Oui, Roger HÉBERT en 1944 avait 15 ans. En cette fin de février 2017, il nous a quittés. Il est parti sur la pointe des pieds et c’est ainsi qu’il a toujours vécu. Sa modestie était véritable et bien protégée sous une carapace de bonhomie.
Nul ne savait – même celui qui directement l’aida, Monsieur André Lemarquier – que Roger Hébert était à l’origine de l’évasion de 5 Français, 5 adolescents alsaciens nés en 1926 et incorporés de force dans la WAFFEN SS.
Dans une commune du Coutançais, à Notre-Dame-de-Cénilly, dans le village « Aux Hélaines » en juillet 1944 Roger vivait seul avec sa mère. Elle était veuve.
Dans la ferme de Madame Hébert, s’installa une escouade, environ 20 soldats Waffen SS. Parmi ces soldats étaient 5 adolescents incorporés de force.
Bientôt Roger qui semblait avoir le même âge que les Alsaciens, fut abordé par ces derniers. Il entraina à l’écart ces 5 compatriotes, soit dans les dépendances ou au fond du champ de pommiers. Ces rencontres, toujours très brèves, étaient on ne peut plus dangereuses. En effet Roger savait la présence des Français devenus ses amis, car lorsqu’ils étaient dans la ferme, les gradés avaient leur pistolet hors de l’étui : entre le ceinturon et la vareuse.
Le 17 juillet 1944, en fin d’après-midi, forts des encouragements de Roger, les 5 incorporés de force s’évadèrent. Avec beaucoup de précisions Roger leur avait indiqué la ferme des « Monts » à Notre-Dame-de-Cénilly. Ils y rencontrèrent André Lemarquier, qui en écoutant les 5 fugitifs devint leur complice. Pendant quelques minutes un 6e incorporé de force vint grossir le groupe mais après quelques instants, en pleurs, il refusa de partir. Il eut peur pour ses parents. Une loi monstrueuse : la « Sippenhaft » punissait effroyablement les parents des incorporés de force qui refusaient de se soumettre au nazisme.
André Lemarquier procura des victuailles et par un subterfuge très audacieux, parvint à emmener le groupe jusqu’à Hambye. Ces garçons voulaient aller dans la Sarthe. Ils avaient demandé une carte de France. André en avait prélevé une dans son livre d’écolier. Jamais ne parvint la moindre nouvelle, les 5 adolescents étaient disparus mais pas oubliés.
Dans le N° spécial de la Société d’Histoire de Masevaux, consacré aux incorporés de force, est reproduit le rapport de désertion de Marcel Eich, avec les menaces habituelles. Dans ce rapport traduit de l’allemand en français est resté un mot du patois coutançais: « es » pour l’article contracté « aux ». Ce détail est d’importance car il a permis de retrouver la commune et surtout le village où eut lieu cette évasion collective. Mieux encore, la preuve de l’existence d’une filière d’évasion pour les incorporés de force dans la Waffen SS et passant par « La Chapelle d’Aligné » dans la Sarthe a été découverte. Un bon nombre d’incorporés de force l’utilisèrent pour rejoindre la France Libre.
Des enfants de ces incorporés de force sont venus à Notre-Dame-de-Cénilly remercier, exprimer leurs émotions à André Lemarquier et à Roger Hébert.
Ces émotions furent exprimées en partage. La gratitude alsacienne revigora Roger Hébert, au point de la conduire à raconter dans des écoles et en particulier à La Chapelle d’Aligné, ce que fut l’incorporation de force de nos compatriotes d’Alsace et de Moselle dans les armées nazies.
Ce jour-là, lors d’une cérémonie officielle, Roger fut plus que félicité par Messieurs le Sous-préfet, le Député, des Maires, des Conseillers généraux etc, etc.. Roger y fut très sensible.
Quand la France ouvrira t- elle les portes qui permettent d’accéder à son Histoire ??
Jean BÉZARD, Secrétaire de la SNIFAM
(Solidarité Normande aux Incorporés de Force d’Alsace-Moselle)
Le 1er mars 2017