
Place de la République. Monument aux morts. 75 e anniversaire de l’ordonnance du 25 août 1942 pour l’incorporation de force des Alsaciens-Mosellans dans l’armée allemande. Photo F. Maigrot
[Salutations aux autorités présentes]
Il y a 75 ans, le 25 août 1942, le Gauleiter allemand Wagner, chef de l’Administration civile en Alsace, instaura l’incorporation de force sous contrainte envers les familles, dans la Wehrmacht. Ce fut un des épisodes les plus dramatiques de l’histoire de l’Alsace.
En 1940, l’Alsace vécut une annexion de fait. La population fut enrôlée dans les organisations nazies. Les adultes dans le Service du travail du Reich en 1941 ; l’année suivante vint le tour des plus jeunes de 10 à 18 ans obligés d’adhérer aux Jeunesses hitlériennes. Mais la pire des souffrances fut celle qui a été la plus occultée.
Je veux parler du silence qui s’est abattu sur votre drame et qui n’a fait qu’ajouter à la douleur parce que ce silence, vous l’avez vécu comme un terrible et injuste soupçon.
A partir de 1942, les Alsaciens et Mosellans furent envoyés se battre pour une cause qui n’était pas la leur et qu’ils haïssaient. On les força à agir contre leur patrie, contre leur serment, contre leur conscience.
Ils furent quelque 130 000 (100 000 Alsaciens et 30 000 Mosellans). Quelque 30 000 sont morts au combat (dont 20 000 Alsaciens) ; 10 000 portés disparus.
A la suite du discours solennel du président de la République Nicolas Sarkozy à Colmar le 10 mai 2010, j’affirme à mon tour que les « Incorporés de force » ne furent pas des traitres : les terribles menaces qui pesaient sur leurs familles ne leur laissaient aucun choix.
Les « Incorporés de force » furent des victimes du nazisme.
Les « Incorporés de force » furent victimes du pire régime d’oppression que l’Histoire ait jamais connu.
Oui, les « Incorporés de force » furent les victimes d’un véritable crime de guerre voire un crime contre l’humain.
Chers présidents du Comité des Associations mémorielles, chers derniers survivants et derniers témoins de la barbarie nazie, je veux, au nom du maire de Strasbourg Roland Ries, que j’ai l’honneur et le plaisir de représenter, vous dire que notre ville de Strasbourg, capitale européenne de la réconciliation franco-allemande, de la Paix et de la Paix des Mémoires, s’associe aujourd’hui à votre recueillement et à l’hommage que vous rendez à la mémoire de tous vos frères sacrifiés à l’autel de la barbarie nazie.
Vous avez été victimes de l’Histoire.
Le 10 mai 2010, le président de la République Nicolas Sarkozy, parlant au nom de la France, avait raison de déclarer, je cite : « Je suis venu réparer une injustice ». Aujourd’hui, le président de la République Emmanuel Macron vient, je cite : « De vous assurer de sa volonté de poursuivre l’oeuvre de Mémoire ».
Chers amis « Incorporés de force », je veux à mon tour, en charge notamment de la Mémoire de notre cité, ajouter qu’il est plus que temps, 75 ans après, et pour réparer cette injustice, que la Mémoire des Incorporés de force intègre notre récit national.
Assurément, la Mémoire des Incorporés de force est partie intégrante de notre Mémoire nationale.
CONCLUSION
Chers amis « Incorporés de force », je voudrais pour conclure adresser aussi à notre jeunesse d’Alsace et de France ces quelques paroles que vous connaissez certainement par coeur. Je cite :
« Nous avions 18 ans, ou un peu plus
Nous aimions la vie, le bruit et même un peu plus
Nous aimions notre maison, notre village et même un peu plus
Nous aimions nos pères, nos mères et beaucoup plus
Nous aimions les filles, leurs sourires et beaucoup plus
Mais ils nous ont cassé nos rêves, nos espoirs et beaucoup plus
Ils nous ont pris nos joies, nos espérances et beaucoup plus ».
Enfant d’Algérie et fils de France ayant vécu, comme vous, le drame de l’abandon de la mère Patrie, vous comprendrez combien je sais le profond traumatisme que vous avez subi. Un traumatisme inguérissable. Pas même avec le temps. Vous comprendrez aussi combien, je me sens proche de vous.
Honneur à vous et respect.
Je vous remercie de votre aimable attention.
[Remerciements chaleureux adressé au chef du Protocole, Bernard Rohfritsch, « pour son ardente implication dans l’organisation de ces cérémonies du 75e anniversaire]