Bernard Ernewein, président-fondateur de l’OPMNAM, revient sur le projet de Mur des Noms et son importance dans la Mémoire de l’incorporation de force.
Oui, notre Noël à nous, Orphelins des Pères ‘’Malgré-Nous’’ d’Alsace-Moselle, nous l’avons connu le 8 novembre, lorsque Monsieur Philippe RICHERT, annonça officiellement au Mémorial d’Alsace-Moselle à Schirmeck, devant une nombreuse assistance, que le MUR des NOMS, un projet de l’OPMNAM de 10 ans, devenu commun avec les collectivités territoriales il y a quatre ans, sera édifié pour 2012.
Que d’émotions pour mes amis(es) sur place et ils ne furent pas les seuls !
Ainsi, le Président de la Région Alsace, devenu Ministre des Collectivités Territoriales quelques jours plus tard, confirma-t-il, en homme de parole, ses engagements passés dont nous n’avons jamais doutés, dans son discours rapporté par Albert ODOUARD, journaliste à l’Ami Hebdo.
Nous avons également une pensée pour le regretté Adrien ZELLER, qui, avec les Présidents des Conseils Généraux du 67, 68, 57, Philippe RICHERT, Charles BUTTNER et Philippe LEROY, donnèrent le feu vert en novembre 2006, à l’occasion d’une réunion de l’OPMNAM à Handschuheim organisée par son Président Gérard MICHEL, sous le haut patronage de Monsieur Daniel HOEFFEL, ancien Ministre, pour le recensement au moyen d’un site interactif de l’ensemble des victimes de 1939/45 et l’édification du Mur des Noms pour les 40 000 incorporés de force tués ou portés disparus.
Auparavant en 2000, nous avions proposé une participation financière à G. SCHRÖDER, Chancelier du pays qui a fait de nous des Orphelins et qui, après les crimes commis, ne nous a pas rendu les corps de nos pères, de nos oncles et de tous les fils et filles d’Alsace-Moselle, terre française.
Le Bundestag rejeta notre offre à cinq reprises depuis 2006, comme s’il s’agissait d’une course cycliste à Baden-Baden ou se défaussant sur la Fefa, la Fondation « Entente Franco-Allemande ».
Nous tendions la main, pas la sébile.
L’OPMNAM n’abandonnera pas, même si les financements étaient assurés.
Idem, soit dit en passant, quant aux réparations dues aux Orphelins des « Malgré-Nous » par les deux pays coresponsables de notre situation, mais qui refusent tout dialogue et diffusent l’un, l’Allemagne, des allégations mensongères ou des interprétations fantaisistes de l’accord franco-allemand de 1981 qui, rappelons-le, aboutira à verser 1 387€ aux incorporés de force, l’autre, la France, des propos révisionnistes, cherchant à faire de nos pères des citoyens-soldats ordinaires, nous conduisant dans les deux cas, quelle honte, à déposer plainte contre autant d’hypocrisie et d’irresponsabilité !
Jetés dans des fosses communes, restés sans sépulture ou la merci des bêtes sauvages par moins 30°, à des milliers de km de leur terre natale, reconnus « morts pour la France », mais faisant surtout le sacrifice ultime pour protéger leurs familles de la tyrannie, ils servirent aussi de boucliers humains à toute une région.
L’Alsace–Moselle, où reposent nombre de soldats de tous pays, de tous conflits, y compris des Allemands, ne pouvaient pas plus longtemps ignorer, l’existence de ses enfants que la France n’avait pas su protéger et dont les âmes errantes cherchaient désespérément un lieu de repos.
L’incorporation de force de masse* de 130 000 citoyens français, n’est compréhensible que si l’on prend en compte, en dehors du renouvellement de la chair à canons sur le front russe, deux facteurs essentiels :
➢ pour les nazis, une soi-disant appartenance ethnique germanique « Deutschstammig » des Alsaciens-Mosellans, par la langue et l’Histoire lointaine,
➢ par les pressions extrêmes et les représailles collectives de la Sippenhaft, comme la confiscation des biens, la déportation, les travaux forcés pour les membres du clan familial, hommes, femmes, enfants, en cas d’insoumission ou d’évasion de leur fils ou de leurs filles de l’armée allemande.
Ainsi, comme d’autres, déportés dans des wagons à bestiaux à partir du territoire national, dont 40 000 morts, assassinés dans la fleur de l’âge, l’Alsace-Moselle devint exsangue des ses forces vives, un véritable crime de guerre, intimement lié aux crimes contre l’humanité à l’encontre d’une minorité nationale française pour des motifs ethniques, un exemple type du génocide d’une génération.
