A l’occasion d’une cérémonie qui lui était consacrée, le Dr Edmond Meyer, ancien vétérinaire à Rouffach et alerte presque centenaire est revenu sur ses mémoires de Malgré Nous.
C’est à la faveur de la remise de la médaille grand or de l’UNC par la section de Rouffach-Gundolsheim que le Dr Edmond Meyer, vétérinaire à Rouffach et dans la région durant plus de 40 ans, a rappelé l’existence de mémoires qu’il a rédigé sur son incorporation de force dans l’armée allemande. Pour la plus jeune génération, il a voulu relater son parcours avec les souvenirs de séquences particulièrement dures avec des amis morts à ses côtés sur les champs de batailles ou dans les camps de prisonniers.
Enfant de Guebwiller où il est né le 26 novembre 1920 (il sera bientôt centenaire), dans une famille dont le père était directeur d’école et qui fut envoyé en pays de Bade par les Allemands, il a fait ses études à Mulhouse tout en préparant le concours à l’Ecole Vétérinaire d’Alfort près de Paris où il fut admis en 1939. En raison de l’annexion allemande, c’est à faculté vétérinaire de Giessen, près de Francfort, qu’il décrocha son diplôme de docteur-vétérinaire en 1944. La même année, c’est à Ulm sur le Danube qu’il effectua ses premiers pas dans la Wehrmacht. Comme l’armée allemande avait besoin de vétérinaires, le Dr Meyer fut affecté à l’hôpital Heimatpferde Lazaret à Koenigsberg, en Prusse Orientale.
Devenu chef de compagnie, médecin et économe, il a vu le bombardement de cette ville transformée en une mer de flammes. Face à la montée des Russes par le Nord, toute la compagnie fut envoyée sur le front russe pour repousser leur avancée. Fait prisonnier et dépouillé par des soldats russes à Koenigsberg en avril 1945, il fut envoyé vers Tilsitt à pied, sans eau et avec peu de nourriture et des nuitées dans des porcheries désaffectées. De là, dans des wagons à bestiaux, lui et ses compagnons d’infortune arrivèrent au camp d’Elabuga à 100 km à l’Est de Moscou. Seul Alsacien sur les 4000 prisonniers, il précisa : « avec la rencontre d’un collègue belge, nous logions dans une baraque, couchés sur notre manteau militaire avec comme oreiller notre boîte de masque à gaz, un chauffage défectueux et une nourriture tout juste suffisante pour survivre, en mangeant des orties cuites et de rares pommes de terre ».
Obligés de travailler dur, les prisonniers sont alors soumis à des conditions de vie sans mercis : « je vois encore ce prisonnier froidement abattu par un garde qui croyait à une évasion alors que le pauvre homme voulait cueillir quelques myrtilles pour se nourrir ! ». Lui et ses compagnons ont vécu un Noël 1945 par moins 30 degrés tout en pouvant assister à une messe, voire à des concerts improvisés par des prisonniers allemands ayant confectionné des violons avec du matériel récupéré. Lors de sa captivité, il a eu trois orteils gelés amputés et contracté une dysenterie infectieuse.
C’est un jour début mai 1946, qu’il fut le premier de la chambrée à partir. Le voyage s’effectua en traîneau sur un fleuve gelé, en bateau et en train pour rejoindre la République Tartare où il travailla dans une scierie, puis la Roumanie et l’Autriche où le Dr Meyer rencontra à Innsbruck un collègue de son père qui a annoncé à ses parents son prochain retour à Strasbourg au terme de 3 mois de voyage forcé. Et le Dr Meyer de conclure : « pour la première fois depuis deux ans, j’étais devenu un homme, libéré en tout cas de l’atroce et inhumaine contrainte que m’avait imposée l’Allemagne nazie contre mon gré ».
A présent le Dr Meyer apprécie sa retraite entouré de l’affection de Marie-Louise son épouse qui partage sa vie depuis 1947, de leurs 4 enfants et 6 petits enfants admiratifs du vécu de leur papy.
J.-C. Vuillemin
La section UNC de Rouffach a tenu à honorer son doyen, le Dr Edmond Meyer, incorporé de force et ancien vétérinaire âgé de 99 ans en lui remettant la médaille du Mérite UNC Grand Or.
Photo JC Vuillemin