Il y a 12 ans… une lettre arrive dans la commune de départ de mon oncle Victor Delles, un incorporé de force qui n’est jamais revenu de la guerre. Une famille d’un village proche de Berlin, nous annonce qu’ils ont entretenu la tombe du soldat Victor depuis qu’ils ont trouvé mort dans leur jardin fin avril 1945.
Vers la fin de la Seconde Guerre mondiale, au printemps 1944, Victor Delles, de Bistroff (Moselle), a été contraint à rejoindre un camp de travail en Allemagne. Le 27 novembre 1944, il a été incorporé dans l’armée allemande, il avait 17 ans. Son unité a été engagée sur le front Est. Il est tombé en avril 1945, lors de l’offensive russe sur Berlin, à proximité du village de Molkenberg.
Monsieur Theodor Schulz, habitant du village s’est chargé d’inhumer Victor, dont le corps avait été retrouvé dans un de ses champs, dans le cimetière de Molkenberg. Et, depuis 75 ans, la famille de Theodor (sa fille, puis ses petites-filles), sans connaitre la famille Delles, embellit et entretient la tombe de Victor comme celle d’un proche.
En mars 2007, Waltraud Mörsel (fille de Theodor Schulz) a écrit une lettre à la famille Delles, Ferme de Tattenwald, une lettre empreinte d’une grande émotion et d’une grande compassion. Elle y explique que, depuis avril 1945, elle entretient cette tombe et que, à l’aube de sa vie, elle cherche à savoir s’il existe encore un proche en France de ce soldat retrouvé mort dans leur champ. Elle explique que son unique frère est également décédé pendant la guerre et elle partage la peine de la famille Delles.
La période d’après-guerre a été difficile pour leur famille, puis le passage au régime sévère de l’Allemagne de l’Est ne leur permettait pas de prendre contact avec la France. Après la chute du mur en 1989, tout était possible … mais pourquoi revenir dans le passé ? Ce soldat français, mort en uniforme allemand, a-t-il encore de la famille ? Et, si oui, quel sera l’accueil de cette famille? Il s’agissait d’un « Malgré-Nous » ! Ils ont retrouvé sur son corps ses papiers d’incorporation ! Une part de culpabilité du peuple allemand ne leur a pas donné le courage de faire des recherches en France. Et c’est ainsi que le temps est passé et que c’est seulement en 2007 que la fameuse lettre arriva à Bistroff.
Le frère de Victor, Bruno (mon père) prend alors contact avec Madame Mörsel. Ils conviennent d’une visite à Molkenberg. En juillet, en route pour ce village à l’est de Berlin. Il a été reçu à bras ouverts par toute la famille Mörsel et a pu se recueillir sur la tombe de son frère Victor qu’il a très peu connu. Bruno est né en 1938.
Trois autres voyages (2009, 2011 et 2017) ont eu lieu pour honorer la mémoire de Victor et approfondir les liens avec la famille Mörsel.
Valérie Gross