Oradour-sur-Glane. Les Alsa­ciens, des « monstres » et des « assas­sins »… ?

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Si, parmi les 13 dépor­tés mili­taires mis en accu­sa­tion en 1953 pour avoir été présents à Oradour-sur-Glane, le 10 juin 1944, quatre d’entre eux – Busch, Lohner, Grie­nen­ber­ger, Giedin­ger – ont obtenu un non-lieu en 1948, c’est parce qu’il avait été jugé qu’ils n’avaient pas pu se sous­traire aux ordres donnés et que, malgré tout, ils avaient sauvé des vies.

En-dehors de Paul Graff qui n’a jamais caché avoir tiré, dans des circons­tances bien parti­cu­lières, sur une femme – iden­ti­fiée comme étant Octa­vie Dalstein – qui avait mani­fes­te­ment déjà été touchée par le tir d’un autre soldat, il n’a jamais pu être prouvé que les incor­po­rés de force avaient sur la conscience le meurtre des femmes et des enfants d’Ora­dour (nous n’évoque­rons pas ici les exécu­tions des hommes dans les granges). Au contraire, au procès, il avait été établi qu’ils étaient venus dans ce bourg sans inten­tion de tuer, sans prémé­di­ta­tion.

Les quelques exemples que nous allons citer abondent en ce sens et se fondent sur les archives du procès qui nous sont connues.

  • A partir de 14h15 envi­ron. Daul et Elsaes­ser, en faction dans un chemin creux près de la ferme Bel-Air, renvoient – sur ordre de leur chef Lauber – une jeune femme d’en­vi­ron 18 ans venue à vélo, ainsi qu’une dame d’une quaran­taine d’an­nées et un homme avec un accent italien ou espa­gnol. Ils laissent entrer Jean-Baptiste Tour­nier, profes­seur de musique, qui s’était montré très insis­tant.
  • Ils laissent égale­ment sortir un homme, une femme et deux enfants à vélo. La femme remer­ciera Daul après la guerre.
  • Hoeh­lin­ger, posté derrière une haie, apprend que son chef Zscheyge aurait laissé sortir une femme du bourg. Lui-même discute avec un homme d’une soixan­taine d’an­nées et une jeune fille qui fanent dans un pré. Les deux civils repartent ensuite sans être inquié­tés. Les Alle­mands Karl Lenz et Werner Chris­tu­kat dépo­se­ront avoir aussi renvoyé des civils.
  • Lohner, en faction entre Puy-Gaillard et la Chalet Saint-Vincent renvoie une jeune femme de 17/18 ans, Yvonne Gaudy. Puis il renvoie deux jeunes femmes de 20–25 ans et un homme d’en­vi­ron 60 ans.
  • Boos, le volon­taire alsa­cien, renvoie une fillette de 7/8 ans.
  • A partir de 15h envi­ron. Un soldat demande, en français, aux habi­tants de Laplaud de l’ac­com­pa­gner jusqu’au Champ de Foire. A mi-parcours, un autre soldat leur dit, en français sans accent, de retour­ner chez eux. Témoi­gnage de Mme Marie-Louise Moog, née Pince­maille.
  • Oster sauve une jeune fille de l’église en flammes. Témoi­gnage oral de Niess. Voir aussi dépo­si­tion de Margue­rite Rouf­fanche du 16.11.1944.
  • Vers 15h30–15h45. Après l’exé­cu­tion des hommes au Chai Denis, Lohner et Meyer font signe à une femme de se cacher. Elle se réfu­gie dans une maison.
  • Vers 15h45–16h. Pres­tel, en compa­gnie de Weber, Niess et trois autres soldats, renvoie une femme et deux enfants qui voulaient entrer dans le village parce que leur maison brûlait.
  • Vers 18h30. Arri­vée en voiture de M. Pallier qui s’inquiète pour sa famille. Il est arrêté, son chauf­feur est libéré.
  • Vers 19h. Arri­vée du tram. Les voya­geurs sont conduits à la Ferme Masset et libé­rés entre 21h et 22h.
  • Ajou­tons les témoi­gnages de Jacque­line Pinède (cachée sous un esca­lier avec sa soeur et son petit frère) – qui suppose que les trois soldats qui les ont laissé fuir étaient proba­ble­ment fati­gués de tuer – et, en 2014, d’André Boijeaud qui recon­naît avoir eu la vie sauve grâce à un soldat en faction sur le pont qui l’a renvoyé d’un geste de la main.

Si l’on n’a pas le temps de consul­ter les archives et les nombreuses publi­ca­tions sur Oradour, qu’on se réfère simple­ment à F. Delage, Oradour, ville martyre, 1945, p.27 qui donnait déjà quelques exemples :


 

Dossier établi par Nico­las Mengus et Igor Futte­rer

 


La haine anti-dépor­tés mili­taires pendant le procès de 1953 (Archives ADEIF)

 

 

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