LA FEFA cesse ses acti­vi­tés. Article paru dans les DNA du 30.9.2019 trans­mis par Yves Scheeg

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La Fonda­tion « Entente franco-alle­mande » ferme ses portes

Pendant trente ans, elle fut au cœur des passions alsa­ciennes. Créée pour régler la ques­tion de l’in­dem­ni­sa­tion des Malgré-nous, la Fonda­tion entente franco-alle­mande (Fefa) cesse ses acti­vi­tés. Elle trans­met le flam­beau, et 2 M€, à l’Of­fice franco-alle­mand pour la jeunesse.

Les locaux ont vue sur la cathé­drale. Ils occupent le premier étage d’un bel immeuble de la Neus­tadt, rue Saint-Léon, à Stras­bourg. Ils sont en train d’être vidés. Des cartons occupent une partie de la salle de réunion ; ils seront bien­tôt récu­pé­rés par les Archives dépar­te­men­tales du Bas-Rhin, tandis qu’Em­maüs s’ap­prête à venir cher­cher des meubles. Jacques Jolas fait un point rapide avec sa tréso­rière, Marie-Paule Stintzi, et son président Jean-Claude Klin­kert. Mais cette tréso­rière et ce président ne se défi­nissent déjà plus comme tels : ils se présentent comme des « commis­saires char­gés de la liqui­da­tion ». Jacques Jolas, lui, vit ses derniers jours comme délé­gué géné­ral de la Fonda­tion entente franco-alle­mande (Fefa). « C’est étrange de travailler à sa fin… », commente-t-il dans un sourire. Ce lundi 30 septembre, il sera licen­cié en même temps que les deux autres derniers sala­riés de la fonda­tion.

« Un avare sur son tas d’or…

Tous trois étaient arri­vés en même temps, en juillet 1984. Dans ses années fastes, la Fefa a compté une ving­taine de sala­riés. Dès le départ, tous savaient que cette mission pour­rait durer, mais qu’elle n’au­rait qu’un temps. « Quand j’ai été embau­ché, on m’a dit que j’avais un contrat à durée indé­ter­mi­née… mais aussi à pers­pec­tive indé­ter­mi­née ! », se souvient Jacques Jolas. La Fefa a marqué le paysage alsa­cien pendant trois décen­nies. Elle s’ar­rête d’elle-même aujourd’­hui, esti­mant son rôle accom­pli.

La fonda­tion a été créée le 28 septembre 1981 avec un objet prin­ci­pal : régler la ques­tion de l’in­dem­ni­sa­tion des Malgré-nous (lire notre édition du 16 juillet). L’Al­le­magne lui avait alors versé un fonds de 250 millions de DM, soit 117,5 M€ d’aujourd’­hui. Entre 1984 et 1989, par le jeu des inté­rêts, 119 M€ ont été versés à plus de 80 000 Malgré-nous et à leurs ayants droit (soit un peu moins de 1 400 € par personne). À partir de 2008, une indem­nité a été égale­ment été accor­dée aux personnes qui ont unique­ment été contraintes de rejoindre les forma­tions para­mi­li­taires qu’é­taient le Reich­sar­beits­dienst (RAD) et le Krieg­shilf­sdienst (KHD), soit essen­tiel­le­ment les Malgré-elles. 4 M€ ont de nouveau été versés à 5 087 béné­fi­ciaires, payés à moitié par la Fefa et l’État français.

Ces indem­ni­sa­tions ont été complé­tées par un volet mémo­riel (publi­ca­tions, docu­men­tai­res…) et social : dans ce cadre, des « secours ponc­tuels » ont été versés à plus de 3 000 anciens Malgré-nous et envi­ron 170 établis­se­ments pour personnes âgées d’Al­sace-Moselle ont béné­fi­cié d’un soutien finan­cier de la Fefa pour des opéra­tions de construc­tion ou de réno­va­tion, moyen­nant la réser­va­tion de places prio­ri­taires.

Œuvrer pour la coopé­ra­tion franco-alle­mande

Le second objet de la fonda­tion consis­tait à œuvrer pour la coopé­ra­tion entre la France et l’Al­le­magne. Ceci est passé par l’aide à des projets très divers : bilin­guisme, festi­vals, rencontres de jeunes, musique, sports, publi­ca­tion de thèses etc. Au total, toujours grâce aux inté­rêts, à partir de la mise de départ alle­mande, « envi­ron 139 M€ ont été injec­tés dans le paysage local », assure Jacques Jolas.

« Une aven­ture ! »

Pour autant, on ne peut pas dire que la Fefa, long­temps prési­dée par André Bord (de 2002 à 2013), a toujours béné­fi­cié d’une image d’ex­trême géné­ro­si­té… Elle a même été très décriée : « La fonda­tion a souvent été perçue comme un avare assis sur son tas d’or, c’est vrai… Ce n’est pas que l’on manquait de trans­pa­rence, mais on ne commu­niquait sans doute pas assez. » Parce qu’elle trai­tait du drame des Malgré-nous, la Fefa s’est trou­vée au cœur de l’iden­tité et des passions alsa­ciennes. « Ce fut une aven­ture ! »

Le 16 septembre dernier, la Fefa a effec­tué un vire­ment de 326 050 € à l’État français : cette somme corres­pond à l’argent qui avait été provi­sionné pour les Malgré-elles et qui n’a pas été distri­bué ; la Fefa et l’État avaient tablé sur 5 800 béné­fi­ciaires au lieu des 5 000 qui se sont effec­ti­ve­ment mani­fes­tées.

Reste à présent un peu plus de 2 M€ dans les caisses de la fonda­tion. La moitié provient de la vente du rez-de-chaus­sée et du premier étage de l’im­meuble de la rue Saint-Léon.

Cette dot a un béné­fi­ciaire dési­gné depuis toujours : l’Of­fice franco-alle­mand pour la jeunesse (Ofaj). Il était écrit dans les statuts de la Fefa qu’elle repren­drait son flam­beau, ce sera bien le cas. « On a informé tous les béné­fi­ciaires de nos subven­tions qu’ils devaient s’adres­ser désor­mais à l’Ofaj ». L’Of­fice s’est engagé à placer encore le logo de la Fefa sur les projets qu’elle suivait jusqu’à présent : comme si la fonda­tion ne pouvait se résoudre à dispa­raître tota­le­ment…

 

  • Raymond Cronen­ber­ger nous informe que cet article est égale­ment paru dans L’Al­sace du 1.10.2019.

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