Madame Gisèle PRINTZ, Sénatrice de la Moselle, dans l’avis n°159 fait au nom de la Commission des Affaires Sociales du Sénat, apporte un certain nombre d’informations sur la fin des dernières injustices touchant les incorporés de force (pages 41, 42 et 43) :
Avis n° 159 (2013–2014) de Mme Gisèle PRINTZ, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 21 novembre 2013
F. LA FIN DES DERNIÈRES INJUSTICES TOUCHANT LES MALGRÉ-NOUS
L’annexion de l’Alsace et de la Moselle à l’Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale a eu pour ses habitants des conséquences terribles. Traités comme des citoyens allemands, les hommes furent forcés de servir dans la Wehrmacht tandis que la population fut victime de nombreuses mesures vexatoires. Soixante-dix ans plus tard, ces faits restent ignorés de la majorité des Français. Votre rapporteure renouvelle le souhait qu’elle avait émis l’an dernier de voir l’histoire de cette période figurer de manière plus détaillée dans les manuels scolaires et faire l’objet d’une meilleure prise en compte par le ministère de l’éducation nationale dans ses programmes.
1. Un phénomène désormais reconnu : l’incorporation de force dans l’armée allemande et les formations paramilitaires du IIIe Reich
Parmi la population d’Alsace-Moselle, 134 000 hommes ont été incorporés de force dans l’armée allemande. Ceux qui essayaient de se soustraire à cette obligation exposaient leur famille à des représailles qui allaient jusqu’à la déportation en camp de concentration. 42 000 d’entre eux sont décédés au combat, en captivité ou ont été portés disparus.
En application de l’article L. 231 du CPMIVG, leur service dans l’armée allemande permet aux survivants de bénéficier d’une pension militaire d’invalidité dans les conditions du droit commun. L’attribution du certificat d’incorporé de force dans l’armée allemande, créé en 1952, permet à son titulaire d’obtenir la carte du combattant et donc de percevoir la retraite du combattant ainsi que de souscrire une rente mutualiste.
Au 31 décembre 2012, 85 380 certificats avaient été délivrés pour 93 928 demandes. Enfin, à la suite de l’accord franco-allemand du 31 mars 1981, la fondation entente franco-allemande (Fefa) a versé à chacun d’entre eux une indemnité de 1 387,29 euros.
A côté des incorporations dans l’armée régulière, 45 000 personnes furent contraintes de rejoindre les formations paramilitaires du RAD (Reichsarbeitsdienst) et du KHD (Kriegshilfsdienst). La reconnaissance de leurs souffrances et de la participation de certains d’entre eux à des combats fut un long parcours dont l’aboutissement revient au Conseil d’Etat (23*), qui leur ouvrit droit au titre d’incorporé de force dans l’armée allemande.
L’indemnisation de ceux n’ayant pas pris part aux combats, tout particulièrement des femmes, n’a eu lieu que grâce à la signature d’une convention, le 17 juillet 2008, entre l’Etat et la Fefa. Dans le cadre de ce mécanisme, dont la date limite de dépôt des dossiers était fixée au 31 décembre 2009, 5 083 personnes ont reçu, au 1er juillet 2013 une allocation de 800 euros, financée à parts égales par l’Etat et la Fefa.
Alors que les estimations initiales faisaient état de 5 800 bénéficiaires potentiels, il n’y a plus de dossier en cours d’instruction. L’Etat a versé en août 2008 2,61 millions d’euros à la Fefa, dont 2,32 millions destinés aux indemnisations. Toutefois, ces dernières s’élèvent à un total de 4,066 millions d’euros, soit 2,033 millions imputables à la France. La Fefa devra donc être amenée à reverser la somme trop perçue.
Votre rapporteure est satisfaite que le dossier de la reconnaissance matérielle de toutes les formes d’enrôlement de force sous le drapeau allemand soit enfin clos, tout en regrettant qu’il ait fallu attendre plus de soixante ans après les faits pour que toutes les situations soient prises en compte.
2. La disparition des inégalités de traitement entre prisonniers de guerre
Combattant sur le front de l’Est, de nombreux incorporés de force ont été faits prisonniers par l’armée soviétique et détenus dans des camps où les conditions de vie étaient particulièrement difficiles, notamment celui de Tambow. Un décret du 18 janvier 1973 (24*) a créé un régime spécial d’imputabilité de plusieurs affections (tuberculose pulmonaire, colite, rhumatismes vertébraux) à la détention dans certains camps, élargi en 1980 à l’ensemble des camps situés sur le territoire de l’URSS tel qu’il était déterminé au 22 juin 1941, c’est-à-dire à l’est de la ligne Curzon, matérialisée notamment par le fleuve Bug.
Toutefois, cette règle excluait arbitrairement les camps qui étaient situés à l’ouest de cette ligne, alors que les conditions de détention y étaient similaires. Cette inégalité de traitement, qui ne reposait sur aucun facteur objectif, constituait une injustice que votre rapporteure dénonçait chaque année.
Elle a trouvé en Kader Arif un interlocuteur sensible au caractère inique de cette situation et déterminé à la corriger. C’est ainsi qu’un décret du 29 janvier 2013 (25*) a mis un terme aux discriminations basées sur cette ligne virtuelle. Le régime spécial d’imputabilité a été étendu à tous les incorporés de force dans l’armée allemande qui ont été détenus par les Soviétiques. Votre rapporteure s’en félicite, même si bien peu de survivants bénéficieront de cette reconnaissance : au 1er juillet 2013, seulement onze demandes avaient été déposées auprès des services départementaux de l’Onac.
Notes :
23.Conseil d’Etat, 16 novembre 1973, Sieur Kocher, n° 88660.
24. Décret n° 73–74 du 18 janvier 1973 déterminant les règles et barèmes pour la classification et l’évaluation des invalidités résultant des infirmités et maladies contractées par des militaires ou assimilés au cours de la captivité subie dans certains camps ou lieux de détention.
25. Décret n° 2013–105 du 29 janvier 2013 modifiant le décret n° 73–74 du 18 janvier 1973 déterminant les règles et barèmes pour la classification et l’évaluation des invalidités résultant des infirmités et maladies contractées par des militaires ou assimilés au cours de la captivité subie dans certains camps ou lieux de détention.