Un survi­vant d’Ora­dour-sur-Glane blan­chi en cassa­tion

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Mis à jour le 16.10.13 à 20h22

Pour­suivi pour avoir émis un doute sur le carac­tère forcé de l’en­rô­le­ment des treize Malgré-Nous alsa­ciens ayant pris part le 10 juin 1944 au massacre d’Ora­dour-sur-Glane (Haute-Vienne), dont il est l’un des rares survi­vants, Robert Hebras a fina­le­ment été blan­chi par la justice.

La Cour de cassa­tion a en effet annulé mercredi l’ar­rêt de la cour d’ap­pel de Colmar (Haut-Rhin) le condam­nant à verser un euro de dommages et inté­rêts et 10.000 euros au titre des frais de justice à deux asso­cia­tions de Malgré-Nous alsa­ciens.

Dans son livre « Oradour-sur-Glane, le drame heure par heure », publié pour la première fois en 1992, Robert Hebras, 88 ans, écri­vait notam­ment que, « parmi les hommes de main, il y avait quelques Alsa­ciens enrô­lés soi-disant de force dans les unités SS ».

Il avait nuancé ce propos dans les éditions suivantes, mais en 2008–2009, un nouveau tirage à l’ini­tia­tive de son éditeur avait repris la première version, entraî­nant la plainte en diffa­ma­tion des deux asso­cia­tions.

Débou­tées en première instance à Stras­bourg en octobre 2010, elles avaient obtenu gain de cause en appel.

René Gall, 87 ans, le président délé­gué de l’as­so­cia­tion des évadés et incor­po­rés de force (ADEIF), une des plai­gnantes, s’est dit « abasourdi » par cette déci­sion de la Cour de cassa­tion « alors qu’il nous a outra­gés ».

Dans son arrêt, la 1ère chambre civile de la Cour de cassa­tion a estimé que les propos liti­gieux, « s’ils ont pu heur­ter, choquer ou inquié­ter les asso­cia­tions deman­de­resses, ne faisaient qu’ex­pri­mer un doute sur une ques­tion histo­rique objet de polé­mique, de sorte qu’ils ne dépas­saient pas les limites de la liberté d’ex­pres­sion ».

Robert Hebras s’est dit « heureux » car il ne s’at­ten­dait « pas à autant », la Cour de cassa­tion ayant décidé de ne pas ordon­ner le renvoi du dossier devant une autre cour d’ap­pel. « Je suis aussi heureux pour les victimes car c’était ma condam­na­tion mais c’était aussi la leur », a-t-il ajouté, remer­ciant aussi son comité de soutien qui l’a convaincu de se pour­voir en cassa­tion et l’y a aidé finan­ciè­re­ment alors qu’il se sentait « fati­gué ». « Main­te­nant ce chapitre est clos », a-t-il dit mercredi soir, entouré de ses soutiens.

La co-fonda­trice de ce comité « Justice pour Robert Hebras », Berna­dette Malin­vaud, a fait part d’un « immense soula­ge­ment » car, selon elle, M. Hebras « avait été extrê­me­ment blessé par cette condam­na­tion ».

‘C’est le travail de mémoire qu’il faut faire’

« Cela va dans le sens de l’apai­se­ment », a commenté le président de l’as­so­cia­tion natio­nale des familles de martyrs d’Ora­dour-sur-Glane, Claude Milord.

Pour M. Milord, cette déci­sion est « la recon­nais­sance de la parole des témoins » et « réaf­firme la liberté d’ex­pres­sion, même si tout le monde savait » que le problème « était dû à une erreur de l’édi­teur ».

Il a regretté le procès intenté à M. Hebras « quand on sait tous ses efforts pour la récon­ci­lia­tion ».

« Main­te­nant ce qui est impor­tant pour tout le monde c’est le travail de mémoire qu’il faut faire », a réagi le président de l’as­so­cia­tion des Orphe­lins de Pères « Malgré Nous » d’Al­sace Moselle (OPMNAM), Gérard Michel, appe­lant à un rappro­che­ment de ces Orphe­lins et des descen­dants de victimes de la tragé­die du 10 juin 1944.

« Mon père a été envoyé au front dans les tout derniers jours de la guerre, alors que ma mère était enceinte de moi. Il n’avait pas le choix, sinon c’était la Gestapo pour la famille. Dire que c’étaient des volon­taires c’est scan­da­leux », a-t-il toute­fois souli­gné.

« Cette déci­sion (…) contri­bue à renfor­cer la liberté d’ex­pres­sion dans notre pays », a réagi dans un commu­niqué l’avo­cate de M. Hebras devant la Cour de cassa­tion, Me Françoise Thouin-Palat.

Le massacre d’Ora­dour-sur-Glane, perpé­tré par une compa­gnie de la divi­sion SS Das Reich, fit 642 morts, dont 247 enfants.

Robert Hébras était apparu lors de la visite d’Ora­dour par les prési­dents français François Hollande et alle­mand Joachim Gauck, le 4 septembre, une première pour un président alle­mand. Il avait saisi leurs mains pendant la visite de l’église où furent assas­si­nés la plupart des femmes et des enfants, un symbole rappe­lant le geste de récon­ci­lia­tion réalisé par François Mitter­rand et Helmut Kohl en 1984 à Verdun.

© 2013 AFP

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