Lothaire Kübel, le héros d’Ar­gen­ton-sur-Creuse – Article paru dans « La Nouvelle Répu­blique » du 28.11.2020

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Si Lothaire Kübel a grandi bien loin d’Ar­gen­ton avant de rejoindre la ville, l’âme héroïque du person­nage flotte encore fière­ment au-dessus de la Venise du Berry. Ses actes de bravoure font de lui le héros de ce triste 9 juin 1944.

C’est en 1942 que l’homme fuit l’Al­sace pour éviter d’in­cor­po­rer l’ar­mée alle­mande. Quand il arrive dans le Berry, ce profes­seur rejoint le collège pour y ensei­gner l’al­le­mand. Pour échap­per à l’ar­res­ta­tion, la direc­trice du collège lui suggère forte­ment d’ac­qué­rir une nouvelle iden­tité. Il devient donc Jean-Marie Cubel.
Soixante-sept civils tués
Le profes­seur s’in­tègre rapi­de­ment, déci­dant même de rejoindre le club de foot­ball après avoir rencon­tré le gardien de l’équipe, lui-même alsa­cien. Mais si Lothaire Kübel reste aujourd’­hui dans les têtes de chaque Argen­ton­nais, c’est pour son héroïsme, le 9 juin 1944.
Une jour­née d’une mons­truo­sité indi­cible. Les résis­tants mènent des opéra­tions dans la région, pour barrer la route aux Alle­mands, le matin même. Une compa­gnie de la divi­sion SS « Das Reich » arrive, en fin d’après-midi, en repré­sailles. Furieux de l’at­taque d’un de leur train conte­nant des muni­tions et de l’es­sence dans le quar­tier du Petit-Nice, le groupe alle­mand inves­tit sauva­ge­ment la ville. Certains entrent dans plusieurs maisons, assas­si­nant de sang-froid des familles entières. D’autres s’oc­cupent de rassem­bler 174 otages qu’ils diri­ge­ront au Petit-Nice, dans l’op­tique de les fusiller.
Lors de ce rassem­ble­ment, Lothaire Kübel jouera un rôle déter­mi­nant, malgré ses faux papiers. Les mili­taires nazis sont surpris par sa maîtrise de la langue alle­mande. Le profes­seur gagne peu à peu leur confiance en servant d‘in­ter­prète. Les otages passe­ront la nuit dehors sans pouvoir dormir alors que Lothaire Kübel conti­nue de négo­cier. Le lende­main, la compa­gnie rassemble les otages en contrô­lant scru­pu­leu­se­ment chaque iden­tité.
Durant ce contrôle, le profes­seur sauvera un grand nombre d’entre eux, dont ceux ne déte­nant pas de papiers. L’Ar­gen­ton­nais présente certains otages comme amis, joueurs de foot, anciens élèves ou commerçants. Au final, les otages sont libé­rés et seuls une quin­zaine d’entre eux sont embarqués pour rejoindre Limoges. Deux d’entre eux arrivent à fuir, les SS abat­tront les autres.
Cette attaque fera 67 civils assas­si­nés. Un triste bilan consi­dé­ra­ble­ment allégé par l’ac­tion de Lothaire Kübel. Le héros rece­vra une lettre de féli­ci­ta­tions du ministre de l’Édu­ca­tion, le 22 juillet 1944. S’il retourne ensuite en Alsace, le profes­seur revien­dra en visite à Argen­ton chaque été. Il reçoit en 1990 les insignes de la Légion d’hon­neur lors d’une céré­mo­nie sur les lieux de la prise d’otages. Il s’éteint en 2010, à Stras­bourg, mais conti­nue, aujourd’­hui encore, de vivre en héros, à Argen­ton.

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