Ques­tion écrite n° 22788 de M. Bruno RETAILLEAU

Commentaire (0) Actualité, Questions écrites, législation et jurisprudence

 

Ques­tion écrite n° 22788 de M. Bruno RETAILLEAU (Vendée – Les Répu­bli­cains) publiée dans le JO Sénat du 14/07/2016 – page 3160

M. Bruno RETAILLEAU attire l’at­ten­tion de M. le secré­taire d’État, auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combat­tants et de la mémoire sur la situa­tion des orphe­lins de pères « malgré-nous ».
Les décrets n° 2000–657 du 13 juillet 2000 insti­tuant une mesure de répa­ra­tion pour les orphe­lins dont les parents ont été victimes de persé­cu­tions anti­sé­mites et n° 2004–751 du 27 juillet 2004 insti­tuant une aide finan­cière en recon­nais­sance des souf­frances endu­rées par les orphe­lins dont les parents ont été victimes d’actes de barba­rie durant la Deuxième Guerre mondiale ont reconnu le drame vécu par certains pupilles de la Nation et ont, à travers eux, consa­cré le souve­nir des victimes des crimes nazis.
Toute­fois, les orphe­lins de pères incor­po­rés de force dans l’ar­mée nazie en sont notam­ment exclus, au motif que ces derniers auraient été les victimes « d’un strict conflit entre États ». Or leur situa­tion n’est en rien compa­rable à celle de soldats mobi­li­sés de manière régu­lière par leur pays.
Étant donné, entre autres, les menaces de repré­sailles ou les repré­sailles effec­ti­ve­ment exer­cées sur eux ou sur leurs familles, les « malgré-nous » appa­raissent bel et bien comme des victimes de la barba­rie nazie.
Dans ce contexte, il lui demande de bien vouloir lui indiquer les inten­tions du Gouver­ne­ment en la matière et les mesures qu’il entend prendre afin d’ac­cor­der aux orphe­lins de pères « malgré-nous » la même recon­nais­sance et le même trai­te­ment que ceux accor­dés aux orphe­lins des autres victimes de la barba­rie nazie.

Réponse du Secré­ta­riat d’État, auprès du minis­tère de la défense, chargé des anciens combat­tants et de la mémoire publiée dans le JO Sénat du 01/09/2016 – page 3728

