Caux le 18 avril 2010
Monsieur le Président de la République,
Des bruits courent dans la presse indiquant que vous vous rendriez en Alsace le 8 mai prochain pour, nous l’espérons, une journée de commémoration non seulement du 65è anniversaire de la victoire, mais aussi en mémoire des souffrances endurées par nos 130 000 « Malgré-Nous », Alsaciens–Mosellans, dont nos pères parmi les 40 000 morts ou portés disparus restés sans sépulture et les centaines de milliers de membres de leurs familles.
Ces civils, des citoyens restés français, annexés de fait sans aucun traité de paix contrairement à 1871 puisque ratifié par l’Assemblée nationale par 546 voix contre 107, ont été déportés à partir du territoire national et incorporés de force dans l’armée allemande, contre le droit des gens et les conventions internationales interdisant à la puissance occupante d’imposer à ces personnes protégées toute obligation militaire.
L’incorporation de force de masse par les décrets criminels du 25 août 1942 fait suite au fiasco de l’appel aux volontaires, environ 2000, la plupart des Allemands de souche né en Alsace-Moselle avant 1918, revenus dans les valises d’Hitler. Elle n’a été rendu possible que par la prise en otages des familles par la Sippenhaft, une loi tribale allemande imposant de terribles représailles, en cas d’insoumission ou d’évasion de leurs fils.
Le 8 mai 1945, si nos trois départements retrouvaient la liberté et la mère Patrie, des milliers des nôtres agoniseront encore des années durant dans les horribles camps russes et 20 000 orphelins avec leurs mères lutteront pour survivre, ignorés, abandonnés par les deux pays responsables de leurs malheurs.
La Chancellerie allemande à notre demande, reconnaissait au nom de G. SCHRÖDER dans un courrier du 28 juin 2000 (PJ n°1) :
« Il n’y aura pas de trait final et ceci est aussi valable pour les nombreuses victimes de l’oppression nationale-socialiste parmi les Alsaciens, Lorrains enrôlés de force et précipités dans la guerre. »
Pour une mémoire historique apaisée
Puisque l’Allemagne l’a admis il y a plus de 10 ans, la France ne peut indéfiniment s’enferrer dans le déni vis-à-vis d’une province qui reste très attachée à ses valeurs, pour preuve le résultat des dernières élections, expression d’une identité régionale ancrée dans l’identité nationale, malgré les chiffons rouges agités pour faire grimper le vote des extrêmes.
Monsieur le Président de la République, quelle plus belle occasion, pour une mémoire historique apaisée, vos propres termes, de reconnaître enfin officiellement après plus de 65 ans, la tragique destinée « des 40 000 tués ou portés disparus victimes de l’oppression et des persécutions par la barbarie nazie », soit le tiers * des 130 000 incorporés de force, avec leurs conséquences dramatiques sur leurs familles et leurs 20 000 orphelins, dans une province exsangue. (* dix fois plus que les Américains)
Monsieur le Président de la République, si vous pouviez aussi réaffirmer votre soutien pour notre projet d’un MUR des 40 000 NOMS comme vous le fîtes en février 2008 et que Philippe RICHERT s’est engagé à réaliser* (PJ) après avoir qualifié le 11 novembre 2009 devant Mme MERKEL qui n’a pas saisi la perche tendue, « le drame des « Malgré-Nous » comme un des plus poignant de notre histoire commune », nous serions confortés dans notre choix toutes tendances politiques confondues, d’avoir soutenu mordicus, le tout nouveau Président de la Région Alsace très favorable à son édification au Mémorial d’Alsace-Moselle à SCHIRMECK) (* P.J. n° 2, engagement de Philippe RICHERT à l’OPMNAM)
Lieu de recueillement pour les familles et de témoignage pour les générations futures, ce MUR des NOMS rassemblant en terre natale, sous chaque commune, les identités de cette génération sacrifiée, restée sans sépulture, démontrerait du devoir moral et de la reconnaissance par la Nation.
Il est ubuesque et incompréhensible
Il est ubuesque et incompréhensible que l’OPMNAM avec ses membres ont dû déposer plusieurs requêtes auprès de la HALDE, du BUNDESTAG, de Cour Européenne des Droits de l’Homme, des tribunaux administratifs, du Conseil d’Etat, afin que les deux pays CORESPONSABLES de notre situation d’orphelins, se sentent enfin concernés.
Monsieur le Président de la République, vous pouvez réparer les dégâts, mensonges et contre-vérités historiques causés par les propos révisionnistes de votre Premier ministre et de son administration, voulant faire de nos pères des soldats ordinaires, pour justifier notre exclusion des décrets d’indemnisation, écrivant :« votre père décédé lors d’opérations de guerre, le 26 janvier 1945, à Schonwalde, en Prusse orientale » ou « mort aux combats lors d’un état de belligérance ou d’un strict conflit entre Etats », la négation condamnable du crime de guerre de l’incorporation de force.
Pour cela, il faut nous reconnaître les mêmes droits qu’aux autres orphelins de la deuxième guerre mondiale, victimes des persécutions et de la barbarie nazie dont de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité qui méritent réparations par les Etats responsables.
L’Allemagne par son Bundestag regrette, « bedauert » l’incorporation de force , tout en rejetant toutes nos demandes mémorielles comme sa participation financière au Mur des 40 000 Noms et la réparation de nos préjudices.
En 12 années de correspondance, de rejets, d’appels, la Bundesrepublik Deutschland ne reconnait pas le crime de guerre et les crimes contre l’humanité de l’incorporation de force, pourtant imprescriptibles, ce qui nous a conduit à porter plainte par deux fois devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Cette dernière précise que « la RFA est l’Etat successeur du Reich allemand’’ et que « les Orphelins des Malgré-Nous n’eurent pas droit à réparation’’, mais fait état d’indemnisation substantielle versée à la FEFA, qui ne nous concerne pas (lettre ouverte à André-BORD du 12 avril) et à la R.F. en 1960 dont les « Malgré-Nous » ont été exclus.
La France, comme la CEDH, connaissant pourtant cette imprescriptibilité, se refuse, à la grande satisfaction de Berlin, à qualifier les souffrances subies, de crime de guerre et de crimes contre l’humanité.
Dans les deux cas, ce comportement de Ponce –Pilate, est motivé pour des raisons bassement financières, démontrant l’irresponsabilité des dirigeants et des élus de chacun des deux Etats, CORESPONSABLES de notre situation d’Orphelins.
Monsieur le Chef de l’Etat, nous sollicitons l’examen de ce contentieux lors d’un SOMMET FRANCO-ALLEMAND en perspective d’une grande journée de commémoration en Alsace-Moselle pour les 40 000 victimes et d’une définitive réconciliation avec leurs familles et leurs orphelins, que l’OPMNAM compte organiser en 2011, dont nous vous avons entretenu, de même que Mme Angela MERKEL, Horst KÖHLER et Philippe RICHERT le 8 avril 2010.
Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre haute considération.
Le Président de l’OPMNAM, Bernard ERNEWEIN, Orphelin d’un crime de guerre
P.J. n° 1 : Lettre de la Chancellerie allemande du 28 août 2000 et traduction
P.J. n°2 – engagement de Philippe RICHERT pour le MUR des NOMS le 22 sept. 2009