Les associations de Malgré-nous alsaciens ont attaqué en diffamation l’auteur et le producteur du documentaire « Das Reich, une division SS en France » diffusé en mars sur France 3 et désormais en vente en DVD. Hier, l’heure était aux plaidoiries.
L’affaire qui enrage les deux associations des évadés et incorporés de force du Bas-Rhin et du Haut-Rhin (Adeif 67 et 68) a été soumise hier à la chambre des référés civils du tribunal de grande instance de Strasbourg. « Ce n’est pas la liberté d’expression qui est en cause, mais la déformation des faits », prévient leur avocat Me François Simonnet, prenant la parole en premier.
Au cœur de la polémique : le chiffre de « 6 000 Alsaciens enrôlés dans la division Das Reich », qui est apparu dans un documentaire diffusé le 2 mars sur France 3 [ DNA du 11/03] accompagné quelques secondes plus tôt de cette précision : « Le gros des troupes est composé d’Alsaciens. »
Devant le tollé provoqué chez les Malgré-nous par ces affirmations, l’estimation a été revue à la baisse dans une deuxième version du film diffusée sur Arte en avril. Mais la modification n’a pas pu être prise en compte avant sa commercialisation en DVD, provoquant le courroux des Adeif qui ont attaqué en diffamation le réalisateur Michaël Prazan et la société de production Nilaya, après en avoir acheté un exemplaire à la Fnac. Leur objectif désormais : obtenir le retrait des rayons de « Das Reich, une division SS en France », qui constitue à leurs yeux une diffamation publique.
« C’est une enquête qui n’a pas été sérieusement menée »
« Si les DVD se vendent bien, il devrait y avoir une réédition qui prendra évidemment en compte le changement », assure l’avocat de Nilaya, Me Benjamin Sarfati. Dénonçant « une immixtion intolérable sur le terrain de la liberté d’expression », le conseil parisien soutien le travail du documentariste et de la société de production. « Oui, les Malgré-nous, contre leur gré, fournissaient le gros des troupes de la division Das Reich », énonce-t-il en parlant d’un « fait. On ne leur impute rien. Mais il va bien falloir vivre avec. »
Son confrère Me Michaël Majster, qui défend Michaël Prazan, se focalise sur des questions de droit. Selon son analyse, « la diffamation à l’encontre de groupes régionaux n’existe pas ». La plainte des Adeif n’est donc pour lui pas recevable. De plus, « en quoi le fait de dire qu’il y a 2 000 ou 6 000 Alsaciens est-il diffamatoire ? », demande-t-il, rappelant que l’auteur du documentaire y a consacré « dix-huit mois de sa vie ».
« C’est une enquête qui n’a pas été sérieusement menée, fustige de l’autre côté de la barre Me François Simonnet. On n’est pas dans la rigueur. » Il parle d’un « mensonge intellectuel ». « Les DVD auraient pu être retirés et remplacés par la deuxième version, mais pour des raisons mercantiles, on s’est bien gardé de le faire », accuse l’avocat strasbourgeois.
« L’historien qui a conseillé le réalisateur reconnaît que le chiffre mentionné de 6 000 Alsaciens au sein de Das Reich constitue une extrapolation », plaide-t-il sur le fond. Or, « c’est un élément que le téléspectateur prend comme une pure réalité » dans le documentaire, poursuit-il.
Le débat entre avocats, qui s’est tenu sous les yeux des représentants des associations de Malgré-nous, a duré 1h30. Il fut extrêmement vif mais il n’a pas dérapé. Le jugement est mis en délibéré au 30 juin.