➢ Citons M. Georges NONENMACHER, un juriste international, dans son livre La Grande Honte de 1966 (p. 194–195) :
« L’incorporation forcée est à mi-chemin entre la théorie de la germanisation par assimilation et de la théorie de la germanisation par le vide, un exemple type de génocide. »
➢ « Il semble avoir été oublié un peu partout que les incorporés de force ne sont pas seulement les victimes d’un crime de guerre mais aussi des persécutions nationales-socialistes. »
➢ « Les auteurs de ce crime contre le droit des gens ne visaient autre chose que le génocide. »
➢ « En somme, ou on accepte d’être assimilé, contraint et forcé par différentes mesures de représailles, ou on disparait. »
➢ « Victimes d’une mesure politique de l’occupant, le caractère de la déportation militaire a conduit en plus à engager la jeunesse dans une lutte fratricide, dont elle devait sortir décimée et mutilée. »
(Voir aussi le bulletin de l’OPMNAM n° 19 d’octobre 2008 « Le génocide programmé d’une génération d’Alsaciens et de Mosellans »).
Parce qu’ils rejetaient la germanisation et les tentatives de nazification, une bande de malfaisants fit des 130 000 jeunes hommes, célibataires ou pères de familles et des 15 000 jeunes filles, peut-être davantage, des esclaves « Beutedeutsche » (« Allemands prises de guerre ») et de leurs familles, des otages, ne leur laissant d’autre choix que de subir ou de faire subir à leurs proches, la barbarie nationale-socialiste.
Ce Mur des Noms, qui sera édifié le long des allées d’accès au Mémorial d’Alsace-Moselle à Schirmeck inauguré en juin 2005 dont le principal artisan fut Philippe RICHERT, leur redonnera leur identité, leur nom et une place dans cette terre natale qu’ils n’auraient jamais dû quitter, réduisant ainsi à néant toutes tentatives de maintenir une chape de plomb sur les 40 000 voix d’outre-tombes.
Mais ce lieu de recueillement pour les familles, de témoignage pour les générations futures sera aussi un gage de reconnaissance par la Nation comme souhaité par le Président de la République dès 2008 lorsqu’il transmit ce message à Philippe RICHERT, parlant des incorporés de force :
➢ « Ces fils de France (…), victimes de l’Histoire (…), ne doivent pas être aspirés par l’oubli. Grâce à vous, leurs noms figureront bientôt sur un monument érigé en Alsace- Moselle, sur cette terre de France à laquelle ils ont été arrachés pour être jetés dans des combats acharnés ».
Le recensement des 40 000 morts est en cours et chaque Alsacien(ne) peut consulter les fiches individuelles de son père ou des membres de sa famille depuis bientôt 6 mois, aux Archives départementales du Bas-Rhin à Strasbourg et au Mémorial à Schirmeck, pour y apporter d’éventuelles corrections ou précisions.
Il est aussi possible de consulter la liste récapitulative des tués ou portés disparus de vos communes dont la validation définitive reviendra aux maires qui seront consultés, je le pense, assez vite. Ce sera l’occasion pour les familles concernées qui ne se sont pas déplacées à ce jour faute de lisibilité, – le Mur des Noms n’ayant pas été présenté, pourtant l’objectif essentiel du recensement -, d’apporter leur concours sur place dans leurs communes, aux côtés des « Malgré-Nous », des « Malgré-Elles », des veuves, des orphelins et des associations.
Nous attendons aussi la mise en place du site internet envisagé dès 2006, un outil indispensable.
Le signal, c’est au Conseil Régional d’Alsace et aux Conseils Généraux des trois départements de le donner et je le répète, en exposant plutôt deux fois qu’une, le but du recensement des 40 000 victimes, c’est-à-dire l’édification du Mur des Noms le long des allées d’accès au Mémorial d’Alsace-Moselle à Schirmeck.
Pour le financement, nous faisons confiance à Philippe RICHERT, au Conseil Régional d’Alsace, aux Conseils Généraux des trois départements.
Alain MARLEIX en janvier 2008, lors d’une entrevue avec Philippe RICHERT, s’était engagé auprès de lui pour un cofinancement par l’Etat. Aujourd’hui, Philippe RICHERT comme Ministre des Collectivités Territoriales, sollicitera sans doute aussi l’Union Européenne, qui sait le Parlement Européen de Strasbourg ?
L’OPMNAM, considérant que la réconciliation ne se limite pas à des festivités avec les Restmitteln appartenant aux incorporés de force, continuera à demander (ce qu’elle fait depuis 10 ans) la participation financière de l’Allemagne et, comme suggérée par elle, celle de la FEFA à qui elle a versé, dit-elle, des moyens financiers substantiels, « erheblichen finanziellen Mitteln ».
Bernard ERNEWEIN, président fondateur de l’OPMNAM (orphelinsperes.malgre-nous@wanadoo.fr )
*L’engagement volontaire dès 1941 fut un fiasco, ne concernant que 2 300 Freiwillige, pas forcément des autochtones, mais des Allemands de souche nés en Alsace Moselle avant 1918, de retour dans les valises d’Hitler, voire des volontaires inscrits d’office comme tels ou sous la pression de représailles.