Vers la mi-juillet 1944, près de Tinchebray et de Chanu, sur la commune de St Cornier-des-Landes (61800) dans le village » Le Bois-Robert » trois incorporés de force sont parvenus à s’évader de l’armée nazie. Il y avait un Mosellan et deux Alsaciens ou deux Mosellans et un Alsacien : la précision manque. Ils ne voulaient pas se séparer, donc : s’évader individuellement.
Saura-t-on comment ils parvinrent à la ferme tenue par la famille Dubosq ? Cette famille était composée de quatre filles. L’aînée, feue Marguerite, était âgée alors de 16 ans. Simone devenue Madame Levée, qui nous livre ce témoignage, avait alors 14 ans. Dans toute la contrée, les combats faisaient rage.
Les soldats allemands avaient pris possession de la ferme. A huit ou à neuf, ils s’étaient installés dans la pièce commune : dans la cuisine précisément. Ils dormaient sur de la paille posée sur le sol. Un jeune soldat de 17–18 ans, parlant français, gardait l’entrée en veillant à ce que, seuls les habitants de la maison franchissent la porte.
42 personnes étaient réfugiées dans la ferme. Elles étaient installées là ou il y avait places. Les soldats allemands semblaient attendre que la guerre s’achève. Ils entreprirent l’installation d’un canon dans la cour de la ferme. En cas de riposte alliée, le danger eût été très grand. Monsieur Dubosq exprima toutes ses craintes au jeune soldat de 17–18ans sentinelle à l’entrée de la cuisine. La pièce d’artillerie fut mise en place à une meilleure distance.
L’ordre d’évacuer ne fut jamais donné. Une nuit, les obus sifflaient et tombaient très près. Toutes les personnes civiles durent aller s’abriter dans les tranchées préparées et aménagées dans un champ voisin. Cette nuit là, 9 vaches sur les 18 qui composaient le cheptel furent tuées.
Vers le 13–14 ou 15 août, à quelques dizaines de mètres de la maison d’habitation, était et est toujours une bergerie. A l’époque, c’était une écurie. A l’étage de ce bâtiment, sous la toiture, du foin était entreposé. Par un pur hasard, la famille Dubosq découvrit 3 soldats en uniforme allemand. Ils étaient cachés dans le foin depuis 3 jours Sans échelle, ils avaient atteint la trappe d’entrée située à près de 3m du sol. Bref, il leur avait fallu faire preuve de beaucoup d’agilité et de souplesse pour accéder à la trappe donnant dans le grenier. Ils avaient grand faim et grand soif..! Ils parlaient français. Ils avaient déplacé une ardoise de la toiture. Cela leur permettait d’observer les combats et aussi les soldats en occupation dans la ferme, jusqu’au départ de ces derniers.
Les 3 évadés demandèrent à se rendre aux Américains. Quelques 2 ou 3 hommes allèrent les prévenir afin qu’ils viennent rencontrer les 3 évadés. Descendus du grenier, les 3 Français se virent donner à boire et à manger: ce qu’ils acceptèrent allégrement à la table commune. Les Américains arrivèrent. Avec les précautions que l’on imagine, les armes en joue et pointées vers la trappe, ils encerclèrent l’écurie. Elle était vide.
Les évadés, attablés, se manifestèrent. Ils furent, sans ménagement, mis à genoux et fouillés. Ce qu’ils possédaient leur fut pris. Les fusils furent brisés sur un pommier tout proche.
Que devinrent ces 3 incorporés de force, emmenés aussitôt par les Américains ? Simone, devenue Madame Levée est prête à les accueillir et revivre, en les évoquant avec eux, les souvenirs de cette horrible période..!
En Moselle ou en Alsace, ces 3 incorporés de force auront peut-être raconté leur évasion. Nous caressons l’espoir qu’elle soit connue et que les familles nous en apportent les témoignages.
Pour la SNIFAM, Jean Bézard
Photo de l’écurie dans laquelle se cachèrent les 3 « Malgré-Nous ». Simone Dubosq avait 14 ans en 1944. (Photo N. Aubert)