Pour la première fois, un président allemand va s’incliner devant les 644 victimes d’Oradour. Un geste hautement symbolique, qui en appelle un autre.
e maire d’Oradour-sur-Glane, Raymond Frugier, qui compte de nombreux amis en Alsace, a confirmé la venue de Joachim Gauck, président de la République fédérale d’Allemagne, début septembre, dans sa commune. « Le président François Hollande avait souhaité emmener le président allemand à Oradour, dans le cadre de sa visite d’État en France », précise le maire de la commune martyre du Limousin.
Le procès qui pollue les relations
Jamais, par le passé, un président allemand n’avait rendu hommage aux victimes – dont 206 enfants – du massacre perpétré le 10 juin 1944 par la division SS Das Reich. La veille, la même division avait pendu 99 hommes à Tulle, en représailles à des actions de la Résistance. Un épisode tragique, connu de François Hollande, ancien député-maire de Tulle…
« Lors de la commémoration du massacre, des maires allemands sont invités. C’était le cas encore cette année. Si la venue du président Gauck se confirme, j’irai à Oradour », assure Roland Ries, sénateur-maire de Strasbourg, qui participe régulièrement aux cérémonies du 10 juin.
Lors de cet « événement hautement symbolique » , Roland Ries attend du président allemand « une parole forte qui confortera la démarche de réconciliation entre Strasbourg – et l’Alsace – et le Limousin ». « Il faut qu’il dise que les soi-disant incorporés de force l’étaient réellement », affirme-t-il, en faisant allusion au procès en cours entre l’Adéif (Association des déportés, évadés et incorporés de force) et Robert Hébras, un des rescapés du massacre. Condamné en appel, pour avoir écrit que, « parmi les hommes de main, il y avait quelques Alsaciens enrôlés soi-disant de force dans les unités SS » – ce qui visait les 13 Alsaciens – il s’est pourvu en cassation. La cour rendra son arrêt en septembre.
« Nous ne pouvons que nous féliciter de la venue du président Gauck à Oradour. Peut-être à cette occasion, évoquera-t-il la question de l’incorporation de force. C’est surtout un geste de réconciliation entre l’Allemagne et la France », souligne également l’ancien bâtonnier de Colmar, Yves Muller, président de l’Adéif du Haut-Rhin. « Il est difficile à faire comprendre qu’il y avait des incorporés de force dans la Waffen SS », déplore-t-il, en rappelant que « la question avait pourtant été tranchée par le Parlement, par le tribunal de Bordeaux et au Procès de Nuremberg ».
« C’est une démarche de réconciliation historique » , se félicite aussi Bernard Rodenstein, au nom des orphelins d’incorporés de force. Pour le pasteur colmarien, Joachim Gauck – qui a aussi été pasteur – « ne peut ignorer que les jeunes enrôlés de force dans l’armée allemande n’avaient pas le choix ». En saluant, samedi, la résistance de Stauffenberg et des officiers de la Wehrmacht, auteurs de l’attentat – raté – du 20 juillet contre Hitler, le président allemand avait affirmé qu’ « il y a toujours un choix… »
Mais Bernard Rodenstein sera attentif aussi au discours de François Hollande. « En 2010, Nicolas Sarkozy avait déclaré, avec force à Colmar, que l’Alsace avait été victime de la barbarie nazie. Dans cette continuité, le chef de l’État devra dire que les Alsaciens-Mosellans ont dû obéir à des ordres criminels » , insiste Bernard Rodenstein qui va écrire aux deux présidents.
Yolande Baldeweck
Une réaction de Bernard Ernewein, président-fondateur de l’OPMNAM
« Suite à l’article de Yolande BALDEWECK du quotidien « L’Alsace », concernant la visite à Oradour du Président de la RFA, Joachim GAUCK en septembre prochain, je souhaite réagir – voyez SVP ma réponse circonstanciée et argumentée, preuves à l’appui de nos engagements, vis-à-vis de la RFA et d’Oradour, mais sans pour autant aller à Canossa.
Je ne suis absolument pas d’accord sur la visite du Président de la RFA Joachim GAUCK, si auparavant, il ne reconnait pas officiellement sur place en Alsace-Moselle, la responsabilité de l’Allemagne et ne qualifiait pas les crimes commis, en crime de guerre et crimes contre l’Humanité, , envers toute une population alsacienne et mosellane rendue exsangue de ses forces vives, soi-disant des personnes protégées au regard des conventions internationales. Pour moi, il s’agit du génocide programmé d’une génération pour de soi-disantes raisons ethniques, mais aussi pour la détestation d’une idéologie nauséabonde et de la mémoire de deux annexions.
J’ai écrit aux deux présidents HOLLANDE et GAUCK pour dénoncer les abandons de la France collaborationniste et les conséquences de la barbarie nazie sur les familles décimées, les veuves éplorées et les 20 000 orphelins abandonnés, suite au décès 40 000 des nôtres, déportés à partir du territoire national, incorporés de force dans les armées de Hitler, assassinés et utilisés comme chair à canons.
Si j’éprouve de la répulsion pour l’horrible massacre d’Oradour et de la compassion pour les victimes, les procédés employés par le Limousin sont inacceptables car il en a fait un problème franco-français, franco – alsacien à la grande satisfaction d’ADENAUER et des coupables allemands, les LAMMERDING et autres jamais extradés, voire des collabos sur place ou ailleurs trouvant dans ses 13 jeunes incorporés de force de parfaits boucs émissaires, leur assurant l’oubli.
J’ écris aussi au deux Présidents, pour la Xème fois, pour obtenir enfin une participation financière pour les projet de l’ OMPNAM exprimés dans ses statuts en 2005, le MUR des 40 000 Noms qui s’éternise, en rappelant à Herr GAUCK que son BUNDESTAG nous l’a refusé le 20 septembre 2007, une ignominie car son pays ne nous a jamais rendu les corps pour faire notre deuil.
Je souhaite également la réalisation de projets sociaux inscrits dans nos statuts et l’indemnisation des préjudices pour les 20 000 Orphelins, refusés à cinq reprises par son Bundestag et rejetés aussi, par trois fois, par la CEDH qui, comme la FEFA et Berlin, considère que nous avons été indemnisés, sans citer la misérable aumône de 2 800 DM ou 1387 € attribués à nos mères, les veuves, ou à répartir entre la fratrie – en somme, le prix de la valeur humaine d’une victime alsacienne et mosellane est égal au prix d’un vélo ou à la moitié, à peine, du prix d’un bœuf à la foire. QUI POUR PROTESTER en ALSACE-MOSELLE ? Personne ! A chaque fois que je lis dans certains textes que les Malgré-Nous ont été indemnisés, je bondis.
Je regrette infiniment qu’en Alsace nous n’ayons pas rencontré parmi les élu(e)s, sauf Philippe RICHERT, des défenseurs de la veuve et de l’orphelin, plus attirés par les ors de la République. Nombre d’orphelins ont été spoliés comme moi du fait de l’absence du père, parfois même par leurs propres familles avec la complicité des notaires.
Qui pour nous défendre les orphelins en bas âge ou adolescent de 10 ou 15 ans ?
PERSONNE !
Un jour je décrirais ces abandons, ces avanies, ces mensonges, le travestissement de la vérité historique et l’opprobre jeté ».
Bernard ERNEWEIN
* Voir également : http://blogs.mediapart.fr/blog/bernard-ernewein