Orphe­lins de Malgré-Nous et nouvelle action en justice, par Marie Goerg-Lieby

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L’as­so­cia­tion OPMNAM (Orphe­lins de pères malgré nous d’Al­sace et de Moselle) a approuvé lundi 10 décembre le prin­cipe d’une action en justice qui serait confiée à l’avo­cat alle­mand Andreas Scheu­len.

 

 

L’avo­cat, que Gérard Michel, président de l’OPMNAM et Jean Hueber, tréso­rier, ont été consul­ter en automne, est connu pour avoir défendu des Alle­mands victimes de la justice nazie. Depuis une loi de 1997, les soldats alle­mands lour­de­ment condam­nés pendant la Deuxième guerre mondiale pour divers motifs (« refus de service mili­taire », « déser­tion » ou « atteinte au moral des armées ») peuvent deman­der répa­ra­tion. Du moins ceux qui sont encore en vie puisque des milliers de ces soldats de la Wehr­macht furent exécu­tés. Et parmi eux évidem­ment des incor­po­rés de force alsa­ciens et mosel­lans comme l’his­to­rien Auguste Gerhards l’a détaillé dans ses livres «  Morts pour avoir dit non  » (2007) et «  Tribu­nal de guerre du IIIe Reich » (2014). L’as­so­cia­tion, qui avance le chiffre de 500 incor­po­rés de force assas­si­nés par le pouvoir nazi (source : Le Maitron, « Diction­naire des fusillés »), tentera de faire valoir les droits des familles.

 

Joseph Nunnin­ger et tant d’autres dispa­rus

 

Lors de la réunion qui s’est tenue à la mairie de Hand­schu­heim, Paul-Gérard Nunnin­ger, vice-président de l’APOGA (Asso­cia­tion des pupilles de la nation orphe­lins de guerre d’Al­sace) et dernier d’une fratrie des 7 enfants, a témoi­gné du parcours de son père Joseph. Après s’être engagé durant 5 ans dans la Marine française, celui-ci travaille comme chauf­fa­giste dans une usine à Cernay, un poste qui avec sa famille nombreuse le préserve en théo­rie de l’in­cor­po­ra­tion de force. Mais Joseph ne veut pas parti­ci­per aux travaux obli­ga­toires, ce qui finit par en faire un suspect. « Le 11 novembre 1944, deux mili­taires alle­mands se présentent à notre domi­cile. Notre père est arrêté et embarqué manu mili­tari sans bagages dans un camion alle­mand.  » Les enfants ne rever­ront plus leur papa. Comble de malheur « le 13 janvier 1945, notre mère est arrê­tée à son tour par les nazis à notre domi­cile puis trans­fé­rée et empri­son­née à Stutt­gart. Nos parents avaient ils été dénon­cés pour avoir favo­risé l’éva­sion de prison­niers français qui étaient restés deux nuits dans notre grenier ? Qui à la mairie de Cernay alors que Seppois le Bas était déjà libéré avait donné l’ordre de la faire arrê­ter ? » Durant un mois, les enfants sont aban­don­nés à leur sort alors que les combats redoublent de violence. Terrible respon­sa­bi­lité pour la grande sœur âgée de 12 ans avec ses 5 frères dont le plus jeune avait 20 mois ! Tous attendent le retour de leur maman sur des bancs publics dans le froid :leur maison est inha­bi­table, dévas­tée par le souffle des explo­sions. Fina­le­ment la fratrie est reçue dans l’or­phe­li­nat de Thann. Début mai, la maman est libé­rée par les Alliés mais trop malade, elle doit être hospi­ta­li­sée en Alle­magne. Quand elle revient, ses enfants ne la recon­naissent plus tant elle est déchar­née, physique­ment et mora­le­ment brisée.En 1948 seule­ment, un incor­poré de force évoque les derniers moments du père. Un récit sujet à caution car le témoin n’a pas vu ce qu’un lieu­te­nant alle­mand lui a dit: Joseph aurait été tué par un tireur russe. Mais Gérard Nunnin­ger pense plutôt que son père a été exécuté par le lieu­te­nant et un autre gradé car l’Ar­mée rouge n’était pas dans ce secteur en janvier 1945, qu’au­cune décla­ra­tion de décès n’a été faite par les gradés alle­mands qui de plus n’ont pas pris la plaque d’iden­tité mili­tai­re…Les histo­riens savent que surtout à la fin de la guerre, les Alle­mands n’hé­si­taient pas à élimi­ner les soldats qui leur tenaient tête et à les faire dispa­raître. Même si aucun docu­ment n’éta­blit à ce jour les circons­tances du décès de Joseph Nunnin­ger, celui-ci fait partie de ces Français victimes de la barba­rie nazie. En janvier,le prix de l’in­cor­po­ra­tion de force « Armand Gangloff », fondé par Mme Renée Baudot, sera remis à un étudiant en histoire dont le travail univer­si­taire permet­tra d’élar­gir les connais­sances sur le sujet. Ce prix sera remis lors de la venue de l’avo­cat alle­mand à Stras­bourg.

M.G-L

 

André  Hugel et Alfred Wahl ont répondu à l’in­vi­ta­tion de Gérard Michel lors de la réunion à Hand­shu­heim (Photo M. Goerg-Lieby).

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