Le samedi 7 octobre
L’évènement débute par le tournage du film court : Malgré-nous, les questions qui dérangent, produit par l’association « On en parle », et réalisé par Serge Schleiffer ( fils de Malgré-nous ) et nos partenaires l’association Amifilms, mais également avec le soutien notable de M. Michaël Gojon-dit-Martin, patron de Ciné-Régie ( fournisseur strasbourgeois des uniformes de « Il faut sauver le soldat Ryan », comme de dizaines de films historiques ).
Le tournage a été un franc succès. Tant du point de vue technique, que par sa portée en direction du plus large public.
En effet, ces cinq Malgré-nous et leurs familles, projetés au XXI siècle dans les rues de Strasbourg ont immédiatement attiré la curiosité, puis la sympathie des passants.
Le public a donc parfaitement joué son rôle en nous confiant ces souvenirs de famille que nous étions venus chercher, pour qu’ « On en parle »…
Le lundi 9 octobre
Au second jour, Mme Arlette Hasselbach, présidente de l’association AFMD 68, et M. René Saenger ( Légion d’honneur, médaille militaire ) ouvrent la longue série des interventions prévues dans les lycées partenaires au cours de l’année, par le lycée Jean Monnet de Strasbourg.
M. René Walther, professeur d’histoire, nous accueille en nous offrant obligeamment de partager un repas à la cantine, et se passionne dès le premier contact pour ce Malgré-nous « roi de l’évasion ».
Sentiment que partagerons très vite les quelques cinquante élèves de deux classes de terminale qui vont entendre son récit.
Né le 20 février 1924 à BUHL dans la vallée de Guebwiller (Ht.Rhin), M. Saenger s’est en effet évadé à deux reprises…
Une première fois le 20 mai 1942, du camp de Schirmeck où il avait été interné après avoir tenté de passer en Suisse afin d’échapper au RAD et à une incorporation de force qu’il « sentait venir ».
Puis en avril 43, après avoir été incorporé de force dans l’armée allemande.
Au cours de ses aventures, animé d’une farouche volonté de survivre, il échappe de nombreuses fois à la mort se faisant tour à tour passer devant les Russes et les Allemands pour un prisonnier français, un déserteur allemand, ou un civil polonais.
De quoi laisser pantois ces jeunes qui ont aujourd’hui l’âge qu’il avait en ce temps, mais également de provoquer quelques fous rires, car le conteur sait manier l’humour…
Le jeudi 12 octobre
C’est au tour du Lycée Notre Dame d’accueillir un Malgré-nous.
Ainsi, M. Armand Klein, de Jetterswiller, après que son accompagnateur, le colonel Zorn de l’association Pro Patria, ait replacé les faits dans leur contexte historique, va passer une heure à raconter son odyssée à des élèves tout aussi passionnés que leurs camarades de Jean Monnet.
Né en 1924, incorporé de force, sur le Front Russe en 1943, il va servir dans de nombreux régiments, comme la 16 PzGrenDiv, ou le PzgrRgt 60, lors de la Bataille du DNIEPR à Saropdje,
Puis il est gravement blessé sur le Front de Normandie en 1944, et profite de son passage en Belgique pour s’évader, avant de pouvoir enfin rentrer chez lui.
Il fera partie de la délégation des Malgré-Nous invités à Utah-Beach, le 6 juin 2014.
Toutes ces interventions ont bien entendu été filmées et les images serviront tant à la promotion des lycées, qu’à notre communication sur réseaux sociaux.
Le vendredi 13 octobre
Dans le cadre du partenariat que nous avons conclu avec les plus grandes chaînes de restaurants de la ville, mais également avec de nombreux établissements indépendants, nous avons ouvert le premier café d’Histoire à la brasserie-restaurant de la Bourse.
Un public nombreux, avertis par nos réseaux sociaux a suivi avec étonnement l’exposé donné par l’historien Arnaud Gilet, concernant son étude des archives de la Bataille de France, récemment ouvertes aux chercheurs.
Les prochains cafés d’histoire seront donnés en novembre. La programmation détaillée se fera par l’intermédiaire de notre site tout au long de l’année 2018.
Le samedi 14 octobre
Les grands espaces généreusement offerts par la ville de Strasbourg à la Cité de la Musique et de la Danse ont permis de mener à bien le programme que vous connaissez.
Reste donc à décrire la qualité des intervenants en rappelant, pour commencer, le thème de la journée :
Pourquoi 75 ans plus tard, cette incorporation de force et le destin particulier de nos régions demeurent-ils inconnus des « Français de l’Intérieur » et son corollaire : Quel effet psychologique cette désinformation eût-elle sur nos populations et le destin de ces régions ?