L’an­nexion de fait de l’Al­sace et de la Moselle par le IIIème Reich a comporté notam­ment l’in­cor­po­ra­tion forcée de jeunes Français dans l’ar­mée alle­mande. Le secré­taire d’État chargé des anciens combat­tants et de la mémoire mesure plei­ne­ment l’éten­due du drame vécu par ces mili­taires et leurs familles au cours de la Seconde Guerre mondiale et souhaite rappe­ler que la France a reconnu leur situa­tion. En effet, l’ar­ticle L. 231 du code des pensions mili­taires d’in­va­li­dité et des victimes de la guerre (CPMIVG) dispose que les anciens mili­taires alsa­ciens et lorrains de la guerre 1939–1945, Français, soit par filia­tion, soit par réin­té­gra­tion, en vertu de la loi du 5 août 1914, soit en exécu­tion du traité de Versailles, béné­fi­cient, ainsi que leurs ayants cause, de la légis­la­tion sur les pensions mili­taires d’in­va­li­dité pour les services accom­plis dans les armées de l’Al­le­magne ou de ses alliés. L’ar­ticle L. 232 du même code précise que ces anciens mili­taires, incor­po­rés de force par voie d’ap­pel, ainsi que leurs ayants cause, ont droit à pension dans les condi­tions fixées par le livre Ier du CPMIVG et, éven­tuel­le­ment, à toutes allo­ca­tions, indem­ni­tés, majo­ra­tions et supplé­ments de majo­ra­tions pour infir­mité résul­tant de bles­sures reçues, d’ac­ci­dents surve­nus, de mala­dies contrac­tées ou aggra­vées par le fait ou à l’oc­ca­sion du service. Ainsi, les orphe­lins des « Malgré-nous » ont pu prétendre à un droit à répa­ra­tion confor­mé­ment aux dispo­si­tions de l’ar­ticle L. 232 du CPMIVG. Par ailleurs, les ayants cause des Alsa­ciens et Mosel­lans réfrac­taires à l’in­cor­po­ra­tion forcée dans l’ar­mée alle­mande ont égale­ment pu se voir accor­der un droit à pension en appli­ca­tion de l’ar­ticle L. 301 du CPMIVG. Il convient d’ajou­ter que tous les orphe­lins de guerre, quel que soit leur âge, sont ressor­tis­sants de l’Of­fice natio­nal des anciens combat­tants et victimes de guerre et peuvent béné­fi­cier, à ce titre, de l’as­sis­tance de cet établis­se­ment public, dispen­sée notam­ment sous la forme d’aides ou de secours en cas de mala­die, absence de ressources ou diffi­cul­tés momen­ta­nées. Cepen­dant, il est souli­gné que l’in­dem­ni­sa­tion mise en place par les décrets n° 2000–657 du 13 juillet 2000 insti­tuant une mesure de répa­ra­tion pour les orphe­lins dont les parents ont été victimes de persé­cu­tions anti­sé­mites et n° 2004–751 du 27 juillet 2004 insti­tuant une aide finan­cière en recon­nais­sance des souf­frances endu­rées par les orphe­lins dont les parents ont été victimes d’actes de barba­rie durant la Deuxième Guerre mondiale est plus parti­cu­liè­re­ment desti­née aux victimes de l’ex­trême barba­rie nazie, qui renvoie à une douleur tout à fait spéci­fique, celle d’avoir perdu un père ou une mère, ou parfois les deux, dans un camp d’ex­ter­mi­na­tion. En effet, c’est fonda­men­ta­le­ment le carac­tère parti­cu­liè­re­ment insou­te­nable d’ex­trême barba­rie nazie propre à ces dispa­ri­tions spéci­fiques à la Seconde Guerre mondiale, le trau­ma­tisme dépas­sant le strict cadre d’un conflit entre États, qui est à l’ori­gine de ce dispo­si­tif réservé aux enfants dont les parents, résis­tants ou ayant fait l’objet de persé­cu­tions anti­sé­mites ou raciales, sont décé­dés en dépor­ta­tion ou ont été exécu­tés dans les circons­tances défi­nies aux articles L. 274 et L. 290 du CPMIVG. Ce dispo­si­tif doit rester fidèle à sa justi­fi­ca­tion essen­tielle qui est de consa­crer solen­nel­le­ment le souve­nir des victimes de la barba­rie nazie, à travers leurs enfants mineurs au moment des faits. C’est pourquoi le Gouver­ne­ment a décidé de main­te­nir cette spéci­fi­cité pour ne pas porter atteinte à la cohé­rence de ces décrets. Au-delà de cette analyse, il a été constaté que l’exa­men de plusieurs dossiers a laissé appa­raître la diffi­culté d’ap­pliquer des critères stricts permet­tant de distin­guer des situa­tions extrê­me­ment proches. La mise en ouvre de ces critères doit donc s’opé­rer de manière éclai­rée, afin de donner aux deux décrets leur pleine portée, dans le respect de leur ambi­tion initiale d’in­dem­ni­ser la souf­france des orphe­lins dont les parents ont été frap­pés par cette barba­rie. Aussi, le Gouver­ne­ment s’est engagé en faveur d’un réexa­men au cas par cas des dossiers en cause, afin de garan­tir une égalité de trai­te­ment, tout en confir­mant la néces­sité de préser­ver le carac­tère spéci­fique de cette indem­ni­sa­tion dont l’ex­ten­sion à tous les orphe­lins de guerre ne saurait être envi­sa­gée. C’est ainsi que, en appli­ca­tion des conclu­sions de la commis­sion natio­nale de concer­ta­tion mise en place en 2009 à la suite du rapport du préfet hono­raire Jean-Yves AUDOUIN, 663 dossiers ont été réexa­mi­nés dont 200 ont trouvé une issue favo­rable.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *