Un musée moderne pour une guerre oubliée, celle de 1870, prélude à l’annexion de l’Alsace et de la Moselle jusqu’en 1918 puis de l’annexion par les nazis de 1940–1945. Une approche historique résolument européenne pour l’histoire d’une défaite française et d’une victoire prusso-allemande. Une architecture surprenante, avec ses façades en métal patiné et ses grandes baies ouvertes sur la nature environnante. Pour aller voir cette nouveauté, il faut aller à Gravelotte, près de Metz.
Jeudi 17 avril, les visiteurs sont surpris de voir de curieux personnages en train de fraterniser, certains arborant un casque à pointe noir et or, d’autres de flamboyants pantalons rouges…Des figurants français et allemands pour animer un lieu de mémoire national et franco-allemand, réanimé avec réussite. « Ce lieu saura, je l’espère, faire mieux connaître cette histoire multiforme, riche et subtile et se fera fort d’abolir toutes sortes de poncifs réducteurs et dévalorisants sur la période. Je souhaite que la connaissance de cette histoire nous éclaire sur les doutes de notre temps, à commencer par ceux qui se font jour au sein de notre si précieuse Europe. Car le musée se doit d’incarner avant toute chose une contribution à l’idéal de paix et de réconciliation perpétuelles. » espère Patrick Weiten, président du Conseil général de Moselle qui évoqua les annexions obligeant les fils de ce département et d’autres « à porter un uniforme qui n’était pas le leur ». François Roth, professeur émérite d’histoire contemporaine à l’Université de Lorraine et président du comité scientifique de ce musée explique: « Depuis 1870–1871, presque un siècle et demi, 144 ans exactement, s’est écoulé. Les derniers anciens combattants et témoins ont disparu dans les années 1930. Dans la mémoire collective, la mémoire de cette guerre s’est progressivement effacée…Les programmes scolaires mettent l’accent sur les deux grandes guerres du XXe siècle » Aujourd’hui, il est possible de reconnaître les erreurs commises par la France, sur le terrain diplomatique et militaire, avec une insuffisance du haut commandement: « Cette guerre aurait pu être évitée si Napoléon III avait agi avec plus de finesse et d’habileté pour ne pas tomber dans le piège tendu par Bismarck. C’est lui le vrai responsable, l’homme qui avait préparé la guerre de 1870 et l’avait jugé indispensable pour réaliser son projet politique, la fondation de l’Empire allemand. » Au prix humain, pour ces affrontement qui durèrent six mois de la vie de 300 000 hommes, morts sur le champ de bataille ou par la suite de maladies infectieuses, en plus des victimes civiles notamment lors du siège de Strasbourg…
Objets militaires, tableaux, photos objets du quotidien et ressources multimédia…
Dommage pour la Moselle mais aucun ministre n’était présent pour l’inauguration du seul musée évoquant donc la première annexion de l’Alsace Lorraine, alors même que « la guerre de 1870 fut l’élément déclencheur des bouleversements du XXème siècle » selon la directrice des musées de France. Guy Dominique Kennel, président du conseil général du Bas-Rhin, était là, comme Julius Georg Luy, représentant permanent de l’Allemagne auprès du Conseil de l’Europe. Tous deux ont découvert à quel point ce musée n’est « pas conventionnel » , une expression de Michel Torloting, maire de Gravelotte. Une petite commune meurtrie par les combats et où fut érigé dès 1874 le Kriegsmuseum, musée de la guerre devenu communal puis départemental. La belle Halle du Souvenir fut construite en 1905 avec ses monuments funéraires et son romantique cimetière militaire. Depuis longtemps, le Conseil général de Moselle réfléchissait à un nouveau projet et procéda à de nouvelles acquisitions. Il favorisa aussi les dépôts d’autres musées, celui d’Halberstadt (Allemagne), du musée Faller (Mars la Tour) et d’autres musées de Paris ou d’ailleurs.
Ainsi enrichi, le nouveau musée de Gravelotte (coût total 12 millions d’€ ) donne à voir de surprenants documents: photographies, manuscrits, estampes, armes, équipements militaires français et allemands, témoignages audiovisuels ainsi que de superbes tableaux d’artistes français et allemands. Important aussi: le visiteur découvre l’exposition de 900 m2 et avec les plus grandes facilités d’accès. Le premier niveau est accessible sans aucun effort; les cartels très lisibles sont rédigés en français et allemand, avec un résumé en anglais. Quant au « Mur des noms » devant recenser dans la pierre les noms des 26 000 victimes militaires de Moselle de 1870 à nos jours, il est devenu…la « Colonne de la mémoire », un outil numérique à l’entrée du musée, « plus adapté pour les actualisations et pour les recherches des visiteurs » assure-t-on alors que la presse évoque une économie de 2,5 millions d’€. L’essentiel est que le nom de cette commune du Parc Naturel Régional de Lorraine résonne désormais au delà du vieux dicton (ça tombe comme à Gravelotte!) comparant la pluie à la mitraille, ». Le tourisme mosellan devrait en profiter…
Marie Goerg-Lieby
Y aller? Le musée est situé 11, rue de Metz à Gravelotte, le long de la route départementale, sur l’axe Metz-Verdun, à proximité des sorties d’autoroute A4 et A31. Parking aisé à côté de la Halle du Souvenir, presque en face du musée. Ouvert jusqu’au 15 novembre sauf le lundi, de 10h à 12h et de 14h à 18h. Entrée, 5 €, gratuité pour les moins de 16 ans.
* http://www.mosellepassion.fr/index.php/espace-presse/21-presse/263-article-presse-guerre
* Photos de la « Colonne de la Mémoire » par Jean-Claude Liska-Tosi envoyées avec son commentaire :
J’ai visité ce lieu le lendemain de l’inauguration et je me suis retrouvé debout devant ce panneau sans aucune émotion. Je trouve cela bien triste ! Peut-être que les générations suivantes apprécieront, mais pour l’instant pas moi !