Les « Malgré-Nous »: ces oubliés de l’His­toire

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1942: l’Al­le­magne nazie annexe illé­ga­le­ment l’Al­sace et la Lorraine. De cette annexion découle le début du service mili­taire obli­ga­toire pour les Français d’Al­sace-Moselle, incor­po­rés dans l’ar­mée alle­mande à seule­ment 17 ans et envoyés sur le front de l’Est ou en Russie à 18 ans. Nombreux ont été ces jeunes gens qui ont du combattre aux côtés d’une patrie qu’ils n’avaient pas choisi, pour des idéaux qu’ils ne parta­geaient pas, contre leurs nations d’ori­gi­ne…

Les « Malgré-Nous »: ces oubliés de l’His­toire

27 novembre 1940 : l’Al­le­magne nazie annexe illé­ga­le­ment l’Al­sace et la Lorraine. De cette annexion découle le début du service mili­taire obli­ga­toire pour les Français d’Al­sace-Moselle. Jean-Paul Bailliard s’est retrouvé enrôlé de force à l’âge de 17 ans dans le service obli­ga­toire du travail, le RAD (« Reichs-Arbeits-Dienst ») puis incor­poré dans l’ar­mée alle­mande en avril 1943. Un an après, il fit la campagne de Russie, avant de déser­ter en 1945. Pourquoi parler de cet homme en parti­cu­lier ? Tout simple­ment parce qu’il incarne une partie de l’His­toire, non pas seule­ment des régions de l’Est, mais bel et bien de la France. Nombreux ont été ces jeunes gens qui ont dû combattre pour une patrie qu’ils n’avaient pas choi­sie, pour des idéaux qu’ils ne parta­geaient pas. Après la guerre, ils furent consi­dé­rés comme des traîtres à la nation et restèrent long­temps incom­pris.

Ce n’est qu’en mai 2010, grâce aux efforts de cet homme, que les « Malgré-Nous » ont enfin été recon­nus comme « victimes du nazisme » par l’État français. Mais cela n’ex­cuse pas aujourd’­hui l’ab­sence dans les manuels d’his­toire de cet énième crime qui fut engen­dré par la deuxième Guerre mondiale. Les images parlent toujours plus que les mots. Toutes les photo­gra­phies présen­tées dans ce photo­re­por­tage sont très souvent les seuls souve­nirs d’un père, d’un frère, d’un mari que certaines familles conservent précieu­se­ment.

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1. Témoin d’une page mécon­nue de l’his­toire

Jean-Paul Bailliard est né en 1924 à Stras­bourg. Il a connu l’an­nexion de l’Al­sace par l’Al­le­magne nazie. Incor­poré de force dans la Wehr­macht en 1943, il déserte le front de l’Est en avril 1945 et parvient à se réfu­gier en zone améri­caine.

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2. Le poids du passé

La vue de cette croix de fer, retrou­vée dans une vieille boite par la famille d’un « Malgré Nous », provoque chez Jean Paul Bailliard une vive émotion. Elle ravive des souve­nirs marqués au fer rouge …

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3. A coups de bêches

En 1941 le RAD, Reichts Arbeits Dienst, litté­ra­le­ment « service obli­ga­toire du travail » est intro­duit en Alsace. L’objec­tif: former la jeunesse à une concep­tion natio­nale-socia­liste du monde. Une forma­tion au carac­tère mili­taire, où le manie­ment des armes passait d’abord par le manie­ment de la bêche. Une « école de la Nation » qui n’était autre qu’un inépui­sable outil mili­taire pour le troi­sième Reich.

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4. Avant l’af­fec­ta­tion: le service du travail

Le recen­se­ment pour le RAD des jeunes de 18 à 25 ans se faisait par les mairies. Ce service du travail s’ef­fec­tuait en uniforme et durait six mois.

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5. « bon pour le service ! »

Pour béné­fi­cier d’un sursis d’in­cor­po­ra­tion, beau­coup s’auto-muti­lèrent. D’autres, comme Jean-Paul Bailliard, simu­lèrent à grand renfort de cachets de « perlim­pim­pin » et d’un régime dras­tique, une mala­die inva­li­dante. Malgré tous ses efforts, Jean-Paul Bailliard fut déclaré « bon pour le service ».

6. L’in­com­pré­hen­sion

Les 130 000 « Malgré-Nous » Alsa­ciens et Mosel­lans ont tous vécus un déluge de feu. Seule leur soli­da­rité les aidèrent à « donner le change » dans l’ad­ver­sité. C’est pour combler le manque d’ef­fec­tifs volon­taires que les auto­ri­tés nazies instau­rèrent l’in­cor­po­ra­tion de force. Les déser­teurs étaient punis de mort et des repré­sailles étaient menées contre leur famille.

7. Les « damnés de la guerre »

Ces quelques clichés sont les seuls souve­nirs d’un père et d’une époque. Bon nombre de jeunes gens présents sur ces photos ne sont jamais reve­nus. Envoyés avec leurs unités sur le front russe, très peu d’entre eux arri­vaient à échap­per à la mort ou à de graves bles­sures. Survivre plus de trois mois était un véri­table exploit dans l’en­fer du front russe.

8. Mistel­bach n.

La guerre englou­tit la jeunesse tel le Mino­taure, qui jamais ne s’en reput. Photo­gra­phie prise à Mistel­bach d’un jeune Alsa­cien enrôlé de force dans la Wehr­macht.

9. « anden­ken von mistel­bach. thié­baut »

Des visages souriants d’ado­les­cents, pour rassu­rer leur famille … Quelques semaines plus tard tous étaient envoyés sur le front de l’Est. Au dos un nom, un lieu. La preuve de l’exis­tence d’un homme.

10. Et si …?

Jean Paul Bailliard tente de situer les lieux où ont été prises des photos pour aider des familles de portés dispa­rus.

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11. Au nom de toutes les victimes du nazisme: un regard sur l’his­toire

Fin mai 1945, Jean-Paul Bailliard s’en­gage dans l’ar­mée française par sens du devoir. Un devoir large­ment accom­pli puisqu’il sera récom­pensé par cinq cita­tions et une Légion d’Hon­neur après avoir fait campagne en Indo­chine de 1950 à 1953. Une licence en Sciences et un docto­rat en Physique nucléaire en poche, Jean-Paul Bailliard gravit les éche­lons au sein du corps des Ingé­nieurs de l’Ar­me­ment et devient Ingé­nieur Géné­ral en 1984. Il a écrit un livre auto­bio­gra­phique, pour que l’on recon­naisse et se souvienne à jamais de ces « damnés de la guerre », ces « Malgré-Nous »…

* Une inter­view de Nico­las Mengus par Vianne de Jalras à lire ici : http://info­si­bou­lot.word­press.com/2013/05/30/les-malgre-nous-ces-oublies-de-lhis­toire/

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