Par lettre du 13 avril 2016, le Procureur de la République près le TGI de Saintes, saisi par le petit-fils de l’officier supérieur SS, Helmut Kämpfe, d’une demande d’exhumation du corps du soldat reposant sous la dalle gravée au nom de son grand-père, en vue d’une comparaison d’ADN, s’est déclaré « incompétent », au prétexte qu’il ne pourrait donner suite que si le soldat reposant sous la dalle était inconnu et comme la dalle est gravée au nom de Kämpfe (justification discrètement récusée d’ailleurs par les organismes allemands officiels, eux-mêmes), le soldat qui repose sous la dalle n’est donc pas considéré comme « inconnu » par la justice française…
C’est une occasion inespérée de connaître enfin la vérité sur la falsification allemande qui disparaît. Plus important encore, est la validation ipso facto de la tombe de Kämpfe, alors qu’un document issu des archives du VDK, à Kassel, en date du 20 mars 1963, démontre tout le contraire. Ce document exceptionnel suffit à qualifier le corps du soldat reposant sous la pseudo-dalle de Kämpfe, de « soldat inconnu », donc non identifié. La déclaration « d’incompétence juridique » n’apparaît donc pas justifiée. Il est surprenant de voir la justice française entériner, de fait, une falsification qui valide une thèse défendue par des anciens SS révisionnistes dont les livres sont interdits en France.
Pour mémoire :
Un important travail de recherches historiques, en Limousin, a été mené sur la période juin-août 1944. Cette recherche a conduit, notamment, à s’intéresser de très près au « mystère » de l’affaire Kämpfe, une affaire, depuis l’arrestation par la Résistance, de cet officier supérieur SS, de la division Das Reich, le 9 juin 1944, jusqu’à son exécution et son inhumation, qui a conduit à une multitude d’interprétations selon les sources d’informations françaises ou allemandes, le plus souvent déformées pour les besoins des causes respectives et, en particulier, utilisées par les thèses de révisionnisme partisan, développées par les Allemands à propos du massacre d’Oradour-sur-Glane, qui eut lieu le 10 juin 1944. Les principaux tenants de ces thèses révisionnistes sont des anciens SS, tels Otto Weidinger, dernier commandant du régiment « Der Führer », l’historien officiel de la division Das Reich, Albert Stückler, ex-chef d’état-major de cette division, Heinz Lammerding, ex-commandant de cette division et Herbert Taege, ex-officier SS. Weidinger a publié dès 1962 un historique du régiment « Der Führer » avec sa thèse qui fait entre autres le lien avec la découverte du corps de Kämpfe à Breuilaufa et le passage supposé de ce dernier à Oradour-sur-Glane.
Ainsi, les sources d’information d’origine allemande, fournies par la Wast (Service Deutsche Dienststelle, bureau des états de service des militaires allemands) situent très précisément l’exécution (Todesort) de Kämpfe, à Cheissoux (Haute-Vienne) et son inhumation (Erstbetattungsort), à Breuilaufa (Haute-Vienne), soit à plus de 50 kilomètres du lieu de l’exécution. Les recherches ont permis de démontrer la falsification allemande. S’il y eut bien cinq soldats allemands enterrés dans le cimetière de Breuilaufa (Haute-Vienne), dont un adjudant, ceux-ci avaient été tués dans une embuscade tendue par le Maquis, le 8 juin 1944. L’inhumation officielle de ces cinq soldats allemands a donné lieu, pour chacun d’eux, à un procès-verbal établi le 29 mai 1946 par la brigade de gendarmerie de Nantiat (Haute-Vienne) « en exécution des prescriptions sur le regroupement des tombes de militaires allemands tués en France ». Cinq procès-verbaux furent ainsi rédigés, pour ces cinq soldats officiellement déclarés « inconnus », enterrés très sommairement par le Maquis en juin 1944. Ces procès-verbaux ont été communiqués par lettre du Service Historique de la Défense, en date du 8 novembre 2011, avec l’agrément de Monsieur le Ministre de la Défense et des Anciens Combattants. Ces documents historiques confirment que ces cinq soldats ne portaient aucune plaque d’identification, ni de signes particuliers permettant au Service d’Entretien des Sépultures Militaires Allemandes en France (SESMA), de les identifier. Il n’y a donc aucune raison de penser que le corps de Kämpfe ait été transporté là pour y être inhumé, après son exécution par le Maquis, comme le prétendent les organismes officiels allemands, WAST et SESMA (VDK). Par ailleurs, la collecte de la mémoire locale permet de conclure à l’inhumation sommaire de Kämpfe, en forêt limousine, avec un autre soldat allemand prisonnier. Les restes des corps n’ont pas été inhumés dans le cimetière local et ont été, très certainement, dispersés par suite des travaux forestiers et des fortes tempêtes enregistrées, depuis lors, dans cette région.
Pourtant, à la suite de l’intervention du Service Deutsche Dienststelle, dans les années 60, une dalle a été posée, le 13.03.1963 (Umbettungdatum, voir la fiche de la Wast), dans le cimetière allemand de Berneuil, en Charente-Maritime avec l’inscription « HELMUT KÄMPFE STUBAF. 31.7.09 + 10.6.44 » : les restes de Kämpfe, selon le SESMA, seraient donc sous cette pierre tombale. Une telle erreur historique, « dans l’intérêt des familles » selon une expression utilisée par ailleurs par la Wast, a deux conséquences majeures :
1. Elle se prête à une tradition commémorative dont personne semble-t-il ne peut ou ne veut en identifier, le ou les auteurs : un bouquet de roses est déposé sur la dalle, au mois de juin de chaque année : famille, mais peut-être, aussi, organisations pronazies…
2. Elle offre une tribune de choix pour tous ceux qui développent les thèses révisionnistes, voire négationnistes, à propos du massacre d’Oradour-sur-Glane.
Le Comité Histoire et Mémoire
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