La femme aux yeux bandés, portant glaive et balance, a pesé le pour puis le contre pour finalement – ô surprise ! – trancher définitivement. Elle n’a même pas renvoyé à une autre juridiction (sans être bien sûr obligé de démontrer que tous les Malgré-Nous étaient des volontaires) – et pourquoi s’en priver ? La cour de cassation l’autorise ! Elle considère qu’il n’y aucune autre juridiction, tellement elle était sûre d’elle-même. Il fallait « blanchir » M. Hébras et condamner les incorporés de force… heu ! Pardon ! Les « soit-disants » incorporés de force, car c’est ainsi qu’on pourra désormais les appeler, ceux qui, abandonnés par la France en 1940, livrés aux mains des nazis, furent en 1942, 1943 et 1944, jetés dans l’armée allemande en violation pourtant du droit international.
Il s’agit là d’un crime qui, par son ampleur (130 000 Alsaciens et Mosellans furent incorporés de la sorte) et par son caractère raciste (faire des « Volksdeutche », êtres inférieurs, des « Reichsdeutche » de la classe des seigneurs…) constitue bel et bien un crime contre l’humanité. Quant au procès de Bordeaux en février 1953, qui a reconnu le caractère contraignant de l’enrôlement de 13 Alsaciens sur les 14 présents sur le banc des accusés (1 seul était un volontaire), cela importe peu. L’autorité de la chose jugée n’est plus ce qu’elle était, semble-t-il, puisqu’on peut impunément affirmer dorénavant « je porterais à croire que ces incorporés de force fussent tout simplement des volontaires » (Tout le monde dans le même sac, on ne va plus se gêner !…).
Il fallait « blanchir » celui qui, entouré par deux Présidents de la République, l’un de France, l’autre d’Allemagne, leur servait de guide dans les ruines d’Oradour ce fameux 4 septembre 2013, un mois et quelques jours avant le jugement rendu…. Mais peu importe, ne soyons pas mesquin, ce qui est regrettable, c’est que cette « amnistie » empêchera dorénavant toute réconciliation entre le Limousin et l’Alsace.
Cela encouragera les négationnistes de tous poils qui se feront un plaisir d’accuser – ni diffamations ni injures dans ces phrases assassines – mais simplement l’exercice du « droit d’expression »…, liberté sacrée qui, comme chacun sait, à l’encontre des Alsaciens n’a pas de limites !… Cependant, depuis 1870, nous n’avons plus d’illusion. Nous sommes habitués d’être traités tantôt de « têtes de français » (Franzosenköpfe), « cochons de français » (Französischeschweine) par nos voisins d’outre-Rhin, tantôt d’Allemands, de « Boches » et autres amabilités de la part des Français « de l’Intérieur ». A la longue, vous savez, on se forge une carapace impossible à percer !
Et bien restons-en là ! Vos provocations négationnistes du crime enduré par nos pères ne nous touchent plus. Prenons de la hauteur ! Nous, nous savons ce qui s’est passé ; nous, nous connaissons la vérité ! Restez dans votre ignorance, cultivez votre erreur ! Nous en avons assez de toujours être obligés de démontrer l’évidence. Nous sommes las de vouloir convaincre ceux qui ne veulent pas être convaincus. Votre attitude blessante ne nous atteint plus ; vous pouvez persister dans vos insinuations diffamatoires fielleuses, puisque la plus haute cour de justice de la France vous le permet. Mais ne venez pas en Alsace nous raconter vos salades…
Toutefois, on ne m’enlèvera pas de l’esprit qu’en ce 16 octobre 2013 la femme dont je parlais n’avait pas les yeux bandés car « tout porte à croire » que le bandeau était tombé. Vous ne croyez pas ? En douteriez- vous encore ?
Jean-Laurent VONAU