Dans le numéro 49 du 28.11.2020 de l’hebdomadaire Der Spiegel, je suis tombée sur un article qui m’a laissée sans voix.
La lecture de cet article nous apprend que l’Allemagne est en pointe dans la poursuite des crimes de guerre commis en Syrie : l’utilisation du gaz sarin contre la population civile aurait entraîné la mort de plus de 1000 personnes.
La guerre n’est pas une zone de non-droit. Aussi, la poursuite des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité s’impose-t-elle. Se taire serait être complice.
Après la Seconde Guerre mondiale, les vainqueurs décidèrent la mise en place du Tribunal de Nuremberg pour juger les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Plus tard, l’ONU a créé la Cour pénale internationale à La Haye pour juger les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité.
Le droit international impose à chaque Etat d’exercer sa souveraineté juridique à l’intérieur de ses frontières. Pour l’instant, je n’ai pas trouvé de quelle autorité internationale, l’Allemagne tenait un mandat pour poursuivre et condamner les responsables syriens des attaques au gaz sarin. En outre, je ne vois pas les liens qui peuvent exister entre l’Allemagne et la Syrie, à part la construction du chemin de fer de Bagdad par l’Allemagne impériale.
Nul ne peut s’autoproclamer « justicier », sinon notre société célèbrera rapidement les fastes de l’anarchie.
Le Spiegel nous apprend que les tribunaux allemands se mobilisent pour poursuivre les crimes commis en Syrie, par exemple à Karlsruhe : 14 procureurs et 30 enquêteurs de la Police criminelle s’occupent de ce dossier.
Combien de magistrats et d’enquêteurs de police instruisent le procès de l’incorporation de force par l’Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale ? Je l’ignore, mais ils ne doivent pas être très nombreux.
Je rappellerai pour mémoire :
- La France compte 86 827 déportés civils (chiffre officiel de la Fondation de la Mémoire) et 130 000 déportés militaires dont 40 000 tués.
- L’Europe de l’Ouest compte 750 000 déportés militaires dont 275 000 morts selon les chiffres du Volksbund, auxquels il faut ajouter 1 000 000 de prisonniers soviétiques contraints de revêtir l’uniforme de la Wehrmacht.
L’attitude des autorités allemandes à notre égard est incompréhensible et elle est scandaleuse à l’égard des incorporés de force.
Dans une lettre du 13.05.2016, le Ministère des Affaires Etrangères allemand (Auswärtiges Amt) a écrit : « que l’incorporation de force ne constitue ni un crime de guerre, ni un crime contre l’humanité« . Si nous suivons ce raisonnement, il nous faudrait conclure que l’incorporation de force, cette déportation militaire dans des pays lointains et souvent inhospitaliers (exemple : les marécages de Pripjet) était un « Erasmus militaire » destiné à de jeunes paysans qui n’avaient jamais quitté leur département (en 1942, la France était un pays majoritairement rural).
Chacun pourra tirer de ces faits la conclusion qu’il lui plaira.
Pour ma part, je partage le point de vue de notre ami le député des Linke, Gregor Gysi, qui a déclaré récemment à propos des élections législatives de l’automne 2021 : « en Allemagne de l’Est, c’étaient toujours les mêmes qui étaient au pouvoir, car il n’y avait qu’un parti unique. Maintenant, en Allemagne, nous sommes en démocratie et une véritable alternance s’impose ».
Il ne veut plus de la grande coalition, la grande Kroko (CDU-SPD). Je souhaite également ce changement. C’est la seule solution si nous voulons obtenir satisfaction : voir la reconnaissance de l’incorporation de force comme crime contre l’humanité par l’Allemagne fédérale.
A ceux qui sont surpris de mon alliance avec les Verts et les Linke, je rappelle que le général De Gaulle a fait alliance avec Staline pour battre les nazis.
A la veille de l’année 2021, je présente tous mes meilleurs voeux à toute l’équipe de L’Ami hebdo et à tous les lecteurs. Que la nouvelle année vous apporte la santé, la joie et la paix. Que Dieu vous garde et vous bénisse.
Renée Baudot, le 28 décembre 2020
- Lettre de soutien du député Gregor Gysi : https://www.malgre-nous.eu/2018/07/31/lallemagne-souffrances-malgre-message-depute-gregor-gysi/