Le président de la République a tenu à marquer le départ de la chancelière Angela Merkel par une cérémonie grandiose à Beaune lors de laquelle il lui a décerné la Grand’Croix de la Légion d’honneur. Sur 93 000 titulaires de la Légion d’honneur, il n’y a qu’une soixantaine de récipiendaires de la Grand’Croix.
La Légion d’honneur fut créée en 1802 par Bonaparte 1er consul pour récompenser les services éminents rendus à titre civil et militaire. Devant l’inflation des médailles de la Légion d’honneur distribuées, le général de Gaulle, président de la République, créa le 3.2.1963 l’Ordre national du Mérite qui devait récompenser les mérites civils.
Au terme de 16 ans à la Chancellerie, quel bilan pouvons-nous tirer de l’action d’Angela Merkel au plan de la coopération franco-allemande ?
2015: l’Allemagne a espionné l’Elysée pour le compte des services secrets des Etats-Unis.
La chancelière a décidé unilatéralement, sans consultation des autres pays européens d’accueillir 1 million de réfugiés avec les conséquences que chacun connaît. Après avoir sélectionné les meilleurs éléments pour ses entreprises, elle laissa les autres se diriger vers la France et les autres pays en vertu des accords de Schengen.
2016 : Incorporation de force dans la Wehrmacht. Dans une lettre en date du 13 mai 2016 qui a été adressée par l’Auswärtiges Amt(Ministère des Affaires Etrangères) à mon avocat, l’Allemagne reconnaît que le IIIe Reicha pratiqué l’incorporation de force de jeunes Français dans la Wehrmachtmais elle considère qu’il ne s’agit :
– ni d’un crime de guerre.
– ni d’un crime contre l’humanité.
Cela constituerait-il un « Erasmus » militaire ? qui a coûté la vie, malheureusement, à 40000 innocents qui combattaient sous un drapeau qu’ils n’avaient pas choisi.
Une telle réponse est inacceptable. L’Allemagne n’a pas le droit de bafouer leur mémoire.
2017: Le 11 août 2017, la chancelière fut interpellée au Bundestag par le groupe des députés Verts afin que l’Allemagne reconnaisse l’incorporation de force comme crime contre l’humanité. C’était la première fois depuis la guerre que le Bundestag a évoqué le problème de l’Incorporation de force.
La réponse de Madame Merkel fut claire et lapidaire.
Pour elle, le problème a été réglé avec la création de la Fondation « Entente Franco-Allemande » (FEFA), suite aux accords Giscard-Schmidt signés en 1981. Ce qui est faux. Le rôle de la FEFA consistait répartir les 250 millions de DM versés par l’Allemagne entre les incorporés de force et non de traiter le problème juridique de l’incorporation de force. Sur 142500 incorporés de force ( femmes inclus) seuls 86000 d’entre eux furent indemnisés.
De plus, les Allemands n’hésitèrent pas à mêler les contentieux des deux guerres mondiales et réclamèrent les 500 hectares de la forêt du Mundat et le temple protestant de la rue Blanche à Paris.
Notre gouvernement céda à ces deux demandes.
Je signale également que depuis 2020, suite à la restructuration de la WASt*, qui gère les archives des incorporés de force, une participation financière est demandée pour la fourniture de renseignements concernant ces soldats. L’Allemagne est un pays riche, mais économe.
En comparaison, la France fournit gratuitement des renseignements et de l’assistance à ses anciens combattants de nationalité étrangère.**
Il est vrai que le Chancelier Konrad Adenauer a dit : « der Bürger ist entsetzlich dumm » (« Le citoyen est atrocement bête »).***
2017 : La France a demandé la mutualisation des dettes, que la Chancelière a refusé. La « Mutti » ne fait aucun cadeau aux « pauvres » de l’Europe. En 2008, lors de la crise de l’euro, elle a écrasé la Grèce en lui imposant une violente politique d’austérité. Drapée dans la vertu de la rigueur, elle oubliait que l’Allemagne n’avait jamais remboursé à la Grèce la dette contractée en 1941 avec l’emprunt d’un milliard de Reichsmarks imposé par les nazis. Cette dette était évaluée à plus de 108 milliards d’euros en 2011 par le député grec Manolis Glézos.****
2019 : La France et l’Allemagne ont signé le Traité d’Aix-la-Chapelle en janvier 2019. La France s’est engagée à aider l’Allemagne à obtenir un siège permanent au Conseil de Sécurité ; il a même été question de partager notre siège avec l’Allemagne, en oubliant que notre siège a été obtenu par le sacrifice de nos combattants et de nos résistants contre la dictature nazie pendant la guerre. Nous avons accepté la mutualisation de notre armement, un domaine où nous disposons d’une indéniable supériorité. Notre pays possède l’arme nucléaire. Cela me semble en contradiction avec le Traité de Moscou du 12.9.1990 qui stipule dans son article 3 : « L’Allemagne renonce à la fabrication, à la possession et au contrôle d’armes nucléaires, biologiques et chimiques ». Ce qui a amené mon jeune ami Arthur à faire le commentaire suivant : « Cela est inquiétant vu le passé belliqueux de nos voisins germaniques ». Le proverbe dit que « la vérité sort de la bouche des enfants ».
Avril 2019: l’Allemagne a mis son veto pour nous empêcher de vendre des armes pour lesquelles elle avait fourni des composants à l’Arabie Saoudite.
