Question écrite n° 1986 de Monsieur le Député Emmanuel FERNANDES (La France insoumise – Nouvelle Union Populaire écologique et sociale – Bas-Rhin)
publiée au JO le 11/10/2022 page 4483
Réponse publiée au JO le 31/01/2023 page 890
Texte de la question
Monsieur Emmanuel FERNANDES appelle l’attention de Mme la secrétaire d’État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire, sur la situation des orphelins des incorporés de force de la Seconde Guerre mondiale, ou « Malgré-Nous » et « Malgré-Elles » . Comme rappelé en commission de la défense et des forces armées lors d’une audition le 4 octobre 2022, 80 ans après la guerre, ce sujet ravive une plaie profonde que l’on porte malgré soi quand on vient, comme c’est le cas de M. le député, de Moselle ou d’Alsace. Les incorporés de force moururent par dizaines de milliers, principalement sur le front de l’Est, laissant des milliers d’orphelins. Une partie d’entre eux, sans pouvoir en estimer précisément le nombre, se dressèrent contre les Allemands ; en effet, les rébellions en caserne ou sur le champ de bataille furent fréquentes. Nombre d’incorporés de force furent également emprisonnés par les Russes, incarcérés dans des camps comme Tambov et Kirsanov, dans des conditions épouvantables, dont beaucoup ne revinrent jamais. Ainsi, des orphelins de guerre (dont survivent aujourd’hui quelques centaines) sont pupilles de la Nation mais non bénéficiaires des indemnisations prévues par les décrets n° 2000–657 du 13 juillet 2000 et 2004–751 du 27 juillet 2004. M. le député souhaite connaître les éléments qui justifient cette injustice. Il lui demande si, comme elle le laissait entrevoir dans sa réponse lors de l’audition précitée, elle envisage d’œuvrer pour une reconnaissance et une indemnisation de l’ensemble des orphelins de guerre dont le parent a été incorporé de force pendant la Seconde Guerre mondiale.
Texte de la réponse
Concernant l’élargissement, en faveur des enfants de « Malgré-nous », des dispositions du décret n° 2004–751 du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d’actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale, il convient de rappeler que l’indemnisation mise en place par ce décret est plus particulièrement destinée aux victimes de la barbarie nazie. Cette dernière renvoie à une douleur tout à fait spécifique, celle d’avoir notamment perdu un père ou une mère, ou parfois les deux, dans un camp d’extermination. C’est en effet le caractère hors normes d’extrême barbarie propre à ces disparitions spécifiques à la Seconde Guerre mondiale, le traumatisme dépassant le strict cadre d’un conflit entre États, ainsi que la complicité du régime de Vichy, comme l’a rappelé le Président de la République, qui est à l’origine de ce dispositif réservé aux enfants dont les parents, résistants, sont décédés en déportation ou ont été exécutés dans les circonstances définies aux articles L. 342–3 et L. 343–5 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG). Ce dispositif, qui traduit une certaine responsabilité de l’État français, doit rester fidèle à sa justification essentielle qui est de consacrer solennellement le souvenir des victimes de la barbarie nazie, à travers leurs enfants mineurs au moment des faits. Néanmoins, la France a reconnu la situation des « Malgré-nous ». Ceux d’entre eux qui ont perdu la vie ont été reconnus comme morts pour la France dès la fin de la guerre. Leurs orphelins ont pu prétendre à un droit à réparation conformément aux dispositions de l’article L. 123–16 du CPMIVG. En outre, tous les orphelins de guerre et pupilles de la Nation, quel que soit leur âge, sont ressortissants de l’Office national des combattants et victimes de guerre et peuvent bénéficier, à ce titre, de l’assistance de cet établissement public, dispensée notamment sous la forme d’aides ou de secours en cas de maladie, absence de ressources ou difficultés momentanées. Enfin, le projet de loi de finances pour 2023 prévoit que le Gouvernement remette un rapport, dans les six mois suivant la promulgation de la loi de finances initiale, sur les conditions dans lesquelles l’État, au travers de son opérateur, l’Office national des combattants et victimes de guerre, assure le dénombrement et le soutien des pupilles de la Nation et orphelins de guerre. En outre, l’amendement N° II-565 adopté par le Sénat le 25 novembre 2022, prévoit que, compte tenu de la situation particulière des orphelins des Alsaciens et des Mosellans engagés de force par le régime de l’Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale, un chapitre de ce rapport leur soit consacré. Une réflexion sur les suites à donner à ce rapport pourra alors s’engager.