Cette réunion s’est faite grâce à l’initiative de notre ami Fernand Hertrich. La municipalité d’Erstein a bien voulu mettre à la disposition de l’association cette très belle salle du Conseil Municipal ; qu’elle en soit remerciée par ces lignes !
Fernand Hertrich souhaite la bienvenue à tous ; la salle s’est remplie : le sort des Malgré-Nous et de leurs sépultures reste un sujet de questionnement pour beaucoup de gens et cette réunion ne parait pas vaine.
Etaient présents pour animer les débats :
-Madame Marlène Dietrich, présidente de l’association Pèlerinage Tambov
-Monsieur Charles Criqui, secrétaire de cette association
-Monsieur Alphonse Troestler, « Monsieur Mémoire » du Conseil Général
-Monsieur Claude Hérold, chercheur bénévole dans les listes des archives russes, allemandes, autrichiennes, suisses et polonaises pour retrouver le cheminement de certains Malgré- Nous
-Monsieur Robert Lorentz, membre de la société d’histoire du Kochersberg
-Monsieur Régis Baty, historien, auteur de plusieurs ouvrages sur les Malgré-Nous.
Monsieur le maire d’Erstein souligne l’importance du devoir de mémoire, du rappel régulier de notre histoire ; mais aussi l’importance de créer des liens entre les pays, entre les jeunes et les moins jeunes de chaque nation afin que, par delà le deuil et la guerre, on puisse arriver peu à peu à se rencontrer, à échanger, à se
connaître.
Il rappelle que la ville d’Erstein s’est impliquée dans ce grand projet en finançant le séjour d’une jeune Ersteinoise à Tambov.
Madame Marlène Dietrich rappelle rapidement la création de l’association « Pèlerinage Tambov »en 1995 par des anciens prisonniers ; le voyage vers l’ancien camp 188 a lieu tous les deux ans. Les pèlerins sont des anciens détenus, des orphelins de guerre ou des amateurs d’histoire.
Un rapide programme est communiqué à l’assistance.
La présidente remercie les jeunes Français, Allemands, Russes qui entretiennent les tombes avant l’arrivée des pèlerins et insiste sur les rencontres lourdes de signification de ces jeunes, sur l’utilité des retrouvailles régulières, sur les amitiés nées de ces voyages.
Elle rappelle les évènements marquants récents :
En 2010, les pèlerins ont été invités pour la première fois à Morchansk ; cette visite a été imprégnée d’émotion !
Et un nouveau cimetière a été découvert et défriché dans la forêt de Rada : le cimetière n°7, où son propre papa est enterré !
Grâce au Conseil Général, les maires de Kirsanov et de Morchansk ont pu être reçus pour l’inauguration de l’exposition de Schirmeck et pour une petite visite de l’Alsace
En octobre 2011, des jeunes Russes et des jeunes Allemands seront au centre Albert Schweitzer de Niederbronn ; ils feront connaissance de l’Alsace en compagnie de jeunes de chez nous.
Monsieur Troestler félicite l’association de permettre aux familles de se retrouver sur les lieux d’inhumation de leurs proches ; c’est un apaisement d’avoir un lieu de recueillement et une manière de lutter contre l’oubli de leur sacrifice. Il souligne les liens d’amitié qui, maintenant, dépassent le drame.
Il nous communique aussi un historique rapide :
jusqu’en 1990, les relations avec l’Union Soviétique sont difficiles.
à la fin de 1990, grâce à la Glasnost de Mikhaïl Gorbatchev, un premier voyage dans la forêt de Rada est possible.
en 1994, des photocopies d’archives sont faites
en 1993, la décision de la construction d’un mémorial est prise ; il est inauguré en 1998.
en 2007, l’intégralité des archives russes est en France ; celles-ci sont numérisées jusqu’en 2010. Ces listes sont consultables par tous, sur demande.
M.Troestler souligne enfin le travail de M. Baty et de M. Hérold : les recherches sont laborieuses, les listes difficilement exploitables.
Monsieur Criqui rappelle que la mise à jour du Cimetière n°7 s’est faite grâce à M. Valéry, historien russe de Tambov ; cette nécropole comporte 55 fosses communes. Ce chiffre correspond aux listes établies par M. Baty en 1998.
Des sous-verres ont été créés : on peut voir la photo de la fosse, les noms de ceux qui y sont inhumés. Le parrainage de ces « mini murs des noms » est de 10 Euros.
M.Criqui évoque un projet du Conseil Général : contacter les mairies d’Alsace pour mettre à jour les listes des Malgré-Nous en corrigeant les anciennes listes datant de 1946 et en comptabilisant les non-revenus, les retours tardifs…M. Troestler confirme, mais en précisant que les listes doivent être bien préparées pour ne pas représenter une charge de travail insupportable pour les mairies.
Il souligne l’intervention des sociétés d’histoire dont les enquêtes complètent les recherches des mairies.
Monsieur le maire de Hindisheim, présent lors des débats, et qui se qualifie plaisamment de « Hargelloffener », affirme que chaque maire aura à cœur de veiller à la bonne exécution de ce travail.
Monsieur Baty confirme ce que chaque intervenant avait évoqué : l’extrême complexité des recherches :
-il existe des listes par ordre alphabétique et d’autres par ordre chronologique de décès : il faut les comparer.
-il y a des listes en France, des listes de la Croix Rouge, d’autres issues des archives russes : là aussi, des recoupements sont nécessaires.
-les listes sont entachées d’erreurs dans l’orthographe des noms : la transcription phonétique en cyrillique, puis encore une fois en caractères latins est une source d’erreurs.
-les noms des Alsaciens morts dans d’autres camps que Tambov sont notés sous « Allemand » : il faut donc rechercher leur commune de naissance ou d’habitation.
-il y a le problème de l’homonymie : 13000 Muller ont été répertoriés !
-on estime que 35 à 40% des morts sont décédés sur les chemins de la captivité et ne sont pas forcément sur une liste.
Chaque soldat possède un dossier personnel avec une signature : ces dossiers sont en Russie, mais parce qu’ils sont personnels, ils sont considérés comme confidentiels et ne seront pas remis à une instance officielle. Aux familles, peut être ! Il y en a des milliers !
Un auditeur soulève la question des liens entre le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la Moselle pour un travail commun : Monsieur Troestler parle de démarches propres à chaque département, mais de résultats croisés. La tâche est immense : il ne faut oublier personne : victimes militaires, civiles, de la Shoah, déportés…En Moselle germe le projet d’un mur des noms incluant la guerre de 1870 et les deux guerres mondiales. Monsieur le maire de Hindisheim nous fait part d’une initiative propre à son village : une stèle avec 14 noms près du monument aux morts.
Monsieur Hertrich s’associe à tous les membres de Pèlerinage Tambov pour lancer un appel à des jeunes volontaires qui souhaiteraient aller en Russie l’an prochain pour l’entretien des tombes ; il rappelle aussi qu’il reste des possibilités de places pour quelques jeunes en octobre à Niederbronn.
Monsieur Criqui nous présente un « ancien « des équipes de jeunes : Frédéric Stroh qui a créé une association de « Malgré- Eux » rassemblant des incorporés de force de toute l’Europe.
Des spectateurs affluent à la table des animateurs ; certains ont des lettres, des papiers : il y a encore beaucoup de gens à la recherche d’un père, d’un père, d’un disparu…