Octobre 2019: l’Allemagne a imposé la comtesse Ursula von der Leyen (ancienne ministre de la Défense) à la tête de la Commission européenne où elle a favorisé la nomination d’Allemands dans toutes les institutions européennes. Il aurait été judicieux de nommer à ce poste le représentant d’un « petit pays », tel la Grèce, pour contrebalancer la puissance germanique. Après le Brexit, il eu été logique que l’usage de l’anglais soit abandonné dans les institutions européennes au profit du français, mais l’Allemagne s’y opposa. Les Allemands privilégient l’anglais et ne supportent pas que la langue française puisse rayonner dans le monde.
Fin 2019: l’Allemagne a augmenté sa contribution à l’Agence spatiale européenne, puis elle exigea que le moteur Vinci d’Ariane Group soit fabriqué en Allemagne. Ce qui entraîna la suppression de 548 emplois à Vernon. Est-cela le renouveau du « made in France » ?
2020 : en août, fermeture unilatérale, sans concertation avec la France, de la frontière avec la Moselle. L’Allemagne a appliqué sa propre politique sanitaire. Cela a rappelé aux Mosellans un épisode de la politique sanitaire nazie durant l’Annexion. Les jeunes femmes célibataires contraintes au Service du Travail du Reich(Reichsarbeitsdienst) en Moselle – ainsi qu’en Alsace – furent soumises à de nombreuses injections officiellement pour lutter contre le typhus. Cela était faux. Il n’y avait pas de typhus dans nos villes et nos villages. En vérité, il s’agissait de « médecine expérimentale » pour limiter la fertilité. Ces injections ne furent pas sans conséquences et entrainèrent des troubles dans leur vie de femmes. Curieusement, cet épisode de la guerre est méconnu et la Faculté ne l’étudia pas.
2021 : 150e anniversaire de la proclamation du IIe Reich. Suite à la défaite de Sedan, le 1erseptembre 1870, le gouvernement de Thiers abandonna lâchement nos 3 départements à l’Allemagne et « en même temps » exhorta la population de nos villes et villages à continuer à y vivre pour qu’ils ne soient pas peuplés par des Allemands et puissent un jour retourner à la mère-patrie.
Nos 3 départements, parmi les plus riches de notre pays au début du XXe siècle, furent l’objet d’une âpre bataille entre les 2 nations. Le lorrain Maurice Barrès magnifiait la ligne bleue des Vosges et encourageait tous les patriotes à se battre pour récupérer les départements perdus.
Après la signature du Traité de Versailles dans la Galerie des Glaces le 18 janvier 1871, l’Allemagne n’eut plus qu’un seul but : le réarmement et la reconquête.
Pour commémorer le 150ème anniversaire de la proclamation du IIe Reich, la prussienne Angela Merkel, que le chancelier Helmuth Kohl appelait affectueusement « das Mädchen », a fait rénover la « kolossale » statue de Bismarck (34m de haut) qui se trouve à Hambourg. Un geste peu délicat.
Février 2021 : crise de l’avion de combat SCAF dont le moteur a été mis au point par les ingénieurs de Dassault, que l’Allemagne souhaite s’approprier.
Octobre 2021 : nous déplorons l’absence de soutien dans la crise des sous-marins australiens de notre grande alliée, la RFA. Où est le couple franco-allemand ?
Quel bilan tirer de l’ère Merkel ?
La chancelière a défendu avec âpreté les intérêts de son pays et de son industrie. L’Allemagne est devenue le pays le plus puissant d’Europe. Elle a imposé ses vues. Nos responsables politiques ont accepté cette situation. Ce n’était pas la conception du général De Gaulle qui a dit : « La France ne sera pas le valet de l’Allemagne. »***** Toute l’oeuvre du général De Gaulle a été de redonner à la France sa place dans le monde : un siège permanent au Conseil de sécurité, la création d’une force de frappe nucléaire, la conquête spatiale, une armée moderne opérationnelle pouvant intervenir partout. Tout cela a été mis à mal en quelques années. Actuellement, nous assistons à une séquence de l’histoire intitulée : « Les chênes qu’on abat » (André Malraux). Nous devons en finir avec cette situation et renouer avec la grandeur de la France. Cela dépend de chacun de nous.
Sur le plan européen, le bilan de Madame Merkel n’est guère brillant. Par son intransigeance en matière économique et financière, elle a écrasé les pays du Sud, puis les a noyé sous un flot incontrôlé de migrants. Des voix se font entendre dans l’ancien bloc communiste pour sortir de l’UE. Ces peuples ne se sont pas libérés du jour communiste pour tomber sous la férule d’un régime autoritaire européen dominé par les Allemands.
Puisse le prochain chancelier et son gouvernement revenir à une politique plus équilibrée envers ses partenaires, pour le bien de tous.
Renée Baudot
Notes
* Information du 2/3/2 021 / Recherches sur les « malgre-nous » sur le site de l’Ami-Hebdo.
** Der Spiegeln°15/2017 p11.
***Au Maroc, la France reste fidèle aux goumiers de la Libération (Le Figaro du 25/2/2019)
**** Trauer und Scham -aber keine Entschädigung, Gerd Höhler 14/01/2011 : « Manolis Gelezos. Résistant à l’âge de 19 ans, il monta sur l’Acropole, une nuit, et enleva le drapeau nazi pour le remplacer par le drapeau grec. Il fut élu député européen ».
***** J.R. Tournoux , La Tragédie du général, Plon, 1967, p.254.