Saisie par l’ADEIF du Bas Rhin et son homologue du Haut-Rhin, la justice s’est penchée mardi 16 juin lors d’une audience au Tribunal de grande instance de Strasbourg sur certaines affirmations du film documentaire « Das Reich, une division SS en France ».
Lors d’un premier passage de ce film documentaire sur France 3 Alsace au printemps, l’émotion fut grande en Alsace et au delà, suite notamment à des affirmations concernant le nombre d’incorporés de force alsaciens dans cette division à l’origine de la mort tragique de nombreux civils sur son passage en juin 1944, en particulier à Tulle et Oradour-sur-Glane. Devant l’ampleur des réactions, le réalisateur Michaël Prazan accepta de supprimer une assertion discutable (« Le gros de la troupe est composé d’Alsaciens ») et de ramener à une estimation plus basse : « entre 1000 et 2000 Alsaciens et Mosellans enrôlés dans la division » contre le chiffre de 6000 Alsaciens précédemment inclus dans le commentaire. Malheureusement ,cette deuxième version n’est pas celle dont ont connaissance les acheteurs du film documentaire, désormais vendu comme DVD. En conséquence de quoi, Me Simonnet, qui plaidait pour les deux ADEIF (Association des Déserteurs, Évadés et Incorporés de Force) a demandé au tribunal la saisie de ces DVD et l’utilisation dans le futur « de la 2e version qui ne prête pas à confusion. Car c’est pour des raisons mercantiles que la première version est actuellement en vente ! ». L’avocat a dénoncé « la diffamation publique » vis à vis de l’ensemble des incorporés de force. Tant suite aux chiffres discutables (6000 Alsaciens dans la division « Das Reich » qui comptait 15 000 hommes de diverses nationalités, c’est énorme) qu’au choix d’un seul Malgré-Nous filmé, Elimar Schneider, certes incorporé de force à 17 ans, mais dont les convictions ambigües par rapport aux SS, quand il fut filmé à l’âge de 70 ans, reflétaient une position trop individuelle pour être généralisée et présentée au public. Le commentaire final sur l’amnistie des Malgré-Nous présents au procès de Bordeaux (un volontaire et 13 incorporés de force) renforçait encore une vision de l’Histoire partielle et partiale.
Un point de vue que ne partagèrent évidemment pas les deux avocats de la partie adverse, l’un représentant le réalisateur et l’autre la société de production. Le premier développa des arguments juridiques, les affirmations dénoncées par les ADEIF comme tendancieuses ne visant « aucune personne en particulier ni aucun groupe protégé (religieux par exemple) par la loi de 1881 ». Celle-ci, en effet, accepte au nom de la liberté d »expression les appréciations négatives vis à vis des groupes régionaux (Corses ou Alsaciens par exemple) ou groupes de combattants, comme Harkis ou incorporés de force. En conséquence, il demanda au tribunal de débouter les ADEIF de leurs demandes. Le second avocat renchérit en avançant que « la loi de 1881 demande des faits précis pour être impliquée », ce qui selon lui n’était pas le cas, et plaida « la procédure abusive ». Il expliqua que les DVD incriminés devaient en effet être écoulés avant qu’une nouvelle livraison ne prenne en compte les chiffres de la deuxième version. Le jugement a été mis en délibéré jusqu’au mardi 30 juin.
M. G.-L.