Waldolwisheim aime la nature et sait se souvenir de l’histoire de l’Alsace. Samedi 14 mai, un tilleul a été planté sur la place au cœur du village en l’honneur du jumelage avec la commune de Thaon (Calvados) dont une délégation venue en autocar a offert un pommier Cox Orange de Normandie, planté près de la salle des fêtes. En souvenir des quelque 900 incorporés de force engagés malgré eux sous l’uniforme allemand, celui de la Wehrmacht ou des Waffen SS, durant les combats de juin 44, des 300 qui y laissèrent leurs vies mais aussi des 150 qui purent s’évader des griffes nazies grâce à l’aide de familles normandes.
Cette page méconnue de la Deuxième Guerre mondiale, Jean Bézard la connait sur le bout des doigts. Cela fait plusieurs années que ce conférencier y consacre ses forces: gamin de 9 ans, il avait rencontré l’été 1944 un Alsacien portant l’uniforme allemand mais parlant et chantant en français jusqu’à en avoir des larmes aux yeux. Il informe de faits historiques les Normands mais aussi les Alsaciens.
Jean Bézard a fondé la SNIFAM (Solidarité avec les incorporés de force d’Alsace et de Moselle), la seule association en France à manifester de l’empathie pour les victimes de l’incorporation de force. Il a aussi fait se rencontrer deux maires, Marc Wintz, maire de Waldolwisheim (550 habitants), et Richard Maury, maire de Thaon, 1650 habitants. Ce dernier, historien local et conservateur du Musée historique de Courseulles-sur-Mer, comprit vite l’intérêt d’un jumelage car, dit-il, « je connaissais l’histoire des Malgré-nous ». Et comme son homologue alsacien, il espère que « grâce à l’Europe les jeunes générations ne connaitront pas les guerres fratricide ». Marc Wintz, son homologue de Waldolwisheim, a jugé important d’associer en avril les enfants des écoliers à la plantation du tilleul : « Il faut que nos enfants connaissent l’histoire de l’Alsace. » Annie Michel, maire-adjointe de Thaon, reconnaît qu’elle n’avait « pas entendu parler de l’incorporation de force » (comme d’ailleurs la plupart des Français) tout en étant heureuse de participer aujourd’hui à cette action citoyenne.
L’an dernier, une délégation de Waldolwisheim fut bien accueillie pour la première fois à Thaon. Les retrouvailles ont eu lieu à nouveau lors du week-end de la Pentecôte et une quarantaine de Normands, venus en autocar et hébergés dans des familles de Waldolwisheim, ont partagé beaucoup de moments d’amitié. Sous le regard bienveillant de Bernard Linder, président du comité de jumelage de Waldolwisheim et de Claude Hamel, président du jumelage de Thaon, une commune proche de Caen.
Sur la tombe de Georges Adam
A Wolscheim, un village voisin, Jean Bézard était entouré des maires Sitz et Wintz et d’autres élus quand il a déposé un récipient en terre cuite de Betschdorf, avec le drapeau tricolore et des fleurs sur la tombe de Georges Adam, né en 1913 et mort en 1990. Ce Malgré-nous a réussi à s’évader des rangs des Waffen SS et à trouver refuge auprès de la famille Le Bois qu’il a aidée à fuir les combats qui faisaient rage près de Montabot…Une des histoires d’héroïsme que Jean espère sortir de l’oubli dans un ouvrage qu’il prépare avec l’historien Nicolas Mengus.
A Waldolwisheim, où une trentaine de jeunes ont été contraints de porter l’uniforme allemand pendant la guerre, l’arbre du jumelage a été béni par le curé Claude Breese qui a appelé les participants à être « des artisans de paix ». Quelques jours plus tôt, Jean Bézard était à Haguenau avec sa compagne Nicole Aubert qui photographie et filme les entretiens avec des Malgré-nous évadés en Normandie comme Eugène Kennel.
Reçu dans plusieurs communes du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, l’historien a été invité pour la première fois en avril dans l’Eurométropole, grâce à la municipalité de Schiltigheim. Sur le carton d’invitation, le Normand est appelé « grand témoin de paix », un titre mérité par celui qui a dialogué avec des garçons et filles du Conseil municipal des enfants et du Conseil des jeunes dont l’adjoint responsable, Patrick Heiwy, était là. Pas sûr que ces jeunes aient tout compris de l’exposé sur les évasions d’incorporés de force en Normandie… Mais ils auront retenu la fougue de cet historien de 81 ans. Danièle Diligent, élue de Schiltigheim et vice-présidente du Conseil général du Bas-Rhin, a salué ce témoignage en confiant: « Ce que vous dites fait écho dans nos cœurs. Dans ma famille (il y avait 1200 Malgré nous à Schiltigheim), j’ai connu un grand-oncle qui a attendu jusqu’à sa mort que son fils revienne! »
Le bouleau de Tambov
Le plus ancien des arbres du souvenir de Waldolwisheim est un bouleau, ramené de la forêt de Rada près du camp de Tambov (Russie) où des milliers d’Alsaciens-Mosellans furent internés dans des conditions éprouvantes par l’URSS, pourtant alliée de la France. Charles Gantzer, natif du village et captif de ce camp soviétique d’avril 1944 à novembre 1945, l’avait planté dans le cimetière en 1993, suite à un des premiers voyages sur le lieu de souffrance -voire de mort- de tant de prisonniers d’Alsace-Moselle durant la 2ème Guerre mondiale. Charles Gantzer avait fondé l’association Pèlerinage Tambov avec son beau-frère Henri Stoecklé, instituteur dans la commune, également ancien incorporé de force.
Marie Goerg-Lieby
Les élus de Waldolwisheim et de Thaon devant le tilleul planté en avril et qui remplace un arbre de la même essence qui se dressait déjà sur cette place où se trouvent la mairie et l’église. Photos Bernard Linder