Les déboires de la famille Rauch à Bourges – Dossier composé par Charles Bohnert

Commentaire (0) Documents, Evacuation et Annexion

 

Le 22 novembre 1944, le préfet du Cher prononce par arrêté l’in­ter­ne­ment admi­nis­tra­tif de Jules Rauch (* Hulte­house, Moselle, 13.12.1896). Mais aussi celui de l’épouse de ce dernier, Mathilde Kinder (* Mollau, Haut-Rhin, 26.9.1898), de leur fils Louis (* Mollau, Haut-Rhin, 11.5.1918) et de son épouse Emma Saverna. Ces personnes étaient « mal connues à Bourges où elles rési­daient seule­ment depuis le mois de juillet 44, date à laquelle elles étaient reve­nues de Norman­die amenées par les Alle­mands en retraite », d’après une lettre au préfet datée du 17 janvier 1945 qui ajoute que seuls Jules et Mathilde Rauch ont eu « une atti­tude anti-française marquée », contrai­re­ment aux enfants Louis et Emma qui se sont montrés « hostiles aux occu­pants ». La mesure d’in­ter­ne­ment prise contre ceux deux derniers pour­raient être révi­sée.

Jules Rauch servait aussi d’in­ter­prète, ce qui lui a permis de plai­der la cause de compa­triotes pour qu’ils ne soient pas envoyés en Alle­magne.

Jules Rauch est arrêté à son domi­cile par les FTP le 3 novembre 1944. Il lui a été repro­ché « d’avoir quitté Bourges, puis d’être revenu avec les Alle­mands » (PV du 14.11.1944).  Travaillant en France. Mobi­lisé, puis réformé en 1939, il retourne à Caen où se trou­vait son épouse. Char­pen­tier, il est requis, en juin 40, par les Alle­mands. En juin 44, les Alle­mands se replient, emme­nant les Rauch avec eux. Ils sont logés par eux dans une maison réqui­si­tion­née et où ils stockaient des caisses. Les soldats y venaient donc régu­liè­re­ment. Il assure qu’il n’a jamais colla­boré ou nuit à la France. Son fils, qui avait été soldat français, n’est pas retourné en Alsace ; il en est de même pour son beau-frère qui est toujours dans l’ar­mée française.

 Jules Rauch indique qu’Ernest Schoe­na­cker était le fils de sa voisine, en Lorraine (voir https://www.malgre-nous.eu/index.php/2023/01/18/schoe­na­cker-ernest-dossier-compose-par-charles-bohnert-claude-herold/). Sur la photo de groupe, il s’agit du fils de son beau-frère alsa­cien, incor­poré de force et tombé en Russie à la fin de l’an­née 44.

 

Emma Saverna, épouse Louis Rauch, est née à Moutiers (Meurthe-et-Moselle). Dans un PV du 14.11.1944, elle indique avoir été arrê­tée par les FTP le 3 novembre avec son mari et ses beaux-parents. Evacués par les Alle­mands à la suite du Débarque­ment, ils ont dû quit­ter Caen à bord d’un camion jusqu’à Bourges où ils sont arri­vés à la fin du mois de juillet. « En arri­vant à Bourges, les Alle­mands ayant laissé quelques caisses de marchan­dises chez nous, reve­naient de temps à autre pour y prendre ce dont ils avaient besoin et je crois que la dénon­cia­tion qui a motivé notre arres­ta­tion provient de la venue des Alle­mands chez nous (…). D’après  les rensei­gne­ments qui nous ont été four­nis, je crois que l’on nous accuse d’avoir quitté Bourges en compa­gnie d’Al­le­mands, pour y reve­nir ensuite. En réalité, depuis notre arri­vée à Bourges, nous avons changé deux fois de loge­ment, mais j’af­firme que ni mes beaux-parents, ni mon mari ni moi-même nous n’avons quitté Bourges (…). D’ailleurs, mes idées sont pure­ment françaises (…). J’ai de multiples raisons de haïr les Alle­mands et je cite­rai notam­ment une d’entre elles : ils ont assas­siné mon frère prénommé Vitor, âgé de 27 ans, le 29 juin dernier, alors qu’il avait été empri­sonné à peine un mois dans la prison de Metz ». La dépo­si­tion de Mathilde Rauch est conforme à celles de son fils et de sa belle-fille.

Le 6 novembre 1944, des rapports de police indiquent qu’il n’y a rien à repro­cher à Louis Rauch. Aucun habi­tant de son quar­tier n’a à se plaindre de son atti­tude. Après le départ des Alle­mands, il aurait même remis la camion­nette avec laquelle il était arrivé à Bourges aux FFI. Proba­ble­ment employé par l’en­tre­prise Todt. Il n’a jamais été vu en uniforme alle­mand. Il en est de même pour son épouse Emma et de sa mère Mathilde

Le 12 décembre 1944, l’En­tre­prise R. & D. Oréfice, qui emploie Louis Rauch, témoigne qu’il « a toujours mani­festé ses senti­ments très français avec l’es­poir qu’un jour l’Al­sace serait complè­te­ment libé­rée du jour alle­mand ».

Le 18 décembre 1944 est entendu Edouard Simon qui témoigne des senti­ments anti-alle­mands des Rauch. Pour lui, leur arres­ta­tion « parait être l’objet d’une méprise ou d’une vengeance person­nelle ».

Le 8 janvier 45, les RG de Caen signalent que la famille Rauch était bien consi­dé­rée au Carpiquet (Calva­dos). Mais pas à la Mala­dre­rie où ils étaient mal vus de leurs voisins : « étant rame­nés chez eux, assez souvent, en auto par les Alle­mands et rece­vant à leur table des offi­ciers alle­mands avec qui ils faisaient la fête ».

Le 9 février 1945, le commis­saire de la Répu­blique de la Région d’Or­léans envoie au préfet du Cher un arrêté selon lequel il a fixé « au 3 avril 1945 la date de libé­ra­tion du nommé Rauch Jules, demeu­rant à Bourges, rue Gassot du Deffend ». A la même date, il lève « les mesures prononçant l’in­ter­ne­ment admi­nis­tra­tif des nommés Rauch née Saverna, Rauch Louis, Rauch née Kinder« .

Le 24 février 1945, le Minis­tère de l’In­té­rieur demande au préfet du Cher d’enquê­ter au sujet de Jules Rauch qui a été interné, avec on épouse, son fils et sa bru, au couvent Saint-Michel de Bourges : « On lui repro­che­rait, notam­ment, d’avoir reçu à son domi­cile, à Carpiquet, des soldats alle­mands qui n’étaient autres que des ressor­tis­sants de l’Al­sace, enrô­lés de force dans l’ar­mée alle­mande ».

 

Dépo­si­tion de Louis Rauch, le 14.11.1944.

 

Lettre du 28 octobre 1944 adres­sée à Louis Rauch, 112 avenue d’Is­sou­dun, Bourges.

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