« Das Reich » : Les SS « Malgré-nous »

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La diffu­sion, en mars dernier, sur France 3, du docu­men­taire « Das Reich », de Michaël Prazan, n’en finit plus de susci­ter la polé­mique. En cause, un témoi­gnage d’ar­chive.

L’af­faire qui menace la liberté de créa­tion docu­men­taire date déjà de mars dernier. Elle puise son origine dans la diffu­sion, sur France 3, d’un docu­men­taire sur l’épo­pée sanglante de la divi­sion Das Reich. « Une divi­sion SS en France, Das Reich », signé Michaël Prazan, un réali­sa­teur chevronné parti­cu­liè­re­ment réputé pour son exper­tise de la machine d’ex­ter­mi­na­tion nazie, y retrace notam­ment les massacres de Tulle et d’Ora­dour-sur-Glane et met en exergue la parti­ci­pa­tion des soldats alsa­ciens incor­po­rés de force dans la SS.

Glaçant, le docu­men­taire se termine par le témoi­gnage ambigu d’un ancien « malgré-nous », un certain Elimar Schnei­der, décla­rant, quarante ans après les faits, qu’il ne tenait pas les Waffen SS pour des meur­triers.

Fronde en Alsace

Tollé immé­diat en Alsace. Le film y a été vu comme une stig­ma­ti­sa­tion insup­por­table du compor­te­ment de toute une région pendant la guerre. Sur le site inter­net des « malgré-nous », la roman­cière Marie-Laure de Cazotte prend la tête de la fronde. Elle y fustige « témoi­gnages tronqués » et « confu­sion docu­men­taire ». Auteure d’un roman sur les Alsa­ciens dans la Wehr­macht (1), elle ne déco­lère toujours pas, six mois plus tard. Elle raconte :
J’ai encore en tête la détresse d’un vieux monsieur, ancien incor­poré de force que j’avais rencon­tré en prépa­rant mon livre. Il avait eu le courage de racon­ter sa guerre à sa famille et leur avait conseillé de regar­der le docu­men­taire. Mais, le lende­main de la diffu­sion, ses petits-enfants l’ont appelé en l’ac­cu­sant de leur avoir menti, que c’était bien pire que ce qu’il leur avait raconté. »

6.000 Alsa­ciens incor­po­rés

Michaël Prazan prend immé­dia­te­ment la plume pour répondre point par point à la roman­cière. La querelle se cris­tal­lise sur le chiffre de 6.000 Alsa­ciens incor­po­rés dans la « Das Reich », une esti­ma­tion qu’il donne dans le film en l’ab­sence de toutes archives précises puisque détruites à la fin de la guerre. Même validé par un univer­si­taire spécia­liste des comman­dos d’ex­ter­mi­na­tion nazis, le décompte ne passe pas à Stras­bourg. Prazan promet alors de recti­fier le chiffre à la baisse (entre 1.000 et 2.000) dans la redif­fu­sion, cette fois-ci sur Arte, un mois et demi plus tard. C’est le piège.

Deux asso­cia­tions d’in­cor­po­rés de force, les ADEIF 67 et 68, s’en­gouffrent dans la brèche. « En recti­fiant son chiffre et en suppri­mant de son commen­taire que le gros de la troupe SS était compo­sée d’Al­sa­ciens dans la diffu­sion sur Arte, il avoue son erreur diffa­ma­toire », estime Me François Simon­net, l’avo­cat des asso­cia­tions de « malgré nous ». Ces dernières multi­plient depuis les procé­dures judi­ciaires au motif que ces recti­fi­ca­tions n’ont pas été inté­grées à la version DVD en vente dans le commerce. Elles ont été débou­tées le 30 juin dernier de leur premier référé mais ont fait appel.

Pour Michaël Prazan, il est clair que la polé­mique sur le chiffre n’est en réalité qu’un prétexte pour dissua­der tout auteur de travailler sur le sujet. Son avocat Me Michael Majs­ter s’in­digne :
« Ces asso­cia­tions cherchent à atten­ter au prin­cipe de la liberté de créa­tion. Elles nient le droit à un réali­sa­teur de donner son éclai­rage d’un fait histo­rique. C’est inac­cep­table »

Derrière les offen­sives procé­du­rales aussi incer­taines que viru­lentes contre lui, Michaël Prazan paie les plaies mal refer­mées de cette page sombre de l’his­toire alsa­cienne. Sa vraie faute est d’avoir incor­poré dans son montage l’ar­chive de Schnei­der assu­mant, face caméra, son passé dans la SS. « Ce monsieur n’est pas repré­sen­ta­tif des “malgré-nous”, insiste Marie-Laure de Cazotte. Pourquoi, dès lors, le mettre en avant ? »

Le réali­sa­teur, lui, est bien décidé à défendre son droit de conser­ver son regard sur la période, quitte à en passer par le tribu­nal de l’His­toire.

(1) « A l’ombre des vainqueurs » (Albin Michel, 2014).

Lien : http://teleobs.nouve­lobs.com/docu­men­taire/20150818.OBS4354/das-reich-les-ss-malgre-nous.html

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