La parution de trois bandes dessinées sur l’horrible tragédie d’Oradour-sur-Glane – autant de portraits à charge souvent caricaturaux pour les déportés militaires alsaciens – a amené le dramaturge Igor Futterer, auteur de la pièce La Cigogne n’a qu’une tête, unique référence dramaturgique sur la question, à rédiger ce billet d’humeur.
Doit-on encore démontrer, s’il le fallait, la capacité de transmission de la BD mémorielle ? Nul besoin, elle remplit parfaitement son office, quand leurs auteurs n’en sont pas les fossoyeurs par l’instrumentalisation à dessein. Concernant les Alsaciens-Mosellans déportés militaires, il n’avait pas suffi du pathétique Voyage de Marcel Grob (Éditions de Noyelles- Futuropolis, 2018) qui, non content d’empiler les stéréotypes de la « nazisploitation », se singularise par la culpabilité insidieuse et rampante des incorporés de force, avouée ante mortem dans le dernier souffle de la dernière bulle ; que ne voici sur le champ de foire de nos librairies, trois romans graphiques consacrés au massacre d’Oradour-sur-Glane. Oradour. L’innocence assassinée (Éditions Anspach), – Oradour-sur-Glane. 10 juin 1944 (Éditions Petit à petit) et Le dernier témoin d’Oradour-sur-Glane. L’histoire vraie de Robert Hébras (Éditions Harper Collins).
Point commun de ces trois nouveautés, la culpabilité débridée des déportés militaires dans le récit fictionnel, qui atteint son paroxysme dans le vœu pieux de l’appareil pédagogique. Florilège : « …9000 dont beaucoup d’Alsaciens… », « …Vous allez voir de quoi les Alsaciens sont capables. Le sang va couler… », « …800 Alsaciens-Mosellans incorporés pour certains « malgré-eux… » », « …des Alsaciens-Mosellans – qualifiés de « malgré-nous » – sont complices des crimes et exactions commises… ». De grâce… n’en brûlez plus… !!! Pour mémoire et une bonne fois pour toute face au tribunal de l’Histoire : les Alsaciens-Mosellans, déporté(e)s militaires hommes et femmes, ne sont ni coupables, ni responsables et encore moins complices des odieux crimes nazis ! Bien au contraire, ils sont les victimes ultimes et uniques, tant du point de vue physique que psychologique, du mécanisme de perversion nazie exercée sur le territoire national. Le nier reviendrait alors à affirmer que l’entièreté des déportés membres d’un Sonderkommando sont de fait les auxiliaires zélés des nazis dans l’extermination de leurs propres frères et sœurs. Ou plus près de nous, cela reviendrait à dire que la dessinatrice Coco a été la complice volontaire des frères Kouachi dans l’exécution de ses camarades de Charlie Hebdo en donnant le code de la porte blindée pour sauver sa vie…
L’absurdité du propos ne devrait échapper à personne. Aussi, il est grand temps qu’une BD ambitieuse voit le jour, afin de rétablir la vérité auprès du grand public, si tant est que le 80ème anniversaire nous oblige à quelque chose….
Igor Futterer