Ami(e)s,
Permettez-moi de revenir sur le drame des Incorporés de Force et sur la dimension singulière de leur détresse et de leur isolement moral.
Cela s’est concrétisé de manière dramatique par l’absence de Jacques Chirac à l’inauguration du Mémorial d’ Alsace-Moselle en juin 2005 où le Président (qui avait reconnu la responsabilité de l’Etat Français dans la Rafle du Vel’ d’ Hiv en 1995*) avait délégué, même pas le Secrétaire d’Etat aux Anciens combattants – Mr Mekachera**- mais l’ Alsacien de service : François Loos!
Il reste une suspicion. partagée, une méfiance , un rejet des Incorporés de Force assimilés souvent à des « volontaires », des collaborateurs, des supplétifs, n’ayant pas assez signifié leur volonté de résistance et ayant été entraînés dans la Wehrmacht au service du nazisme.
Il faut lire le pathétique et tragique récit de André Weckmann : » Les nuits de Fastov »*** pour mesurer l’absurdité tyrannique de l’assignation perpétuelle au statut de Malgré-Nous (terme créé par Maurice Barrès dans les années 20!).
Or , j’ai eu l’honneur et la douleur de recevoir au cabinet pendant 25 à 30 ans plusieurs centaines d’entre eux-elles pour évaluer le taux de leur « asthénie » et j’ai été confondu par la peine, l’humiliation, l’absurdité de la guerre sous le drapeau ennemi et l’impossibilité de témoigner et le mépris des vainqueurs et des résistants (pour certains de la dernière heure).
De mon point de vue, à quelques exceptions près, tous les Incorporés de Force « méritent » d’avoir « leur » Stolpersteine.
Sinon, ce serait méconnaître les mécanismes de l’installation du totalitarisme nazi en Alsace et en France et accréditer le fantasme que l’on pouvait lui résister une fois les premières stigmatisations à l’oeuvre.
Résister ici était équivalent à la peine de mort et à la déportation pour la famille (voir Marcel Weinum et la Main Noire, Georges Wodli, les fusillés du Ballersdorf,…)
J’ai écrit pour témoigner de ce mutisme douloureux contagieux qui m’a fait prendre le parti de ces victimes de l’Histoire (avec une grande Hache, eux/elles aussi) et de leurs descendants (sur 2 générations), héritiers de cette honte muette, de cette peine insondable et de ce rejet et de ce mépris national (absence dans les livres d’histoire et polémique perpétuelle au sujet d’ Oradour).
Pour moi, ce sont des victimes emblématiques comme les Roms qui dépensent une énergie folle à faire reconnaître le Samudaripen.
Toutes les victimes du nazisme ne sont pas à égalité devant l’ Histoire.
En fidèle adelphité,
Georges Yoram Federmann
Psychiatre gymnopédiste
Psychiatre gymnopédiste
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