malgré-nous. J’ai égale­ment pris connais­sance du destin tragique de votre père résis­tant, déporté par les nazis dans un camp où il perdit la vie.

Je tiens à vous dire que j’ imagi­ner sans mal le drame que vous avez vécu dans votre enfance.  Comme je comprends la douleur person­nelle et fami­liale qui vous habite suite aux événe­ments tragiques vécus par votre père et vous-même alors enfant de 6 ans, au cours de la 2ème guerre mondiale, et cela produit par la barba­rie nazie.

 

Né en 1950 à Mulhouse je n’ai person­nel­le­ment pas connu cette période, mais je suis porteur des trau­ma­tismes vécus par mes parents à ce moment-là.

Il y eut l’an­nexion pure et simple de l’Al­sace par Hitler. L’objec­tif de son admi­nis­tra­tion était que chaque alsa­cien se vive comme un véri­table alle­mand et qu’il épouse la folie du 3ème Reich qui, parait-ili devait durer 1000 ans.

Nés après la fin de la Grande Guerre, mes parents avaient la natio­na­lité française. Ils faisaient partie de ces alsa­ciens fiers d’être français, de chan­ter la Marseillaise, « Petit papa Noël », de réci­ter du Baude­laire, du Victor Hugo, de connaître tous les dépar­te­ments français et leur chef-lieu, d’avoir le Certi­fi­cat d’Etudes.

Pour­tant leurs propres parents étaient de natio­na­lisé alle­mande jusqu’en 1918, et leur langue mater­nelle était de racine germa­nique puisqu’ils parlaient l’al­sa­cien. Notre dialecte était d’ailleurs de plus en plus enri­chi par des mots français pronon­cés à l’al­sa­cienne. Le Gaulei­ter Wagner et ses sbires édic­tèrent toute une série de lois répres­sives pour contraindre la géné­ra­tion de mes parents à deve­nir les filles et les fils d’une nouvelle province du Reich. Il était par exemple inter­dit de parler français et alsa­cien.

Or, voyez-vous, mes parents comme , à ma connais­sance, de nombreux autres alsa­ciens étaient des français de cœur, et le cœur cela ne se contraint pas ni ne s’achète.

Non seule­ment ils n’avaient pas l’in­ten­tion de deve­nir alle­mands, mais surtout ils avaient en horreur le régime nazi. Mon père était mineur de fond. Au moment de l’an­nexion de l’Al­sace, il a décidé d’être volon­taire pour le poste de nuit. Ainsi il échap­pait en grande partie aux réunions obli­ga­toires de la Hitlerju­gend. Puis vint le moment où, ayant besoin de chair à canon, le régime nazi décida l’in­cor­po­ra­tion de force. Au préa­lable il avait d’ailleurs contraint les jeunes alsa­ciens à parti­ci­per au Reichar­beit­dienst (le travail béné­vole au service du Reich.)

Monsieur Trésal­let, au cours de mon enfance et de ma jeunesse j’ai entendu une multi­tude de récits de résis­tance de jeunes alsa­ciens pour tenter d’échap­per à cette incor­po­ra­tion. Mais ils étaient tenus pas une menace terrible, celle de la dépor­ta­tion des membres de la famille des déser­teurs.

Envoyé en Russie, mon père finit par déser­ter avec quelques cama­rades en ayant pris soin que son sous-offi­cier le déclare comme disparu et non comme déser­teur (Heureu­se­ment tous les membres de la Wehr­macht n’étaient pas des nazis.) Prison­nier des russes, il fut maltraité et envoyé au camp de Tambow. Il fit partie des 1500 incor­po­rés de force libé­rés suite à un accord avec le Géné­ral de Gaulle. C’est ainsi qu’il se retrouva en Afrique du Nord et termina la guerre comme soldat de l’ar­mée française : capo­ral volon­taire avec des faux papiers pour libé­rer la France !

