AG de l’OPNAM du 18.6.2011 – Discours de M. Philippe Richert, ministre char­gé des Collec­ti­vi­tés Terri­to­riales et pré­sident de la Région Alsace – Docu­ment trans­mis par (+) Bernard Erne­wein

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ASSEMBLÉE GÉNÉRALE du 18 juin 2011 de l’ASSOCIATION OPMNAM, ORPHELINS de PÈRES «  MALGRÉ-NOUS » d’ALSACE- MOSELLE  à SCHOENBOURG (67). Discours de Monsieur Philippe RICHERT, ministre chargé des Collec­ti­vi­tés Terri­to­riales et président de la Région Alsace :

 

Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs,

 

C’est pour moi un grand plai­sir de m’as­so­cier aujourd’­hui à votre assem­blée géné­rale et je voudrais remer­cier Gérard Michel, votre président, et Bernard Erne­wein, qui a fondé l’As­so­cia­tion des Orphe­lins de Pères Malgré-Nous d’Al­sace-Moselle, de m’avoir invité à m’ex­pri­mer devant vous.

 

Long­temps, la ques­tion des Malgré-Nous a été un tabou. On n’en parlait pas. On ne disait rien. On répé­tait à l’envi le titre de la magni­fique pièce que Germain Muller avait créée en 1964 : « Enfin… redde m’r nimm devun… »

 

Et si on ne le faisait pas, c’est qu’on ne voulait pas ajou­ter une nouvelle épreuve à l’épreuve. On ne voulait pas faire ressur­gir l’im­mense malen­tendu, l’in­com­pré­hen­sion profonde, qui étaient appa­rues au moment du procès de Bordeaux.

 

On ne voulait pas reve­nir sur l’his­toire complexe de l’in­cor­po­ra­tion de force. Car oui, c’est une histoire complexe. Et elle est d’au­tant plus diffi­cile à dire, à racon­ter, à trans­mettre que nous vivons une époque où l’on procède souvent par un excès de simpli­fi­ca­tions et de cari­ca­tures.

 

Alors plutôt que de prêter le flanc à de vaines polé­miques, l’Al­sace a choisi long­temps de garder le silence.

 

Mais ce silence-là n’a heureu­se­ment duré qu’un temps.

 

Il y a eu d’abord les asso­cia­tions. Leur rôle a été prépon­dé­rant, cher Bernard Erne­wein, cher Gérard Michel, pour que s’ac­com­plisse, en Alsace, une réelle prise de conscience sur ce que fut cette époque et sur l’am­pleur du drame de l’in­cor­po­ra­tion de force.

 

Je voudrais rendre hommage au travail des asso­cia­tions et tout parti­cu­liè­re­ment à l’As­so­cia­tion des Orphe­lins de Pères Malgré-Nous d’Al­sace-Moselle. Elles ont porté une mémoire qui ne devait pas dispa­raître. Elles ont pris soin d’une douleur que ni le silence ni l’ou­bli ne pouvaient guérir.

 

Et ce travail de longue haleine, ce travail qui a été accom­pli, en Alsace, en parfaite entente avec les élus locaux et régio­naux, a porté ses fruits.

 

En 2010, pour la première fois dans notre histoire, un président de la Répu­blique a su trou­ver les mots justes pour évoquer la tragé­die de l’in­cor­po­ra­tion de force.

 

Le 8 mai 2010, le discours que Nico­las Sarkozy a prononcé à Colmar demeu­rera un texte marquant pour l’his­toire de l’Al­sace.

