Les incor­po­rés de force eurent-ils la natio­na­lité alle­mande ? – par Renée Baudot, le 18 avril 2020

Commentaires (2) Actualité, Billet d'humeur

 

Le décret du 25 août 1942 pris par les nazis à la confé­rence de Winnitza stipu­lait que les jeunes hommes alsa­ciens-mosel­lans devaient servir dans la Wehr­macht.

L’es­sen­tiel de la théo­rie nazie se trou­vait dans Mein Kampf et les écrits de Rosen­berg. L’in­cor­po­ra­tion de force ne figu­rait dans aucun texte, dans aucun programme. Le nazisme fut un dogme doublé d’un prag­ma­tisme qui s’adap­tait aux diffi­cul­tés rencon­trées. L’in­cor­po­ra­tion de force fut mise en oeuvre suite à l’en­li­se­ment de la Wehr­macht sur le front de l’Est. Les nazis avaient besoin de soldats. Ils contrai­gnirent par la force et la menace et la menace de la dépor­ta­tion de leurs familles, les jeunes gens d’Al­sace et de Moselle à combattre revê­tus de l’uni­forme nazi.

Le nazisme était fondé sur le concept de race. Seules les personnes de race aryenne pouvaient être citoyens du IIIe Reich, servir dans la Wehr­macht. Elle n’ac­cep­tait en son sein aucun étran­ger, aucun métèque. En théo­rie.

Les soldats de la Wehr­macht devaient combattre et mourir pour le peuple et la patrie (für Volk und Vater­land).

L’Al­le­magne nazie se consi­dé­rait comme une race supé­rieur (ein Herren­volk). Elle ne bradait pas sa natio­na­lité. La natio­na­lité était le corol­laire de la race. Celle-ci était basée sur le droit du sang. Pour être alle­mand, il ne suffi­sait pas d’être né sur le sol du grand Reich, il fallait être le descen­dant d’une lignée d’Aryens.

Les nazis de voulaient pas de légion étran­gère.

Pour inté­grer des Français dans la Wehr­macht, les nazis inven­tèrent un nouveau concept juri­dique : le démem­bre­ment de la natio­na­lité. 

Le droit connait le démem­bre­ment de a propriété. Par exemple : en cas de vente d’un bien en viager, le vendeur garde l’usu­fruit du bien et l’ac­qué­reur acquiert la nu-propriété. 

Le démem­bre­ment de la natio­na­lité : un certi­fi­cat de natio­na­lité alle­mande, à titre « tempo­raire », était remis aux incor­po­rés de force à leur entrée dans la caserne. Le docu­ment confé­rant la natio­na­lité alle­mande à titre « défi­ni­tif » devait être remis à l’ap­pelé lorsqu’il aurait donné des preuves de patrio­tisme alle­mand, fait selon l’ex­pres­sion d’un jour­nal alsa­cien, son « Anschluss inté­rieur » (Paul Sérant, Les mino­ri­tés ethniques).

Pour obte­nir la natio­na­lité alle­mande à titre défi­ni­tif, – par une déci­sion indi­vi­duelle – il fallait être poli­tique­ment sûr. La consul­ta­tion des Wehr­pass (passe­ports mili­taires) nous indique à la rubrique « natio­na­lité :

  • soit Reichs­deut­scher, dans la majo­rité des cas
  • soit Volks­deut­scher Elsass-Lothrin­gen

Nous igno­rons pour quels motifs nous trou­vons deux natio­na­li­tés diffé­rentes. Ce qui entraîne deux situa­tions juri­diques diffé­rentes pour les incor­po­rés de force.

1er cas : En mourant sous l’uni­forme nazi, les incor­po­rés de force titu­laires du certi­fi­cat de natio­na­lité alle­mande, ont donné de fait la preuve de leur patrio­tisme. Ils sont deve­nus alle­mands à part entière. Cela est incon­tes­table.

En consé­quence, l’Al­le­magne ne peut pas refu­ser à leurs ayants-droit (conjoint, enfants) les pensions qu’elle octroie à ses ressor­tis­sants. Il est incom­pré­hen­sible que le gouver­ne­ment de la Répu­blique Fédé­rale d’Al­le­magne se réfu­gie derrière des argu­ties juri­diques. Cela est indigne de la part d’un « grand pays civi­lisé » selon l’ex­pres­sion employée par Maître Georges Nonnen­ma­cher lorsque l’Al­le­magne a réclamé la forêt du Mundat lors des accords Schmidt-Giscard.

2e cas : Les incor­po­rés de force morts sous l’uni­forme nazi, auxquels avaient été attri­bués la natio­na­lité « Alsa­cien-Lorrain » (*) sur leur Wehr­pass, étaient des soldats d natio­na­lité française obli­gés par la force de servir dans la Wehr­macht.  Ils étaient des soldats étran­gers dans la Wehr­macht, semblables aux soldats de la Légion étran­gère, à la diffé­rence que ces derniers sont volon­taires.

Ils ne sont pas morts alle­mands, ils sont morts français. Les dépor­tés mili­taires sont des victimes du nazisme. Ils doivent être indem­ni­sés à ce titre par l’Al­le­magne.