Ma mère, quant à elle, eut un frère de la classe 1926 qui mourut à 17ans en Norman­die le 7 juillet 1944 ( jour de la libé­ra­tion de mon père du camp de Tambow. Je le sus par mes recherches.) porteur de l’uni­forme de la SS ! Croyez-moi, il était tout sauf volon­taire dans l’ar­mée alle­mande, à fortiori pour être affu­blé de ce sinistre uniforme.

Il se trouve que sur les 2000 incor­po­rés de force de la classe 26, 1000 d’entre eux subirent le même sort qu’An­dré Rohr­bach. A cette époque Hitler avait besoin de sang neuf pour combler les pertes innom­brables de mili­taires alle­mands, et les affec­ter à l’Ouest cette fois. C’est ainsi qu’An­dré futdans la divi­sion Dass Reich , celle-là même qui commit ces horribles exac­tions à Oradour et Tulles notam­ment ! Je sus que son bataillon n’avait pas parti­cipé à ces massacres. Je me suis bien sûr demandé ce qu’il aurait fait si ce fut le cas.

Au cours de l’été 44 ma mère perdit un deuxième être cher : son fiancé tombé en Russie trois semaine après son frère. Je pense qu’elle ne s’est jamais remise de ces pertes. Son manque de joie de vivre ne pouvait que m’af­fec­ter à mon tour. Ma famille fut dura­ble­ment affec­tée par ce double psycho-trau­ma­tisme : lié aux diverses consé­quences  de la guerre et à celles de l’an­nexion de force de notre région d’ap­par­te­nance, l’Al­sace.

Je sais que la douleur nous pousse parfois à ne pas agir de la manière la plus appro­priée et à prendre des posi­tions pas très objec­tives. Je constate que le procès fait par l’ADEIF à Monsieur Hebrard  a appa­rem­ment contri­bué à cris­tal­li­ser les malen­ten­dus. L’ex­pres­sion « les alsa­ciens enrô­lés soi-disant de force » ne peut que me déplaire de là où je suis. Pour­tant je ne tiens pas à faire procès à qui que ce soit, surtout pas aujourd’­hui au moment où les derniers acteurs de cette période dispa­raissent. Je reven­dique le dialogue.

Je comprends que vous-même puis­siez être profon­dé­ment  choqué par une démarche en Alsace  qui, pour nous, veut réta­blir une réalité histo­rique, alors qu’elle va vous appa­raitre comme une tenta­tive de vouloir gommer les respon­sa­bi­li­tés de ceux qui auraient parti­cipé volon­tai­re­ment au massacre de français, et, de surcroit, prétendre qu’ils sont « Mort pour la France. »

En triant les archives de ma mère après son décès, je cher­chais les lettres de mon oncle qui est décédé en Norman­die. Je ne les ai pas trou­vées parce qu’elle avaient brûlé dans la destruc­tion de la maison fami­liale au cours des bombar­de­ments de la libé­ra­tion tant atten­due de l’Al­sace. Par contre j’ai trouvé une lettre qu’elle avait adres­sée à son fiancé, et qui était reve­nue avec la mention « décédé au front. »  En la lisant, j’ai vu que ma mère lui expri­mait à quel point elle était incon­so­lable de la perte de son frère.

J’ai égale­ment trouvé dans les dites archives un docu­ment de la Nation Française qui accor­dait à André la mention : Mort pour la France.

 

Monsieur Trésal­let, puis-je espé­rer que vous accep­tiez de prendre en compte mon témoi­gnage, que vous accep­tiez de consi­dé­rer avec moi que les acteurs d’un drame peuvent manquer d’objec­ti­vité, puis-je espé­rer que nous fassions à présent confiance aux histo­riens qui sont là pour dire les faits ?

Je le souhaite bien évidem­ment.

Quoi qu’il en soit je tiens à vous expri­mer mon profond respect pour votre personne, et à vous confir­mer que je suis sensible au drame que vous avez vécu. Avec vous je pense aussi que les respon­sa­bi­li­tés doivent être établies.

 

Bien cordia­le­ment.

André MEHR

 

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