Etudiant (* Dannemarie, Haut-Rhin, 19.3.1925). Il fréquente le collège d’Altkirch de la 6e (1936) jusqu’à la 3e (1940). Suite à un déménagement, il s’inscrit en classe de 1ère (« 7. Klasse« ) au « Albert Leo Schlageter Gymnasium » (anciennement Lycée) de Mulhouse. Le 18 juin 1943, il obtient l’Abitur avec mention. Il est incorporé de force au RAD le 22 juin suivant. Déporté dans la Wehrmacht le 30 octobre 1943, il est fait prisonnier le 10 avril 1945 à Königsberg (aujourd’hui Kaliningrad) par les troupes soviétiques. Sa captivité débute à Insterburg, Moscou, Novosibirsk (Sibérie) et s’achève à Tambow. Il est rapatrié le 30 octobre 1945 (tout habillé, il ne pèse plus que 35 kilos). en décembre 1945, il s’inscrit à la Faculté de Droit à Strasbourg. Il est licencié en Droit en octobre 1947. A la fin de l’année 1948, il débute une carrière professionnelle dans le commerce de vins et spiritueux.
Lorsqu’on l’interroge sur son passé de « déporté militaire » (sa Carte de Rapatrié porte les tampons « Alsaciens-Lorrains déportés dans la Wehrmacht » et « Prime de déporté »), Jean Jux répond :
« Voilà plus de 63 ans que la France, dite République française, dite patrie des Droits de l’Homme, a laissé accroire au peuple français par son silence, son mutisme, que les 130.000 Alsaciens et Mosellans déportés dans l’Armée allemande étaient des consentants, voire des volontaires qualifiés, de ce fait, de Boches, de renégats, de parias, de traîtres… comme si les Incorporés de force – ou plutôt déportés militaires – s’étaient salis les les mains avec les Nazis, alors qu’ils vivaient sous la menace permanente de leur exécution (peloton d’exécution, pendaison, décapitation) en cas de refus d’obéissance ou de tentative de désertion !
Pourtant, l’incorporation de force est un crime de guerre caractérisé nettement défini par l’article 6b-1er des statuts du Tribunal de Nuremberg. De plus, l’Alsace et la Moselle avaient été abandonnées par la France de Vichy – conséquence de la défaite de 1940 – à l’Allemagne hitlérienne, permettant ainsi leur annexion, illégale, au IIIe Reich.
Cette désastreuse situation a débouché sur la forte hostilité, sinon la haine du Limousin à l’égard de l’Alsace à cause de la tragédie d’Oradour-sur-Glane (autre crime de guerre caractérisé) – fortement attisée par le procès de 1953 – alors que nos deux provinces ont été, l’une comme l’autre, victime de la terreur et de la barbarie nazie.
Certes, le président de la République a effectué un déplacement au Mémorial d’Alsace-Moselle de Schirmeck, mais je dois dire, avec tout le respect que je dois à sa personne, que c’était pour admirer le magnifique panorama… du moins est-ce l’impression infiniment regrettable que cette viste a laissée.
Osera-t-on – et là je m’adresse à l’ensemble de la classe politique alsacienne – laisser étouffer et jeter dans les oubliettes de l’Histoire cette tragédie meurtrière? Osera-t-on oublier les quelques 42.000 morts et disparus dont les dépouilles sont éparpillées sur tous les fronts et, plus particulièrement à l’Est et dans les charniers de Tambow? Osera-t-on oublier les mutilés et autres grands blessés? Osera-t-on oublier les déserteurs, les insoumis et les réfractaires qui ont bravé la menace d’être exécutés et la déportation pour leurs familles? Osera-t-on laisser jeter l’opprobre sur cette malheureuse jeunesse alsacienne et mosellane précipitée de force dans les massacres et la boucherie? Osera-t-on laisser étouffer les atroces souffrances de ces milliers de familles alsaciennes et mosellanes ayant depuis, pour la plupart, emmené leur chagrin dans la tombe? Osera-t-on devenir les acteurs de la négation de cette tragédie? Osera-t-on enfin devenir les acteurs de la trahison des Alsaciens-Mosellans par les Alsaciens-Mosellans eux-mêmes en se réfugiant toujours et encore dans le Redr’mer nem davon (N’en parlons plus) ?? »
NM
Jean Jux est l’auteur de Lorsque meurt la Liberté, éditions Serpenoise, 2005.