Notre armée compte une Légion étran­gère au service de notre défense. En cas de décès au combat, les familles de ces soldats sont trai­tées comme celles de nos natio­naux. Ils deviennent français par le sang versé.

3e cas : Enfin, les incor­po­rés de force qui ont survécu à la guerre et qui ont eut la chance de reve­nir dans leur patrie ont retrouvé la natio­na­lité française qu’ils n’avaient jamais perdue, selon les règles du droit inter­na­tio­nal.

 

En conclu­sion, nous déplo­rons la mort, loin de leur patrie, de 40 000 jeunes hommes morts sans funé­railles et sans sépul­ture pour 80% d’entre eux. Leur linceul était leur uniforme signé Hugo Boss, le coutu­rier de la Wehr­macht. Leurs ayants-droit n’ont jamais été indem­ni­sés. Quand ce scan­dale cessera-t-il ? 

L’Al­le­magne veut diri­ger l’Eu­rope et nous impo­ser sa loi, mais elle est inca­pable d’as­su­mer son passé

A l’ins­tant où j’écris ces lignes, la radio annonce que l’Ely­sée précise dans un commu­niqué que les personnes âgées de plus de 70 ans (dont je fais partie- ne seront pas confi­nées après le 11 mai. Une mesure de bon sens. Madame Ursula von der Leyen, prési­dente de la Commis­sion euro­péenne, pédiatre (le Spie­gel a parlé de sa thèse…), a déclaré péremp­toi­re­ment que les personnes âgées devaient rester confi­nées jusqu’à la fin de 2020 – elle ignore le besoin de contacts sociaux des aînés -, une eutha­na­sie douce qui rappelle le programme T4 (Tier­gar­tens­trasse 4) de sinistre mémoire qui avait abouti à l’éli­mi­na­tion de 200 000 personnes fragiles (vieillards et handi­ca­pés).

Jacques Brel avait raison de chan­ter : « Dame Bêtise, toi dont le règne et méconnu ». Chan­tons avec lui.

 

Renée Baudot

 

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(*) Ce qui ne sera pas sans consé­quence. Lors de l’inique procès de Bordeaux, le tribu­nal va reprendre cette quali­fi­ca­tion et il leur attri­buera la natio­na­lité alsa­cienne au lieu de la natio­na­lité française. Une sottise ! Ces hommes sont nés français et ils mour­ront français.

 

Extrait de la carte d’iden­tité civile d’un (futur) incor­poré de force, combat­tant français en 39–40 : « Deut­scher Volks­zu­gehö­ri­ger – Elsäs­ser » et …

… son Wehr­pass : « Vd. Els. », « Volks­deut­scher Elsäs­ser ».

 

Extrait d’une carte d’iden­tité alsa­cienne.

 

Extrait d’un Wehr­pass alsa­cien.

Extrait d’un Wehr­pass alsa­cien : « Volks­deut­scher Elsäs­ser »a été barré par le chef de compa­gnie et remplacé par D(eutsches) R(eich).

 

Extrait d’un Wehr­pass alsa­cien : « Volks­deut­scher Elsäs­ser »a été barré et remplacé par D(eutsches) R(eich).

 

Extrait d’une carte d’iden­tité mosel­lane.

2 Responses to Les incor­po­rés de force eurent-ils la natio­na­lité alle­mande ? – par Renée Baudot, le 18 avril 2020

  1. Bernard Sadoun dit :

    Cet article est intéressant mais il comporte des inexactitudes et des erreurs. Pour ne prendre qu’un exemple, il est peu probable que les Malgré-nous décédés sans sépulture aient eu pour linceul « leur uniforme signé Hugo Boss, le coutu­rier de la Wehr­macht”. Quels que soient ses torts, Hugo Boss n’était pas le couturier de la Wehrmacht. L’entreprise, qui comptait 98 collaborateurs en 1936, 239 en 1939 et 324 en 1955, n’aurait pas pu fournir tous ces uniformes ! Hugo Boss, qui n’était que l’une des 15 000 entreprises référencées par le Reichszeugmeisterei de Munich travaillait essentiellement pour le parti. Le rapport d’Elisabeth Timm, très précis, indique que « jusqu’à la fin de la guerre, la société a continué de produire des uniformes pour les NSDAP, SA, SS et HJ ; il y a aussi des traces indiquant qu’elle a également livré des uniformes à des officiers de la Wehrmacht et, enfin, qu’elle a continué à produire des vêtements de travail, de sport et de pluie. Que le parti ait été le seul client de l’entreprise, et à partir de quand cela aurait été éventuellement le cas, ne ressort pas clairement des sources.” Donc, tout au plus, des uniformes d’officier, sans doute des tenues de prestige sur demande pour quelques officiers. Je doute que nos Malgré-nous aient endossé de tels uniformes.

  2. P. Lienhart dit :

    Merci pour ce genre d’étude qu’il est important de porter à la connaissance de nos concitoyens et des commentaires tels ceux de M. Sadoun. Beaucoup plus modestement, ne pourriez-vous pas corriger la faute de grammaire / de frappe dans la citation de Jacques Brel ?

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