 

Il a dit les choses avec force, avec vérité, avec clarté. Je le cite : « Les malgré-nous ne furent pas des trai­tres… Ce furent des victimes. Des victimes du nazisme. Des victimes du pire régime d’op­pres­sion que l’his­toire ait connu. Les victimes d’un véri­table crime de guer­re… »

 

Puis, il a rompu avec le discours qui préva­lait jusqu’a­lors et qui faisait du drame des malgré-nous une affaire alsaco-alsa­cienne : « Je veux dire à tous les Français que le destin tragique de ces hommes fait partie de notre histoire natio­nale, de notre mémoire collec­tive et que leur douleur mérite la compré­hen­sion et le respect. La compré­hen­sion et le respect que l’on doit à ceux auxquels nous lie le senti­ment profond d’ap­par­te­nir à une même nation frater­nelle qui a partagé tant d’épreuves. »

 

Oui, le discours du chef de l’Etat le 8 mai 2010 à Colmar marque un tour­nant déci­sif. Celui de la compré­hen­sion. Celui de la récon­ci­lia­tion des mémoires.

 

La récon­ci­lia­tion des mémoires, nous avons ici, en Alsace, la volonté de la construire et de la renfor­cer.

 

Il y a quatre ans, en 2007, alors que j’étais président du Conseil géné­ral du Bas-Rhin, j’ai pris un certain nombre d’ini­tia­tives.

 

Elles rejoignent les vôtres.

 

C’est d’abord la réali­sa­tion du Mur des Noms des victimes alsa­ciennes de la Seconde Guerre mondiale. De toutes les victimes et de toutes les caté­go­ries, sans excep­tion.

 

25 000 noms ont, d’ores et déjà, été réper­to­riés. Ils sont acces­sibles en ligne sur des bornes numé­riques mises en place aux Archives dépar­te­men­tales du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ainsi qu’au Mémo­rial de Schir­meck.

 

C’est dans ce cadre que nous avons pu mettre à la dispo­si­tion des cher­cheurs plus de 4000 pages numé­ri­sées prove­nant des archives de Tambov. J’avais pris l’ini­tia­tive d’en­voyer en 2007 une mission à Tambov afin de récol­ter les docu­ments concer­nant les Alsa­ciens. Il a fallu trois ans pour que le dépar­te­ment d’Etudes slaves de l’Uni­ver­sité de Stras­bourg achève la traduc­tion de la tota­lité de ce fonds d’ar­chives.

 

Mais les histo­riens et les archi­vistes ont encore du travail devant eux. C’est un travail de recou­pe­ment de données et de correc­tions, qui s’ac­com­plit en colla­bo­ra­tion avec les communes alsa­ciennes. Il devrait s’ache­ver en 2012, c’est-à-dire demain….

 

C’est dans cette pers­pec­tive que nous devons réflé­chir, dès aujourd’­hui, à la réali­sa­tion effec­tive du Mur des Noms : quel sera son contenu précis ? quelle sera sa loca­li­sa­tion ? quel aspect et quelle archi­tec­ture devra-t-il avoir ?

 

De tout cela, nous avons à parler et à débattre. Je n’ai qu’une seule volonté, qu’une seule ambi­tion : agir et avan­cer.

 

Alors, je voudrais vous propo­ser que le Comité d’Orien­ta­tion et de Suivi de la Poli­tique Mémo­rielle, qui est présidé par Alphonse Troest­ler, devienne très vite le lieu natu­rel de nos échanges et de nos discus­sions.

 

Car je n’ima­gine pas mener à bien ce projet sans l’ap­pui et l’aide des asso­cia­tions repré­sen­ta­tives. C’est un projet impor­tant pour la mémoire collec­tive alsa­cienne. C’est un projet qui doit fédé­rer toutes les éner­gies, un projet qui doit rassem­bler. Car c’est un projet qui vise à récon­ci­lier les Alsa­ciens avec leur histoire.

 

Monsieur le Président,

Mesdames, messieurs,

Le mot de « récon­ci­lia­tion » est certai­ne­ment l’un des plus beaux mots de notre langue. Et c’est ce que nous allons faire, ensemble, en édifiant ce Mur où seront gravés les noms de vos pères… Ils ont une place dans votre cœur. Ils ont une place dans l’his­toire. Donnons-leur aujourd’­hui une place dans notre mémoire collec­tive.

 

 

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