A 10 heures, après que M. Jolas représentant la FEFA, un des principaux soutiens de notre association, ait excusé son président M. Mandon, immobilisé par une opération chirurgicale, le docteur Georges Federmann ouvre les débats avec maestria, amenant avec doigté et délicatesse ses témoins Malgré-nous : Mrs Raymond Lutz et René Saenger, a aborder le problème de manière intimiste, soulignant les dégâts toujours provoqués par ce genre d’injustice, non seulement dans nos régions, ou au XXe siècle, mais dans l’histoire du monde.
Il aborde également un thème qui nous est cher : L’absolue nécessité de faire comprendre aux plus jeunes que la qualité du regard posé – par exemple – sur l’émigration des réfugiés dépend essentiellement de la connaissance qu’on a, ou pas, des grands enjeux internationaux, mais également de l’information. Et dans ce cas précis, est-elle formatée ? La presse rend-elle réellement compte de l’ampleur du drame ? Ou, comme pour ce qui concerne celui de l’Alsace et de la Moselle, convient-il de minimiser l’info jusqu’à la rendre inaudible, afin de servir quelque desseins politiques ?
A midi les participants à la conférence se retrouvent devant le buffet généreusement offert par La Maison Adam des Charcutiers d’Alsace, et la brasserie de la Licorne.
Pour les servir, trois volontaires, viticulteurs d’Obernai, qui apportent également, outre toute la logistique nécessaire, quelques-uns des meilleurs crus de leur production.
Puis, une heure plus tard, M. Schleiffer et ses complices d’Amifilm projettent leur film La Chambre douze.
Après cette nouvelle émotion, retour à l’amphithéâtre avec :
A 15 heures la Conférence de l’historien Pierre Accoce qui tient à préciser d’entrée à quel point, bien que Béarnais, il se sent solidaire en tant que frontalier.
Il explique que né sur la frontière pyrénéenne de l’Espagne, et donc témoin privilégié de la Guerre civile qui s’y déroula alors qu’il était encore enfant, il a très vite été sensibilisé par l’injustice dont les réfugiés furent souvent victimes, et bien sûr par la désinformation qui accompagne toute forme de discrimination.
Puis, le grand reporter de guerre qu’il fût nous donne son témoignage quant au ressenti de certains « Français de l’Intérieur » bien informés quant au terrible destin de nos Malgré-nous, leur dégoût profond face à cet abandon, avant d’aborder le sujet qui lui tient à cœur : Les mécanismes de la désinformation tels qu’ils sont toujours mis en œuvre de nos jours, par les plus hauts garants de la version d’Etat.
Et de citer pour illustrer son propos le cas du réseau Roessler et des informations de première importance, corroborées par d’autres réseaux, malheureusement aujourd’hui pratiquement disparues de l’Histoire officielle de la Bataille de France.
Après avoir rappelé qu’il s’était vu décerner les plus hautes distinctions en matière de recherche historique, comme le prix de la Résistance, ou le prix Georges Clémenceau, il s’étonne, comme tous dans l’assistance, de ce que les renseignements de première main contenus dans ses ouvrages, pourtant publiés par les éditeurs les plus prestigieux et traduits en douze langues, aient été été purement et simplement jetés dans les poubelles débordantes des historiens soit disant « spécialisés » de la génération actuelle.
A 16 h 30, nos amis artistes entrent en lice avec « en lever de rideau », Guillaume Deininger, un jeune artiste alsacien qui, dès son entrée en scène, touche le public au cœur avec une chanson composée en souvenir de son grand-père Malgré-nous, puis avec deux chansons directement rattachées au sujet.
A la fin de son récital, Guillaume nous fait part des profonds regrets de son ami Luc Arbogast ( fils de Malgré-nous ) qui, à cause d’un évènement familial grave et inattendu n’a pu se joindre à nous, mais a promis d’être des nôtres lors de la prochaine édition.
Puis c’est au tour de Raymond Schlegel , leader charismatique de Remes sini band, premier groupe de rock alsacien, d’entrer en scène.
Et là, c’est immédiatement les retrouvailles avec un public conquis d’avance : « Yo s’ech de Remes ! » puis une discussion d’une demi-heure sur le travail de mémoire qu’il convient de faire ensemble en direction des jeunes. Un échange, bien sûr, sur le ton gouailleur qui lui est propre, mais qui donne définitivement le ton.
Cette fois, plus personne n’en doute, les Journées de l’Incorporation ont pris leur élan.
Et comme toutes les choses promises à un bel avenir, elles s’appuient sur le peuple.
Sentiment partagé par les jeunes venus des lycées partenaires et leurs professeurs qui, prenant la parole pour clore la partie conférence et débat, émeuvent à nouveau le public en expliquant très simplement, mais, on le sent, avec grande reconnaissance, les sentiments provoqués par les Malgré-nous intervenus dans leur établissement.
Puis retour vers la salle de projection pour visionner Triste secret, un second film de Serge Schleiffer qui là encore rencontre un public ému et ces Journées de l’Incorporation s’achève autour du buffet, où sont venus nous rejoindre quelques élèves de classe de terminale du Gymnase Jean Sturm et du Lycée Jean Monnet, impliqués dès le début du projet par la réalisation du film Malgré-nous, les vérités qui dérangent.
