Documents transmis par Serge AMORICH, délégué national de l’Association des anciens incorporés de force dans le RAD et KHD d’Alsace et de Moselle :
Question écrite n° 26750 de Monsieur le Sénateur Jean Louis MASSON (Moselle – NI) publiée dans le JO Sénat du 17/02/2022 – page 840
Monsieur Jean Louis MASSON attire l’attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants sur le fait que pendant la Seconde guerre mondiale, le Luxembourg ainsi que les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, ont été annexés à l’Allemagne. Au cours de cette période, les personnes hostiles à l’Allemagne, ont été transférées dans des camps spéciaux situés dans l’Est de l’Europe, les autorités allemandes évoquant ces mesures répressives sous le nom de « Umsiedlung ». Au Luxembourg, les citoyens transplantés de force vers les régions orientales du Reich sont considérés comme « déportés politiques ». Par contre en France, ce statut leur est refusé et les pouvoirs publics se sont contentés de créer un titre restrictif de patriote résistant à l’occupation (PRO). À juste titre, les PRO ne comprennent pas qu’il y ait une telle différence de traitement entre la reconnaissance d’une même situation, d’une part pour les Luxembourgeois et d’autre part pour les Mosellans. Il lui demande si dans un but d’équité, un alignement réglementaire est envisagé pour les PRO.
Réponse du Ministère auprès de la ministre des armées – Mémoire et anciens combattants publiée dans le JO Sénat du 05/05/2022 – page 2553
Institué par le décret n° 54–1304 du 27 décembre 1954 et validé par la loi n° 62–873 du 31 juillet 1962, le titre de patriote résistant à l’Occupation (PRO) est codifié aux articles L. 343–9 à L. 343–11 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG). Ainsi que le précise l’article L. 343–9 de ce code, ce titre est « attribué aux Français originaires du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle qui, en raison de leur attachement notoire à la France, ont été arrêtés et contraints par l’ennemi de quitter le territoire national pour être incarcérés en camps spéciaux en pays ennemi ou en territoire étranger occupé par l’ennemi, sous la condition que la période contrainte ait duré trois mois au moins ». Conformément aux dispositions des articles L. 113–3, L. 124–4, L. 124–22 à L. 124–25 et L. 132–6 du même code, les personnes en possession de ce titre bénéficient d’un droit à pension de victime civile de guerre, ainsi que, pour la prise en compte de certaines infirmités, des règles d’imputabilité prévues par les dispositions intégrées au guide-barème pris pour la classification des infirmités et maladies contractées pendant l’internement ou la déportation, annexé au CPMIVG. Ce titre se différencie des qualités de déporté politique et d’interné politique, instituées par la loi n° 48–1404 du 9 septembre 1948 définissant le droit et le statut des déportés et internés politiques, dont les dispositions ont été codifiées aux articles L. 343–1 à L. 343–8 du CPMIVG. Cette différenciation des droits à réparation des victimes de la Seconde Guerre mondiale, établie après la Libération, est fondée sur des recherches historiques dont les résultats ont amené le législateur à mettre en évidence plusieurs catégories de victimes du système nazi. En effet, si les souffrances endurées par les PRO ne sont en aucune façon contestables, elles ne peuvent être assimilées à celles vécues par les déportés politiques, qui étaient exposés dans les camps de concentration à de multiples facteurs d’épuisement les conduisant à une mort lente. C’est la raison pour laquelle la réglementation en vigueur distingue, selon leur nature, les camps dans lesquels les PRO et les déportés politiques ont été respectivement internés. A cet égard, le Conseil constitutionnel considère, selon une jurisprudence constante et sur le fondement de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, que « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit » [1]. En outre, le Conseil d’État a jugé que n’étaient pas entachées d’une discrimination illégale des dispositions instituant une différence de traitement entre les ayants droit de déportés ou d’internés politiques au sens du CPMIVG ayant trouvé la mort à cette occasion durant la période de l’Occupation et, notamment, ceux de personnes détenues à d’autres titres et décédées en détention, « compte tenu de la nature des crimes commis à l’égard » des premiers[2]. En conséquence, la demande d’harmonisation des dispositions réglementaires françaises et luxembourgeoises, qui impliquerait une modification du statut actuel des PRO, ne peut être envisagée. Enfin, il est précisé que les PRO qui remplissent les conditions requises peuvent obtenir les titres de déporté, d’interné résistant, de combattant volontaire de la Résistance, de déporté politique, d’interné politique et de réfractaire.
[1] Décision n° 87–232 DC du 7 janvier 1988, Loi relative à la mutualisation de la Caisse nationale de crédit agricole
[2] Conseil d’État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 26 novembre 2007, n° 272704
Les deux décisions citées dans la réponse ministérielle :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1988/87232DC.htm
https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000018007563