Non ! Ils n’étaient pas volontaires pour servir l’Allemagne nationale-socialiste, ces jeunes femmes et ces jeunes hommes d’Alsace et de Moselle incorporés de force au Reichsarbeitsdienst, au Kriegshilfsdienst, dans la Wehrmacht et la Waffen-SS. Et, malgré les menaces de déportation qui pesaient sur les familles en cas d’insoumission, nombreux sont ceux qui ont pu fuir leur région annexée ou qui, après avoir été enrôlés, ont réussi à déserter au péril de leur vie.
Ceux et celles qui ont survécu aux combats et aux bombardements portent en eux des séquelles psychologiques, mais ils s’estiment heureux d’avoir pu rejoindre leurs foyers. Plusieurs milliers de Malgré-Nous sont morts sur les champs de bataille, mais aussi par exécution avec ou sans jugement (par les Allemands ou par les armées alliées), par suicide ou à cause de conditions de captivité innommables. D’autres sont toujours portés disparus, empêchant tout travail de deuil : la disparition de ces non-rentrés a, pour les plus âgés, laissé des veuves et des orphelins sans ressources dans une France enfin libérée.
Les racines de l’annexion de 1940 remontent en fait à la défaite française de 1871 et à la première annexion – légale – de l’Alsace et de la Moselle à l’Allemagne. Cette défaite va voir se développer une politique de revanche, la nécessité de franchir à nouveau « la ligne bleue des Vosges » pour libérer les provinces perdues. Il faudra quatre ans de guerre sanglante pour que l’Alsace et la Moselle redeviennent françaises en 1918. Le traité de Versailles (1919) imposé à l’Allemagne vaincue permettra à son tour le développement d’une politique de revanche dont Adolf Hitler va se faire le champion. La politique de conquête de l’Allemagne nazie va faire en sorte que la France et l’Angleterre lui déclarent la guerre en 1939. En à peine un an, la France est vaincue et perd une nouvelle fois – mais sans aucune signature d’un quelconque traité à ce propos – l’Alsace et la Moselle ; les nazis ont tôt fait de rétablir les frontières telles qu’elles étaient en 1871. Ce chapitre introductif est suivi d’une chronologie des événements. L’incorporation de force et l’Annexion sont ensuite traitées de façon originale et référencée sous forme de glossaire illustré.
Ce livre, très documenté, présente une mise au point historique sur la question de l’incorporation de force, un crime de guerre consécutif à la défaite française de 1940 et à l’annexion de fait de l’Alsace-Moselle au IIIe Reich. Il propose aussi plus de cinquante témoignages inédits et variés illustrant cette tragédie franco-allemande toujours méconnue.
Claude Claus
Nicolas Mengus, André Hugel, Malgré nous ! Les Alsaciens et les Mosellans dans l’enfer de l’incorporation de force, La Tour Blanche – Les Presses du Belvédère, 2010, 413 pages, 34,50€.