En août 1945, l’Association des Internés et Déportés Politiques d’Alsace (AIDPA) rédige un rapport, intitulé Questions alsaciennes, pour un retour rapide et total de l’Alsace à la France.
Daté d’août 1945, ce rapport, intitulé Questions alsaciennes, comprend des propositions sur diverses questions urgentes d’ordre politique (épuration et assimilation à la France), économique et social (enseignement, police, prisonniers de guerre…). Ces propositions doivent permettre « la réadaptation [des Alsaciens] à la vie française » (p.1), car « la lutte contre la France en Alsace a déjà commencé » (p. 113).
L’auteur principal est René Mengus, en tant que président de la commission d’enquête de l’Association des Internés et Déportés Politiques d’Alsace (AIDPA). Il a été secondé par Y. Bouchard, président de l’AIDPA, et par Robert Heitz, président de la section du Bas-Rhin.
Robert Heitz, membre du réseau de résistance Bareiss, a été arrêté avec ses camarades une première fois le 22 mai 1942, puis le 8 septembre 1942. Condamnés à mort par le Reichskriegsgericht le 10 mars 1943, de nombreuses interventions en leur faveur, du gouvernement de Vichy jusqu’à la chancellerie du Reich, ont fait que Hitler a fait suspendre, le 15 août 1943, l’exécution de la sentence. Condamné aux travaux forcés, Robert Heitz a été emprisonné à Kehl, avant d’être transféré à la prison de Wolfach (voir Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne).
René Mengus a été condamné à mort, le 16 juillet 1943, par le Volksgerichtshof, avec Alphonse Adam, Robert Kiefer, Joseph Seger, Pierre Tschaen, Charles Schneider, Robert Meyer, Georges Werlé, Robert Husser et Albert Dennu. Ils ont été accusés de haute trahison, d’activisme contre le Reich et ses soldats, d’aide aux prisonniers de guerre. Contrairement aux membres du groupe Adam, René Mengus n’a pas été exécuté. Il a été interné dans la Festungshaftanstalt de Landsberg am Lech. Il n’a survécu que relativement peu de temps après sa libération par les troupes alliées.
Le journal du Rhin du 22.12.1945 relate que, lors de la création de la section bas-rhinoise de l’Association Nationale des Familles des Fusillés et Massacrés, René Mengus a fait scandale en proclamant que « L’Alsace n’est pas française » et que « la population de l’Alsace Bossue, par exemple, est composée de 90% de Boches et, au grand maximum, de 10% de Français ».
Ce thème des « villages allemands » est traité dans le rapport Questions alsaciennes (en particulier dans l’annexe n°2, p. 108–113). Sont particulièrement concernés par cette appellation l’arrondissement de Saverne, les cantons de Sarre-Union, Drulingen et de La Petite-Pierre (soit l’Alsace Bossue), mais aussi ceux de Bouxwiller, Niederbronn-les-Bains, Woerth, Soultz-sous-Forêts, Wissembourg, Bischwiller, Brumath et de Wasselonne. Les rapporteurs préconisent d’y « prendre des mesures totales et rapides ». L’une d’elles est tout simplement de transplanter les populations concernées vers l’intérieur de la France !
NM
Pour une analyse critique de ce rapport, voir G. Andres, Histoire de l’Epuration en Alsace-Lorraine, Colmar, 2006, p. 161–173.