Tous savent maintenant que non seulement les élèves déjà partenaire de cette édition d’octobre auront la possibilité de participer aux prochains films, mais également ceux des autres Lycées partenaires : Fustel, Pontonnier et tant d’autres qui, tout au long de l’année, ouvriront les portes des classes d’histoire à nos Malgré-nous, mais également celles des ateliers cinéma et arts vivants à nos auteurs, comédiens et cinéastes.
Puis l’on débat encore longtemps dans une ambiance chaleureuse, mais également résolue quant aux grandes orientations à donner au cours de l’année à venir.
Enfin, après s’être longtemps attardés autour des tableaux de Mme Yvette Metz, une de nos grandes artistes alsacienne, reconnues internationalement par les plus hautes autorités du monde des arts, et bien sûr membre d’honneur de notre association, les invités quittent la Cité qui nous a accueillis en sachant qu’une page nouvelle vient de s’ouvrir.
Mon impression personnelle
L’idée était de commémorer le départ des premiers Malgré-nous, très exactement soixante-quinze ans plus tard. Premier pari réussi, puisque l’un des tous premiers, M. René Saenger est parti le 14 octobre 1942…
Le second enjeu était de fédérer les artistes autour de notre cause.
Et là encore, ce fut un succès, car non seulement tous les arts étaient représentés et ont activement participé mais, et c’est là que nous avons réellement atteint notre but, l’ont fait spontanément et bénévolement.
Nous noterons d’ailleurs que M.Roger Sieffer, qui avait également proposé de chanter, a dû annuler à cause d’une opération chirurgicale, et que sans la très mauvaise nouvelle parvenue à Luc Arbogast à la veille de son concert, l’auditorium de 500 place aurait été rempli, et le succès de ces journées total.
Le troisième pari était de partager ce nouvel élan avec toutes les associations de M.N.
Et celui-ci fut raté puisqu’aucune association du Bas-Rhin, – excepté les associations : Pro Patria du colonel Zorn et Pèlerinage Tambov, de Mme Dietrich – n’a montré le moindre intérêt pour ces quelques journées. Mieux, elles n’ont tout simplement pas répondu aux diverses invitations et sollicitations.
Je ne ferai pas pour l’instant plus de commentaire sur le sujet, me contentant de faire référence à deux courriers de notre ami Jean Bézard, secrétaire de la S.N.I.F.A.M. (Solidarité Normande aux Incorporés de Force d’Alsace-Moselle), courrier résumant parfaitement le sentiment des associations haut-rhinoises et mosellanes qui elles se sont déplacées et qui, à leur tour, m’ont fait part de leur « étonnement », dirons-nous en termes polis…
Enfin, le quatrième pari était d’avoir le soutien de ceux sans qui aucun projet de cette envergure ne peut se concrétiser. Nous en espérions trois, nous en eûmes deux, mais puissants et résolus : la Ville de Strasbourg et la FEFA.
Sans eux rien n’était possible, et sans le travail de mes correspondants de la Ville : Mme Zimmermann pour le bureau des tournages, et M. Pennetier pour ce qui concerne les spectacles vivants, les choses auraient été beaucoup plus compliquées.
Sans compter le soutien moral du colonel Aziz Méliani qui supervisa l’ensemble.
De plus, M. Tajani, président du Parlement européen nous a proposé son aide active au cours de l’année à venir. J’en reparlerai en temps voulu…
Et bien sûr dans ces soutiens inconditionnels, comment oublier les membres bénévoles de l’association « On en parle » qui réussirent l’exploit de mettre sur pied en deux mois ( à compter du 15 juin 2017, mais avec un « trou » de deux mois pendant les vacances d’été ) à la fois la communication ( site internet, graphisme des affiches et Flyers ), la recherche de partenariat tant au niveau associatif, qu’institutionnel, ou en direction du mécénat d’entreprises, et toute la mise en œuvre pratique du projet.
Gageons donc que, concernant le prochain évènement d’envergure que nous organiserons – début de préparation dès aujourd’hui, 17 octobre – d’autres partenaires institutionnels ou privés auront pu apprécier la détermination dont surent faire preuve tous ceux auxquels je viens d’adresser mes plus vifs remerciements.
En conclusion, nous retiendrons de ces journées avoir assisté non à une cérémonie de clôture, mais à celle d’une ouverture en direction d’un projet bien plus ambitieux encore.
Un évènement qui ralliera bientôt bien plus de participants historiens et artistes.
Ainsi, sans doute, le pari pris ce samedi 14 de remplir l’auditorium lors de la prochaine cession de printemps, mais également de développer encore notre action en montant des pièces de théâtre, d’autres concerts et expositions sera tenu.
A bientôt donc, pour l’édition de mai–juin 2018…
Christian Greiner, « On en parle »