Mon grand-père, Charles SCHETTLER (pour la Wehrmacht Karl August Schettler), né le 09/05/15 à Strasbourg, est enrôlé de force en août 1941, arraché à sa femme et ses trois enfants (dont ma mère) qui seront gardés en otages en résidence forcée pour prévenir sa désertion. Enrôlé en tant que sergent, car il venait de passer 3 ans sous les drapeaux dans l’armée française, il sera désigné comme LWH (Luftwaffenhelfer) dans les trains à destination du front russe et affecté à l’artillerie antiaérienne roulante. Il sera capturé en août 42 par les Russes et fera partie des prisonniers de Tambov après avoir été patrouilleur désigné sur la ligne de front. D’après son témoignage, il a survécu lors d’une évasion collective de plus de 300 prisonniers dont deux seulement, dont lui, réussiront à survivre pour aller, au bout de plusieurs semaines de cavale, en Suède où il patientera pour faire croire à la Wehrmacht qu’il était bel et bien disparu afin que sa famille soit épargnée. Ma grand-mère et ses enfants seront, fin 44, amenés en résidence près du camp alsacien du Struthof comme d’autres familles de Malgré-Nous, ce que ma mère m’a confirmé.
Mon grand-père reviendra au cours de l’année 1945, retrouvera sa famille, mais aura dans l’immédiate après-guerre de grandes difficultés, tant administratives que morales, à faire valoir sa nationalité française et son parcours comme incorporé de force patriote. En effet, étant né en 1915 sous régime allemand, il aura beau faire valoir que de 1936 à 1939 l’état français lui a fait faire son service militaire, il ne pourra avoir gain de cause que des années plus tard, d’autant plus que son père, mon arrière grand-père, était effectivement d’origine allemande, et son beau-père, mon autre arrière-grand-père, d’origine hongroise.
Mon grand-père m’a raconté qu’en dehors des conditions de guerre et de détention, le plus dur pour lui et ses camarades a toujours été d’avoir été considérés comme rejetés, sales Français dans la Wehrmacht, sales allemands pour les Russes, et Alsaciens douteux après la Libération.
Il avait pourtant, à l’âge de 18 ans, sauvé de la noyade une famille de 3 personnes dans le Rhin et eu l’insigne honneur d’être décoré de la médaille de la fondation Carnegie pour courage et héroisme exceptionnel, acte héroique dont les journaux de l’époque ont la trace, et j’ai encore la médaille de mon grand père, celle à laquelle il tenait bien plus que tous ses actes de guerre, pour le citer.
Charles SCHETTLER est décédé en mars 2008 à Strasbourg-Neudorf, à l’âge de 93 ans, après avoir passé l’après-guerre au quartier du Wacken avec sa famille, puis au quartier de la Montagne Verte jusqu’en 2005.
Dominique Recht