Versement d’une pension d’invalidité à un ancien membre de la division SS « Das Reich »
10e législature
Question écrite n° 14936 de M. Jean-Pierre Demerliat (Haute-Vienne – SOC) publiée dans le JO Sénat du 11/04/1996 – page 845
M. Jean-Pierre Demerliat attire l’attention de M. le ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre sur la très vive émotion que suscite l’information selon laquelle un soldat français incorporé dans la division Waffen SS » Das Reich » pourrait bénéficier d’une pension d’invalidité. C’est cette division qui, le 10 juin 1944, massacrait la population du village d’Oradour-sur-Glane. Les survivants de ce carnage, les familles des victimes et la communauté du mouvement de Résistance auraient le sentiment d’être trahis et se considéreraient attaqués dans leur honneur si l’Etat attribuait une pension à cet ancien soldat SS. Aussi, il souhaiterait connaître où en est l’examen de ce dossier et l’avis du ministre sur cette douloureuse affaire.
Réponse du ministère : Anciens combattants publiée dans le JO Sénat du 23/05/1996 – page 1259
Réponse. – Diverses informations de la presse parlée, écrite et télévisée ont alerté l’opinion sur une demande de pension émanant d’un ancien soldat de la Waffen SS qui a été présentée à la direction interdépartementale de Strasbourg du ministère des anciens combattants et victimes de guerre. Il s’agissait à l’époque d’une demande encore à l’instruction : aucune décision n’avait pour l’heure été prise et aucune pension n’avait été réglée au demandeur. Sur la publicité donnée à cette affaire, d’innombrables lettres sont parvenues au ministre qui, dans le même temps, procédait à une enquête circonstanciée. Il convient de rappeler que la situation dénoncée, si paradoxale qu’elle puisse apparaître, illustre de la façon la plus totale le drame vécu par les Alsaciens et Mosellans de 1940 à 1945. L’opinion française ne saurait négliger que les habitants de ces régions, qui ont donné dans le passé tant de preuves d’attachement à la mère patrie, ont pu légitimement reprocher à celle-ci de les avoir abandonnés en 1940, non seulement à l’occupation allemande, mais plus encore à ses lois et aux épreuves qui en découlaient. Le militaire dont il est question appartenait à une famille notoirement connue pour sa francophilie et cela lui valut d’être internée au camp de Schirmek. Les fils furent enrôlés de force dans l’armée allemande. Le frère aîné du requérant a d’ailleurs été tué sur le front de l’Est et le fils cadet mobilisé de force à l’âge de dix-sept ans et envoyé dans une unité de Waffen SS. Il a appartenu effectivement à la division Das Reich et au régiment Der Führer. Il se trouvait, non pas à Oradour-sur-Glane, mais sur les routes qui menaient à ce village. Il faut savoir que, contrairement aux rumeurs répandues, il n’était pas nécessaire d’être volontaire pour appartenir à cette unité et que de nombreux Alsaciens et Mosellans y furent dirigés malgré eux. De la même façon, le tatouage n’était pas un acte de volonté. Pour autant, une notoriété considérable et regrettable a été donnée à cette affaire ; l’émotion conséquente qui en a découlé a été ressentie dans les profondeurs du pays ; elle s’est exprimée au ministre par un nombre très élevé de messages et en particulier celui de la municipalité d’Oradour-sur-Glane. En conséquence, le ministre, tout en rendant hommage aux souffrances qui ont été imposées à la population alsacienne et mosellane, estime qu’une pension, octroyée dans un tel contexte, même si elle est légitimée par les lois, pourrait faire naître un trouble plus profond et plus permanent à l’ordre public. Il a donc décidé de rejeter la demande.
Source : http://www.senat.fr/questions/base/1996/qSEQ960414936.html
* Voir aussi : http://www.ina.fr/video/CAC96012821